Un scandale!
Comment reconnaître les fausses bouteilles

En matière d’escroqueries au vin, l’argent prend souvent le pas sur la raison. La hausse des ventes en ligne liée à la pandémie de coronavirus a conduit à une augmentation du nombre de fausses bouteilles. Voici comment les spécialistes les identifient.
Publié: 24.12.2021 à 18:16 heures
|
Dernière mise à jour: 24.12.2021 à 18:19 heures
Shirley Amberg

Le faussaire du vin Rudy Kurniawan, 45 ans, a amassé une fortune avec des vins rares. En 2014, il était la première personne condamnée pour contrefaçon de vins. Il a purgé sa peine de prison jusqu’en novembre 2020 avant d’être renvoyé dans son pays d’origine, l’Indonésie.

Rudy Kurniawan, alias «Dr. Conti» en référence à son commerce lucratif avec le Domaine de la Romanée-Conti, a gagné des millions en vendant de faux grands crus entre 2004 et 2012. Pour écouler ses bouteilles, il passait la plupart du temps par des maisons de vente aux enchères telles Acker Merrall & Condit, ce qui en seulement deux ventes a rapporté à Rudy Kurniawan la modique somme de 35 millions de dollars américains. Son histoire a été adaptée au cinéma dans le documentaire «Sour Grapes».

Depuis que Rudy Kurniawan a fait les gros titres de la presse, la fraude au vin est devenue un thème récurrent dans le milieu, ce qui préoccupe les amateurs. Mais les professionnels y sont confrontés depuis bien plus longtemps – et c’est d’ailleurs un problème plus répandu que ce que l’on croit.

Cette bouteille contient-elle réellement ce qu’elle prétend?
Photo: Getty Images/Tetra images RF
1/5

La fraude au vin représenterait quelque 3 milliards de dollars

Pour les faussaires, la pandémie est une aubaine: la hausse de la vente en ligne de grands crus, doublée de l’absence de contrôles due aux restrictions de voyage, ainsi que des fermetures et des licenciements en nombre dans tous les secteurs, leur facilitent la tâche.

Les mesures préventives habituelles ne peuvent plus toujours être appliquées. L’augmentation des achats en ligne et le développement de collectionneurs qui ne cherchent qu’à acheter sans nouer de relations avec le viticulteur ou le caviste, donnent lieu à l’émergence d’une lacune que les faussaires s’empressent malheureusement de combler.

Reconnaître les bouteilles authentiques

Au fil des années, les spécialistes ont constitué des bases de données concernant les filigranes, les encres, les styles de papier et le graphisme des étiquettes.

Tels des détectives, ils utilisent certains outils comme des lampes de poche UV pour reconnaître les colles et les fibres de papier des étiquettes. Ils savent quand, où et comment des matériaux précis ont été utilisés – ou pas, justement.

Depuis la couleur jusqu’à la méthode d’application, en passant par la composition du papier, les étiquettes fournissent une multitude d’informations. La lumière d’une lampe de poche à ultraviolets permet de mettre en évidence des composants du papier qui n’existent que depuis 1957. Si elle en détecte sur votre bouteille de Cheval Blanc de 1947, c’est que vous avez entre les mains un faux.

Également suspectes: des étiquettes dont l’aspect décoloré ou vieilli est trop parfait ou semble étrange. Ne soyez pas étonné si vous voyez des experts «renifler» les étiquettes, car le tabac, le café et le thé sont des colorants couramment utilisés.

Les spécialistes ont également recours à de bonnes loupes pour analyser les textures de l’encre sur les étiquettes: ils peuvent ainsi détecter la différence de qualité entre une machine à impression par plaques (lignes nettes et fines), utilisée par la plupart des fabricants de luxe, et une matrice de points (imprécisions et éclaboussures) produite par les imprimeurs courants.

Des connaissances en vin sont utiles

Type de production, couleurs, marquages, incrustations: les bouteilles en elles-mêmes en disent long également. La taille de la bouteille n’est pas estampillée sur votre Mouton 1945? Très douteux.

Il faut également tenir compte des lois sur le vin: qu’est-ce qui peut clocher avec un Grand Cru Saint-Émilion 1953? Cette appellation n’existe que depuis 1954!

Des collectionneurs pudiques

Le plus compliqué, c’est de mettre la main sur les fausses bouteilles des collectionneurs. En effet, rares sont ceux qui sont prêts à admettre qu’ils se sont fait abuser – car depuis toujours, l’argent a souvent tendance à prendre le pas sur la raison quand il est question de grands crus ou de prétendus grands crus.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la