Des bombes de sucre
Et si les jus de fruits étaient pires que les sodas?

Trop de sucre, peu de fibres et de vitamines: les jus de fruits sont loin d’être aussi sains qu’on l’imagine. Selon plusieurs études, ils ne feraient pas mieux que les sodas. Blick fait la part des choses, avec l’éclairage de deux spécialistes.
Publié: 27.05.2022 à 13:42 heures
Elodie Maître-Arnaud

«Non, pas de Coca, prends un jus de pomme, c’est plus sain!» Cette petite phrase entendue à la terrasse d’un café en dit long sur nos idées reçues. Car on ne peut plus affirmer que les jus de fruits sont bons pour la santé. Ils seraient même aussi mauvais – voire pires – que les sodas, si l’on en croit plusieurs études.

La faute au sucre bien entendu, que les Suisses consomment en trop grande quantité – plus de 100 grammes par jour, alors que l’Organisation mondiale de la santé recommande 50 g, idéalement 25 g – ce qui augmente les risques de surpoids et d’obésité, mais aussi de maladies chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires ou du foie, cancers, etc.)

On connaissait déjà les méfaits des sodas et autres breuvages chimiques bourrés de sucres transformés. Mais parler de danger pour le fructose, le sucre présent naturellement dans les fruits, semble moins évident. «Qu’il s’agisse de sucre naturel [tel que le fructose présent dans les fruits, ndlr.] ou de sucre transformé [tel que le saccharose ou sucre de table, ndlr.], c’est pourtant pareil au niveau calorique et au niveau métabolique. Les risques pour la santé sont donc les mêmes», précise Sylvie Borloz, diététicienne et cheffe de projet obésité pédiatrique au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Certains jus sont plus sucrés que des sodas.
Photo: keystone-sda.ch
La Suisse pas encore prête pour la taxe sur les boissons sucrées

Implémentée dans plusieurs pays européens, la «taxe soda» vise à réduire la consommation de boissons sucrées. «Certains de nos voisins obligent l’industrie agro-alimentaire à diminuer petit à petit les quantités de sucre dans les boissons. Je soutiens évidemment la mise en place d’une telle mesure en Suisse, notamment en vue de financer des campagnes de prévention à l’attention des consommateurs», affirme Sylvie Borloz, diététicienne et cheffe de projet obésité pédiatrique au CHUV.

Sensible à cette question de santé publique, la conseillère nationale (PS) Valérie Piller Carrard avait demandé en 2018 au Conseil fédéral d’élaborer un rapport sur l’impact de l’introduction d’une telle taxe dans les pays qui la pratiquent. Le Conseil fédéral avait rejeté le postulat, convaincu de l’efficacité d’une approche volontaire de l’industrie agroalimentaire. Le Parlement fédéral a quant à lui rejeté plusieurs initiatives cantonales visant à mettre en place une taxe sur les boissons sucrées.

«D’autres initiatives en ce sens vont être mise à l’ordre du jour de la Commission en charge des questions de protection des denrées alimentaires», relève-t-elle. «Pour l’heure, je pense toutefois que nous n’aurons pas la majorité politique pour faire passer cette mesure. Les problèmes de santé publique sont pourtant là, mais on ne met pas assez de moyens dans la prévention et on en appelle toujours à la responsabilité individuelle.»

Implémentée dans plusieurs pays européens, la «taxe soda» vise à réduire la consommation de boissons sucrées. «Certains de nos voisins obligent l’industrie agro-alimentaire à diminuer petit à petit les quantités de sucre dans les boissons. Je soutiens évidemment la mise en place d’une telle mesure en Suisse, notamment en vue de financer des campagnes de prévention à l’attention des consommateurs», affirme Sylvie Borloz, diététicienne et cheffe de projet obésité pédiatrique au CHUV.

Sensible à cette question de santé publique, la conseillère nationale (PS) Valérie Piller Carrard avait demandé en 2018 au Conseil fédéral d’élaborer un rapport sur l’impact de l’introduction d’une telle taxe dans les pays qui la pratiquent. Le Conseil fédéral avait rejeté le postulat, convaincu de l’efficacité d’une approche volontaire de l’industrie agroalimentaire. Le Parlement fédéral a quant à lui rejeté plusieurs initiatives cantonales visant à mettre en place une taxe sur les boissons sucrées.

«D’autres initiatives en ce sens vont être mise à l’ordre du jour de la Commission en charge des questions de protection des denrées alimentaires», relève-t-elle. «Pour l’heure, je pense toutefois que nous n’aurons pas la majorité politique pour faire passer cette mesure. Les problèmes de santé publique sont pourtant là, mais on ne met pas assez de moyens dans la prévention et on en appelle toujours à la responsabilité individuelle.»

