3e pilier, DDP, France…
Comment devenir propriétaire immobilier sans avoir d'économies?

Remplacer l’apport de cash par des garanties, du 3ème pilier, acheter «en DDP», ou en France: voici nos conseils pour acquérir de l’immobilier moins cher et sans économies.
Publié: 09.01.2023 à 06:18 heures
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Dernière mise à jour: 09.01.2023 à 15:15 heures
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Myret ZakiJournaliste spécialisée économie

L’accession à la propriété immobilière a toujours été le premier moyen, pour la classe moyenne, de se constituer une épargne et de léguer un héritage aux descendants. Or aujourd’hui, il devient difficile d’acheter un logement en Suisse romande si l’on ne possède pas déjà une épargne élevée.

Acquérir un logement de 1 million de francs nécessite 200'000 francs de fonds propres et un salaire annuel d'au minimum 176’000 francs. En outre, les taux hypothécaires fixes à dix ans ont augmenté ces derniers mois et pourraient aller jusqu’à 3,30% cette année.

Dès lors, que faire si l’on veut devenir propriétaire, mais que l’on ne dispose pas de capitaux suffisants?

Acheter un logement à 1 million de francs nécessite 200'000 francs de fonds propres et un salaire annuel de minimum 176'000 francs.
Photo: Shutterstock
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Aide parentale

Première possibilité, faire appel à ses parents. «Ces derniers, plutôt que d’attendre de passer de vie à trépas, peuvent réaliser une donation, une avance sur héritage ou un prêt sans intérêt, ni amortissement, à leur enfant désireux de devenir propriétaire rapidement», indique Michele Fiorillo, spécialiste hypothécaire chez AXA Suisse au Centre hypothécaire Suisse romande.

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10% en garanties?

En l’absence d’aide possible des parents, il faut examiner toutes les possibilités d’apports de fonds propres autorisés par la loi. Chez DL MoneyPark, la conseillère Morgane Monnard opère une distinction entre les exigences théoriques requises pour l’achat d’un bien immobilier et les possibilités qui existent en pratique.

«Le principe qui est figé dans les esprits est qu’il faut 20% de fonds propres (20% du prix du logement), en plus de 5% pour les frais d’achat.» Partant de là, il est déjà important de décomposer ce pourcentage et d’y apporter des précisions, poursuit-elle: en théorie, a minima, il faudrait avoir 15% (du prix d’achat) à disposition, donc hors avoirs du 2ème pilier. Ces 15% comprennent 10% de cash à fournir à la banque et les 5% à payer au notaire. Quant aux 10% restants, ceux-ci peuvent provenir des capitaux du 2ème pilier.

«Mais dans la pratique, souligne-t-elle, il est tout à fait possible qu’un client apporte uniquement 10% de fonds du 2ème pilier: le solde (les 10% restants) peuvent être des garanties, tandis que les 5% de frais d’achat peuvent être intégrés dans un montage de telle sorte qu’ils sont payés par le vendeur de l’objet et non par l’acheteur. Disposition peu courante, mais néanmoins admissible», souligne Morgane Monnard.

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Utiliser le 3ème pilier

Au sujet des 10% en cash, qui est souvent la partie manquante, Nicolas Bonhomme, conseiller Wealth Solutions à la Banque Cantonale de Genève (BCGE), rappelle que cette part peut aussi être constituée du 3ème pilier: «Le cash englobe aussi le 3ème pilier. Si on a quelques années de cotisations derrière soi, on peut utiliser ces avoirs pour l’acquisition de la résidence principale», affirme l’expert de la BCGE.

À défaut de liquidités disponibles, les parents qui possèdent un bien immobilier et qui ont la capacité d’augmenter leur hypothèque pourraient être en mesure de mettre à disposition des fonds pour faciliter l’acquisition des nouveaux emprunteurs.

Pour des clients qui seraient déjà propriétaires, mais sans fonds propres pour acquérir leur future résidence, ou avec un timing inadéquat, MoneyPark a depuis peu élargi ses solutions de financement grâce à un partenaire capable d’offrir un «bridge» (ou «pont», en français), à savoir un financement-relais permettant de répondre aux besoins de clients qui souhaitent par exemple vendre leur appartement pour acheter une maison.

