Trader le jour et assassin sadique la nuit, peu de personnages de fiction n’embrassent aussi bien la définition de la psychopathie que Patrick Bateman, l’anti-héros du sulfureux roman de Bret Easton Ellis campé à l’écran par l’immense acteur Christian Bale. Selon une récente méta-analyse, le taux de psychopathes serait nettement supérieur dans les échelons les plus élevés des entreprises (12,9%) qu’au sein de la population générale (1,9%).
Des résultats pour le moins glaçants qui vont dans le sens des recherches menées par l’Université Anglia Ruskin au sujet des "corporate psychopaths". Une notion conceptualisée dans les années 2010 par les chercheurs de l'université anglaise notamment au moyen d'une étude de la personnalité de Bernard Madoff, génie criminel à l’origine de la plus grande arnaque financière de l’histoire.
Six signes que votre chef est peut-être un psychopathe
Afin d’évaluer le degré de psychopathie d’un individu, les chercheurs se réfèrent généralement à la «liste de contrôle de la psychopathie de Hare – révisée ( PCL-R)» mise au point par le chercheur canadien Robert D. Hare. Dans son bestseller Surrounded by Psychopaths, l’expert comportemental suédois Thomas Erikson détaille les caractéristiques des vingt items de l’échelle de Hare. Parmi ces derniers, certains semblent particulièrement s’appliquer aux «corporate psychopaths».
Loquacité et charme superficiel
Avez-vous déjà remarqué la facilité avec laquelle votre manager arrive à se mettre dans la poche quasi instantanément tous ceux qu’il rencontre? Un pouvoir d’attraction hors norme que possèdent la plupart des psychopathes, comme l’explique Thomas Erikson: «[Ils] possèdent souvent un vocabulaire extraordinairement riche. Beaucoup d’entre eux parlent vite et il est parfois difficile de suivre le fil de leur pensée. Ils sont charmeurs, sourient beaucoup, font des compliments et se rendent souvent ridiculement populaires auprès des gens qu’ils rencontrent.»
Absence d’empathie, de remords ou de culpabilité
Au cours de ses recherches, Robert D. Hare a découvert que l’incapacité à ressentir les émotions, et donc à se mettre à la place d’autrui, était un trait commun à presque tous les psychopathes. Pour cette raison – et bien qu’il se montre doux comme un agneau avec ses supérieurs hiérarchiques – le «corporate psychopath» n’hésite pas à harceler et à humilier les personnes qui ont la malchance de se trouver sous ses ordres, le tout sans une once de culpabilité: «Les psychopathes sont pour ainsi dire incapables d’éprouver des remords. Ils peuvent prétendre en ressentir lorsque cela les arrange, mais ces derniers ne sont jamais reflétés dans leurs actions. Ils n’ont que faire du mal qu’ils peuvent causer », développe Thomas Erikson.
Sens grandiose du Moi
Si votre N+1 est effectivement un psychopathe, il y a alors de fortes chances que vous l’ayez déjà entendu porter aux nues ses capacités intellectuelles hors norme ou encore son formidable leadership. Une tendance à se croire en tous points supérieur aux autres présente chez de nombreuses personnes atteintes de ce trouble de la personnalité: «Beaucoup de psychopathes sont d’authentiques narcissiques et peuvent se gargariser de leurs succès réels ou inventés aussi facilement que s’ils commandaient un café», indique Thomas Erikson qui met également en avant la propension de ces individus à se croire au-dessus des lois.
Un fantasme de toute-puissance que l’on retrouve chez Bernie Madoff mais aussi, comme le fait remarquer la Harvard Business Review, chez Jordan Belford, célèbre trader newyorkais condamné pour escroquerie et personnage principal du film de Martin Scorsese, «Le Loup de Wall Street».
Mensonge pathologique
Si, comme on l’a vu, les psychopathes ont tendance à se penser au-dessus des lois, ils ne s’embarrassent pas non plus de considérations morales et n’éprouvent donc aucun scrupule à mentir. Leur crédo en la matière? «Plus c’est gros, plus ça passe», comme l’explique Thomas Erikson: «Les psychopathes mentent comme ils respirent. Ils ne sont pas un instant effrayés par la perspective de se faire prendre puisqu’ils pourront changer de version en un claquement de doigts et dire qu’ils n’ont jamais dit ça, que vous avez sûrement mal compris.»
Aussi, si vous grillez régulièrement votre chef en train de proférer des mensonges plus gros que lui ou si, pour la troisième fois ce mois-ci, vous pourriez jurer que ce dernier vous a instamment demandé d’effectuer une tâche qu’il prétend à présent ne jamais vous avoir confiée, méfiez-vous.
Mauvais contrôle de la colère
Arrive-t-il à votre boss de passer ses nerfs sur vous ou vos collègues de manière violente et totalement inattendue? Dans une scène mythique d’American Psycho, Patrick Bateman assassine sauvagement son collègue Paul Allen à coups de hache. La raison de cet acte barbare? La colère éprouvée par Bateman lorsqu’il apprend qu’Allen a ses entrées dans un restaurant select qui refuse de prendre sa réservation.
Sans parvenir à de telles extrémités, Thomas Erikson explique que les individus ayant le même trouble que Bateman peinent à réprimer leurs accès de colère: «Bien qu’ils commettent toutes sortes d’abus sur leur entourage, ils ne supportent pas le plus petit affront lorsqu’il s’agit d’eux.» Une susceptibilité et une propension aux accès de rage qui peuvent mener à de la violence physique ou verbale, avant un retour au calme soudain: «C’est comment s’ils avaient un bouton ON/OFF», ajoute Erikson.
Incapacité à assumer la responsabilité de ses actes
«C’est pas ma faute à moi…» chantait Alizée en 2000. Un refrain entêtant (ne faites pas semblant, on sait que vous êtes en train de fredonner…) qui reflète bien l’état d’esprit de nombreux psychopathes: «Même s’ils ont conscience d’avoir commis un acte répréhensible, ils auront recours à un bouc-émissaire », explique Thomas Erikson.
Pire, selon lui, ces derniers peuvent même être amusés par le fait de voir une personne innocente ramasser à leur place. Votre supérieur serait-il du genre, en plus de vous coller toutes ses erreurs sur le dos, à nier son implication dans un braquage malgré la preuve de sa présence sur les lieux? En cas de réponse positive et si vous reconnaissez ce dernier dans plusieurs comportements décrits dans cet article, peut-être devriez-vous suivre les recommandations de la Harvard Business Review et prendre vos jambes à votre cou…