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C’est aussi ce qui résulte des travaux d’une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en France: une augmentation de 1 dl de la consommation moyenne quotidienne de boissons sucrées a été associée à une augmentation d’environ 18% du risque de cancer. Et les jus de fruits 100% pur jus ne faisaient guère mieux que les sodas.

Une étude américaine a quant à elle révélé le lien entre la consommation élevée de boissons sucrées et la hausse de la mortalité. Pour chaque portion supplémentaire de 3,5 dl de boissons sucrées consommée par jour, elle a ainsi mis en avant un risque de décès prématuré accru de 11%, toutes causes confondues. Le risque de décès prématuré augmentait même de 24% pour les gros buveurs de pur jus! Pire que le Coca, donc.

Mieux vaut manger une orange que la boire

Alors, poubelle les jus de fruits? Pas si simple, évidemment. Pour Sylvie Borloz, tous les jus ne sont pas à mettre dans le même sac, même s’il est toujours préférable de manger un fruit entier – notamment pour l’effet rassasiant des fibres et leur bénéfice sur la digestion. «Le seul bon jus de fruits est celui que l’on presse à la minute, à condition de le consommer immédiatement, car les vitamines s’altèrent très vite», confirme Olivier Bourquin, nutritionniste et fondateur de BN Nutrition.

La plupart des jus que nous buvons ne sont toutefois pas fraîchement pressés. Et la quantité de sucre qu’ils contiennent est loin d’être anecdotique. «Il faut être attentif à la composition des jus transformés, y compris artisanaux, car ils peuvent contenir des sucres ajoutés, en plus du sucre naturellement présent dans les fruits», prévient-il. Selon la diététicienne, 5 dl de 100% pur jus contiennent environ… 14 carrés de sucre!

BoissonQuantité de sucre pour un verre de 2 décilitres (équivalence en nombre de carrés de sucre)
Coca-Cola original21,2 g (4,7 morceaux)
Rivella rouge18 g (4 morceaux)
Jus d'orange M-Classic Max Havelaar 200% pur jus22 g (4,8 morceaux)
Jus de raisin Alnatura 100% pur jus32 g (7,1 morceaux)
Jus de pomme Migros bio 100% pur jus18 g (4 morceaux)
Jus de tomate Naturaplan3 g (0,6 morceau)

Demandez-vous pourquoi vous buvez un jus de fruits

Au-delà de leur teneur en sucre, Sylvie Borloz insiste sur la question de la quantité de jus de fruits que nous sirotons. Car lorsque l’on boit un jus, même fraîchement pressé, on se contente rarement d’un verre de 1 dl. «On est plutôt sur 3 dl, voire plus, ce qui correspond à plusieurs portions de fruits, avec une quantité de sucre multipliée», précise-t-elle.

On estime ainsi qu’il faut 5 ou 6 oranges pour remplir une bouteille de pur jus de 5 dl. «Vous ne mangeriez pas 5 oranges à la suite, alors que, pressées, nous en sommes tous capables et ce, sans aucun sentiment de satiété!» relève Olivier Bourquin.

Pour Sylvie Borloz, la bonne question à se poser est: pourquoi je bois un jus de fruit? Pour l’apport en vitamines? Pressé minute mis à part, mieux vaut manger des légumes et des fruits tous les jours. Parce que vous n’aimez pas les fruits? Mauvaise idée. Pour vous faire plaisir? «Ce n’est pas une mauvaise raison, à condition d’être parfaitement conscient qu’un jus de fruit, même sans sucre ajouté, est une boisson sucrée au même titre qu’un soda, et d’adapter sa consommation en conséquence», insiste-t-elle. Mieux vaut donc réserver ces boissons plaisir pour des occasions spéciales et ne pas constituer de stock à la maison afin d’éviter les tentations.

Sucré pour sucré, autant boire un soda? «Il ne faut pas exagérer! Les jus de fruits sont quand même moins chimiques», répond Olivier Bourquin. Il s’interroge toutefois sur l’éventuelle présence de pesticides et d’insecticides dans certains jus. Sylvie Borloz déconseille par ailleurs la consommation de boissons dites «sans sucre», à base d’édulcorants: selon une étude récente, ils sont en effet associés à un risque accru de cancer. «Mieux vaut se tourner vers les jus dilués, moins riches en sucre, comme le Schorle. Mais surtout, ne pas oublier que l’eau est la seule boisson dont nous avons tous besoin!» conclut-elle.

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