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L’achat «en DDP»

Michele Fiorillo, chez Axa, évoque une forme de propriété censée coûter moins cher: l’achat d’un objet en DDP (droit distinct et permanent), d’une durée entre 50 et 100 ans. «Cette forme a la particularité que l’acquéreur achète uniquement la part «construite» et que la part «terrain» est louée au propriétaire du sol. Le prix de vente du bien immobilier sera alors moins élevé et peut-être plus abordable pour les personnes avec peu de fonds propres. Par contre, il faut savoir que ce type d’achat occasionnera des frais de «location» de la part de terrain, matérialisés par la rente de superficie.»

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Viser Vaud ou la France voisine

Une autre solution pourrait être de mieux cibler la région. «Le prix du marché de l’immobilier n’est absolument pas comparable d’un canton à l’autre et même de manière intercantonale, explique Morgane Monnard. Cela paraît anodin, mais le budget d’un appartement sur la Côte nécessitera un apport de fonds propres bien plus important qu’une maison individuelle dans le Gros-de-Vaud, car il faut s’en souvenir: les fonds propres sont un pourcentage du prix de la transaction.»

Une solution évidente pourrait être d’acheter en France voisine, où les prix restent moins élevés, car le salaire moyen y est estimé à 4000 euros. «Il y a 10'000 personnes qui viennent emménager en Haute-Savoie tous les ans, dont beaucoup de Suisses, souligne Patrick Thomas, agent commercial immobilier chez le courtier Keller Williams en Haute-Savoie et pays de Gex. Il y a eu 16'000 ventes l’année passée».

Selon le spécialiste, les prix sont variables. Dans la région de St-Julien, ils se situent à 4500 euros le mètre carré, l’arrivée du tram ayant augmenté les prix. «Sur Annecy, on est à 8000 euros le m2, et à Chamonix, à 10'000 euros le m².

Mais dans la zone frontalière, c’est 4500 francs le m² en moyenne, ce qui signifie qu’un bien peut être acquis entre 500’00 et 700’000 euros.» Un appartement de 80 m² s’y vend à 390'000 euros. En France, on achète typiquement sur 20 ans, explique Patrick Thomas. Le taux d’usure (équivalent au taux hypothécaire suisse), assurances comprises, se situe à 3,57% sur 20 ans depuis ce 1er janvier. Comme en Suisse, il faut 20% de fonds propres, et la dette ne doit pas dépasser 30% du revenu.

Pièges fiscaux

D’un point de vue fiscal, l’impôt foncier, que paie le propriétaire en France, est moins élevé que l’impôt sur la valeur locative, dont s’acquitte le propriétaire en Suisse. Reste le problème des droits de succession: si le propriétaire d’un bien immobilier en France décède, et que ses enfants sont basés en Suisse, ils paieront les droits de succession en France.

Or l’abattement sur les successions n’est que de 100'000 euros par enfant, puis la progression est rapide. Pour les propriétaires, une forme d’optimisation est de vendre le bien avant leur décès et de le mettre sur des contrats d’assurance vie afin que leurs héritiers ne paient pas les droits de succession.

En France aussi, les banques ne prêtent pas volontiers à l’heure actuelle, car il y a trop d’acquéreurs et pas assez de vendeurs, observe Patrick Thomas. «Un prêt sur deux est refusé. Des banques ont gelé les prêts.» L’expert de Keller Williams relève que la France voisine est aussi un gros marché d’investisseurs, qui achètent et louent pour 6% à 7% de taux de rentabilité. À noter que l'investisseur est taxé sur le rendement, à moins de louer son bien meublé, auquel cas, il n’est taxé que sur 50% du loyer.

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«Mettre la main à la pâte»

Si l’on préfère malgré tout devenir propriétaire en Suisse romande, une autre possibilité, si le financement porte sur une construction, est de «mettre la main à la pâte», selon Morgane Monnard, de DL MoneyPark. «Pour autant que les acheteurs aient quelques compétences dans le domaine de la construction, leurs travaux peuvent être reconnus de façon marginale par certains établissements financiers comme étant des fonds propres», souligne-t-elle.

«Sinon, il resterait la patience tout en établissant un budget pour déterminer sa capacité d’épargne et estimer le temps d'attente pour se mettre à la recherche du bien immobilier», suggère l’expert d’Axa, Michele Fiorillo.

«Au final, conclut Morgane Monnard, c’est comme partout: les filons existent dans ce secteur. Un établissement va considérer cet apport de telle manière, tandis qu’un autre aura une vision différente et des méthodes de calcul toutes autres. D’autant que désormais sur le marché des hypothèques, il existe d’autres instituts que les banques offrant des financements et tentant de se démarquer. Mais pour cela, il faut avoir la connaissance de ce marché et de ces opportunités: c’est là que les conseillères et conseillers peuvent apporter une plus-value.»

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