Et si on arrêtait de faire n'importe quoi?
On a demandé à des pros comment bien cuire le riz

Parce qu'il est dommage de cuire son riz n'importe comment, on a demandé à des experts quelques conseils pour la cuisson du riz. En risotto, avec un curry ou dans une paella: le riz n'aura plus de secret pour vous.
Publié: 14.10.2023 à 11:55 heures
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Dernière mise à jour: 16.10.2023 à 10:23 heures
Tania Brasseur

Il fait une chaleur écrasante en cette journée de fin d’été. Un soleil de plomb s’abat sur la rizière qui s’étend devant nous. Derrière les cultures inondées, on aperçoit les collines vert sombre qui découpent l’horizon. Je ne me trouve pourtant ni au Vietnam, ni à Bali, mais au cœur du Vully, chez Léandre Guillod. Il fait partie des quelques pionniers qui se sont lancés dans la riziculture au nord des Alpes. Cinq ans plus tard, le succès est au rendez-vous.

Dans le champ de riz à Vully (VD).
Photo: Tania Brasseur

Le riz a conquis le monde

Le riz est un aliment qu’on associe généralement au continent asiatique. A priori, rien d’aberrant puisque cette céréale, qui porte le doux nom de Oryza sativa, est originaire de Chine. Elle aurait été cultivée pour la première fois dans la vallée du Yang-Tsé il y a environ 9000 ans. Elle s’est ensuite propagée, voilà 4000 ou 5000 ans, à travers l’Asie de l’Est, du Sud et du Sud-Est, avant de gagner le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Europe et l’Amérique.

Il existe également une deuxième espèce de riz, Oryza glaberrima, originaire d’Afrique de l’Ouest. Autant dire qu’on trouve du riz à peu près partout sur la planète. Certes, le riz reste principalement consommé en Asie. Mais, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, il est aujourd’hui cultivé sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique.

Le riz au micro-ondes: respectez-vous, ne faites pas ça chez vous.
Photo: Shutterstock

En dehors de l’Asie, le riz trouve en effet sa place dans de nombreuses traditions culinaires : du riz croustillant iranien en forme de gâteau (tahdig) au riz au poisson sénégalais (thiéboudienne), du jambalaya de Louisiane au riz mexicain (arroz rojo), du risotto italien à la paëlla espagnole… On pourrait aussi citer ici le «fameux» riz casimir helvétique – même s’il a été récemment classé parmi les pires plats du monde.

Selon les variantes, le riz de la thiéboudienne peut être blanc ou rouge.
Photo: Wikipedia / CC

Vous cuisez probablement le riz n'importe comment

Si beaucoup d’entre nous n’aiment pas le riz, c’est parce qu’ils ne savent pas le cuire. C’est en tout cas l’avis de la blogueuse Funambuline, véritable mine d'or de conseils culinaires. Selon elle, l’erreur numéro un est de ne pas connaître les différentes variétés de riz. Car à chaque variété de riz, sa cuisson.

En gros, les riz se divisent en deux grandes catégories : ceux à grains longs (Oryza sativa indica) et ceux à grains courts ou mi-longs (Oryza sativa japonica). Parmi les premiers se trouvent le riz basmati et le riz jasmin, pour citer les plus connus. Les seconds incluent les riz ronds, comme les riz à sushi, à risotto ou encore à paëlla.

La première recommandation, c’est donc de savoir quel riz choisir selon le plat que l’on veut préparer. Si vous envisagez de faire un risotto avec du riz basmati, forcément ce sera la catastrophe. Idem si vous tentez un riz sauté avec du riz rond. Pourquoi? Parce que les grains de basmati, moins riches en amidon, n’offriront pas l’onctuosité suffisante, tandis que les grains de riz ronds auront tendance à trop coller pour être «sautés». En revanche, préparer des sushis avec du riz à risotto, ce n’est peut-être pas idéal, mais ça peut le faire, le but étant que les grains de riz adhèrent entre eux.

Laver ou ne pas laver, une question d'amidon

Faut-il laver le riz avant de le cuire? J’aimerais tellement pouvoir vous répondre par oui ou par non. Mais là aussi, tout dépend de ce que vous voulez en faire. Laver le riz permet justement de le débarrasser au maximum de son amidon. Or l’amidon sert à épaissir et créer du liant, autrement dit, ce que l’on recherche en préparant un risotto, mais que l’on doit éviter à tout prix pour obtenir un riz non collant et aérien. Et puis l'eau de rinçage pleine d'amidon, ça peut servir: certains suggèrent même de l'utiliser pour arroser ses plantes ou…se laver les cheveux.

Suffit-il alors de ne pas laver son riz pour réussir son risotto? Non, répond Carlo Caredda, chef de cuisine du restaurant Amici, à Lausanne. «Le secret d’un bon risotto, c’est la tostatura», confie le chef italien. En clair, il s’agit de commencer par faire revenir le riz cru dans un peu d’huile d’olive.

«La poêle doit être très chaude, ce qui permet de faire sortir l’amidon du riz, avant d’ajouter l’oignon, puis progressivement le bouillon, qui lui aussi doit être bouillant.» Il privilégie le riz Carnaroli pour sa très bonne tenue à la cuisson. Quant à la quantité de bouillon, c’est bien simple, il faut mettre le double de la quantité de riz: pour 100 grammes de riz, prévoir 200 grammes de bouillon.

