La poudre magique du Levant
Et sinon c'est quoi au juste le zaatar, cette épice à la mode?

Popularisé par Yottam Ottolenghi, ce mélange d'herbes et d'épices du Levant est aujourd'hui présent dans nombre de recettes. On vous dit tout sur le zaatar, et on vous donne quelques conseils pour épater vos invités.
Publié: 26.11.2022 à 10:33 heures
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Dernière mise à jour: 29.11.2022 à 12:26 heures
Tania Brasseur

Zaatar, vous avez dit zaatar? Il y a quelques années encore, il n’était connu que de quelques afficionados. Le succès de la cuisine moyen-orientale, lié notamment aux livres du chef Yotam Ottolenghi, a contribué à le populariser chez nous. Aujourd’hui, on le trouve même en supermarché. Mais de quoi s’agit-il au juste ? Tentons d’y voir un peu plus clair dans tout ce zaatar…

Ma première rencontre avec le zaatar date d’il y a quelques années. À l’occasion du Déjeuner sur l’herbe organisé par Lausanne à Table, j’avais pu déguster un manouché libanais préparé sur place. Je me rappelle encore la saveur ensoleillée de cette sorte de galette de pain toute chaude, simplement tartinée de zaatar et d’huile d’olive: un délice absolu!

Le vendeur m’avait expliqué que le zaatar était un mélange d’épices libanais et j’avais fini par mettre la main sur ce produit au nom mystérieux, à l’époque à peu près introuvable. Mais faute d’inspiration, j’avais laissé traîner la boîte, qui avait rejoint les oubliettes, autrement dit les tréfonds de mon placard.

Les man'ouchés au zaatar, star des petits déjeuners libanais.
Photo: shutterstock

À l’occasion d’un voyage au Liban, je suis repartie à sa découverte et, cette fois, je l’ai adopté… au point de ne plus pouvoir m’en passer! Que l’on soit un crack aux fourneaux ou pas, il a toute sa place dans notre cuisine. À condition peut-être d’avoir quelques clés avant de se lancer.

Herbe ou épice?

Tout d’abord, qu’est-ce que le zaatar? Une herbe, un condiment, un mélange d’épices? Un peu tout ça à la fois. En arabe, zaatar est un terme générique qui désigne une herbe, ou plutôt une famille d’herbes allant du thym à la sarriette, en passant par l’origan ou la marjolaine. Mais c'est aussi le nom d’un mélange d’épices, et c’est de ce zaatar-là dont nous parlons ici.

Trois ingrédients de base entrent dans sa composition: l’origan, le sumac et le sésame, auxquels on ajoute un peu de sel. Les proportions varient selon les mélanges. L’origan utilisé pour le zaatar (Origanum syriacum pour les intimes) est parfois nommé à tort «thym du Liban». C’est une herbe qui pousse à l’état sauvage dans les pays du Levant. Le sumac, quant à lui, est une épice orientale de couleur rouge foncé, obtenue à partir de baies séchées et broyées. Reconnaissable à son goût acidulé, il peut aussi s’employer tout seul, comme épice à part entière. Enfin, le zaatar ne serait pas le zaatar sans cette note caractéristique apportée par les graines de sésame torréfiées.

Dès le petit-déj

«Le zaatar est gravé dans l’ADN culinaire de tout Libanais», explique Noha Baz, autrice de nombreux livres, dont «Le zaatar, dix façons de le préparer» (Éditions de l’Épure) et «Goûts du Liban» (Mango éditions). Dans ce dernier, on apprend par exemple que le musicien et compositeur Ibrahim Maalouf commence toujours sa journée avec du zaatar. «Au Liban, on le consomme principalement au petit déjeuner dans le manouché ou tout simplement avec du pain libanais et de l’huile d’olive. Il est réputé ouvrir l’esprit pour bien commencer la journée!».

En effet, le zaatar ne se contente pas d’être un régal pour les papilles, il est aussi excellent pour la santé – comme le sont en général toutes les épices. L’origan est connu depuis l’Antiquité pour ses nombreuses vertus, auxquelles se conjuguent les bienfaits du sumac et du sésame, très riches en antioxydants. «C’est un stimulant physique et psychologique», confirme Noha Baz, qui conjugue le métier de pédiatre à celui de gastronome. D’ailleurs, au Moyen-Orient, il est presque davantage considéré comme un aliment plutôt que comme un assaisonnement. Il suffit de voir en quelles quantités il est consommé!

Délicieusement polyvalent

Bon, je vous vois venir… Vous êtes curieux de goûter du zaatar, mais quand même pas dès le petit-déjeuner. Alors comment l’utiliser? Le zaatar a pour meilleure amie l’huile d’olive. Il aime le pain (ça, vous l’avez compris), mais aussi le fromage frais, le fromage de chèvre ou de brebis, les pois chiches, les œufs… Pourquoi ne pas le servir avec du houmous pour l’apéro? Ou, plus simple encore, généreusement tartiné avec de l’huile d’olive sur des tranches de baguette, façon crostinis?

En cuisine, il réveillera une banale omelette. Il convient bien aux marinades et parfumera également un poulet rôti ou un gigot d’agneau. Attention seulement de ne pas le laisser brûler! Le zaatar enchante aussi les salades et n’importe quels légumes rôtis au four – même de simples pommes de terre. Dans ces cas-là, mieux vaut l’ajouter en fin de cuisson ou uniquement en assaisonnement… et toujours avec de l’huile d’olive. Enfin, comme le zaatar s’exprime à merveille dans l’onctueux et le gras, il se marie bien avec le fromage fondu: il twistera avec originalité un croque-monsieur ou une croûte au fromage. Et, pour les plus audacieux, pourquoi pas une raclette ?

Zaatars au pluriel

Si le zaatar est très souvent associé au Liban, il n’en est pas moins consommé dans tout le Moyen-Orient, où il se décline en diverses versions selon les régions. Ainsi, il serait plus juste de parler non pas du, mais des zaatars. La magnifique épicerie Lysamir, à Genève, n’en vend pas moins de sept sortes: du libanais bien sûr, mais aussi du jordanien, du palestinien ou du syrien. «La recette varie selon chaque région ou pays, non seulement au niveau des proportions, mais aussi par le nombre d’ingrédients ajoutés», indique Charbel El Feghali, le propriétaire des lieux. En réalité, il n’existe aucune recette officielle (à condition de respecter le mélange de base) et chaque épicier apporte sa touche personnelle.

Le zaatar d’Alep (ou halabi, en arabe), par exemple, s’enrichit de nombreuses autres épices, comme le cumin, le fenouil, l’anis, la coriandre, mais comporte également de la pistache, des graines de tournesol, des cacahuètes, des noix, auxquelles s’ajoute de l’huile d’olive et de la mélasse de grenade. Une véritable invitation au voyage!

Cette infinie variété de zaatars n’est pas sans rappeler celle du curry, un autre grand mélange d’épices qui diffère lui aussi selon chaque région et même chaque famille. Parmi ses sept sortes de zaatar, Charbel propose d’ailleurs son propre mélange fait maison, qu’il fabrique avec des ingrédients provenant directement de sa famille, au Liban. Quant aux autres zaatars de son assortiment, ils sont tous de fabrication artisanale. Un gage de qualité car il faut se méfier de certains mélanges que l’on trouve dans le commerce, qui contiennent par exemple de l’acide citrique pour remplacer le sumac. Sans doute la rançon du succès.

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