Comment bien cuire le riz basmati

Passons maintenant au basmati. On le trouve aujourd’hui dans tous les supermarchés de la planète, mais à l’origine, il n’était cultivé que dans la région de Dehradun, dans le nord de l’Inde. «C’est un riz haut de gamme», précise Arjun Bhist, patron du Sulochna à Aubonne. «Les Indiens mangent du riz tous les jours, c’est un élément central de notre cuisine. Mais ils ne mangent pas forcément du basmati parce qu’il est cher.»

À quoi reconnaît-on un bon basmati? «À son parfum unique! Et au fait que chaque grain se sépare : pour l’œil, c’est déjà un plaisir!», s’exclame Arjun Bhist. Pour obtenir ce résultat, il recommande non pas de laver le basmati, mais de le tremper 20 minutes. Ensuite, on le rince, on le recouvre d’eau froide, on porte à légère ébullition, avant de baisser le feu et de le faire cuire jusqu’à ce qu’il absorbe toute l’eau.»

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Faut-il saler l’eau? Non. Mais le secret du chef pour rendre son riz encore plus exquis, c’est de chauffer du cumin, de la cardamome ou du girofle dans du ghee (beurre clarifié) ou de l’huile, avant d’ajouter le riz et l’eau. Une vraie tue…riz!

Le riz jasmin n'a rien à voir avec le jasmin

On peut le mettre à toutes les sauces, mais le riz se suffit aussi à lui-même. Julien et Lou Ryter-Carpaneto, les créateurs de Aux Complices à Forel (VD), ne vous diront pas le contraire. Leur studio culinaire offre un service traiteur, spécialisé dans la cuisine végétale. Le riz est l’un des ingrédients préférés de Julien car il peut se décliner d’innombrables manières, tout en constituant un repas complet.

De mère thaïlandaise, Julien Ryter est tombé dans le riz tout petit. Son riz de prédilection est le riz jasmin, connu aussi sous le nom de riz thaï. Comme le basmati, le riz jasmin est un riz parfumé – ce qui ne veut pas dire qu’il a été aromatisé avec du vrai jasmin. Les riz parfumés sont simplement des variétés sélectionnées pour leurs arômes naturels.

Comment bien cuire le riz jasmin

Pour une cuisson parfaite, notre expert recommande un rice cooker, parce qu’il permet surtout de garder le riz au chaud sans le surcuire. Mais pas de panique, si vous n’en possédez pas. Le principal est de bien le laver pour enlever l’amidon: mettre le riz dans une casserole, le couvrir d’eau, mélanger à la main, égoutter. Recommencer deux fois l’opération.

L’autre secret de Julien, transmis par sa mère, c’est d’utiliser son doigt pour mesurer la quantité d’eau: posez l’index sur le riz et versez l’eau jusqu’à la hauteur de votre première phalange. Une technique infaillible! Dans la pensée asiatique, ce geste permet en outre au cuisinier de transmettre un peu de lui-même à ses convives. Un supplément d’âme en quelque sorte.

Pas de sel non plus dans l’eau de cuisson. Dans la cuisine thaïe, l’assaisonnement provient des mets qui accompagnent le riz: viande, légumes, sauce piquante ou simple sauce soja. Une fois toute l’eau absorbée, le riz jasmin est parfaitement cuit. Il présente une texture légèrement humide et ne colle pas, sans parler de son délicieux parfum floral, développé pendant la cuisson.

Du riz suisse?

Retournons maintenant dans le Vully, où les maraîchers Léandre et Maxime Guillot se sont lancés dans la riziculture il y a 5 ans. La culture du riz n’est pas nouvelle en Suisse: les premiers riz tessinois ont été commercialisés en 1997. Mais faire pousser du riz de l’autre côté des Alpes représentait un sacré pari.

Aussi folle qu’elle paraisse, cette aventure ne résulte pas d’un coup de tête. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un programme de l’institut Agroscope, destiné à recréer des zones humides, connues pour leur riche biodiversité, et à les combiner avec une agriculture écologique.

Les frères Guillod ont choisi le Loto, une variété précoce, plus adaptée à notre climat. C’est un riz d’origine italienne, à grains mi-longs. Relativement riche en amidon, il convient très bien à la préparation du risotto ou même du riz au lait. Mais son caractère polyvalent permet aussi de l’utiliser dans d’autres préparations : sauté avec des légumes, accompagné d’une sauce aux champignons ou en salade, par exemple. En bouche, il offre une mâche agréable, avec des notes d’amande. Par rapport aux riz de grandes surfaces, il fait franchement la différence.

Le goût du riz frais

Outre sa proximité, le riz du Vully présente également un autre atout : sa fraîcheur. Il n’a pas traversé les mers dans des containers, ni effectué de longs séjours dans des entrepôts portuaires.

Dans les pays d’Asie, on privilégie le riz de l’année, voire de la saison. «C’est un critère de qualité que nous ignorons chez nous», souligne Léandre Guillod. «Dans certaines épiceries japonaises, qui vendent le riz en vrac, il est même possible de le faire polir sur place, pour lui garantir un maximum de fraîcheur.» C’est un peu comme acheter son café fraîchement torréfié: le comble du raffinement.

Ça tombe bien, le seul riz du Vully disponible est celui de l’année en cours. Le millésime 2022 étant épuisé, il faudra donc encore patienter jusqu’à la mi-novembre pour découvrir le riz tout frais de 2023.

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