Sauvetage bancaire
Les Saoudiens voulaient sauver Credit Suisse. Mais Berne leur a dit non

La Saudi National Bank voulait faire monter à 40% sa participation dans Credit Suisse, mais la Confédération suisse s'y est opposée pour des raisons réglementaires.
Publié: 10.07.2023 à 10:59 heures
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Dernière mise à jour: 12.07.2023 à 10:01 heures
Beat Schmid*

Des recherches révèlent qu'avant l'acquisition par l'UBS, un autre plan avait été envisagé pour sauver Credit Suisse de la débâcle financière. Selon deux sources indépendantes, la Banque nationale saoudienne (BNS) souhaitait augmenter considérablement sa participation au capital de la banque en difficulté. Les investisseurs auraient ainsi injecté cinq milliards de dollars dans l'opération.

Les Saoudiens auraient ainsi pu atteindre une part d'environ 40% et prendre le contrôle de Credit Suisse, selon une source. Cependant, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) aurait mis son veto augmentation de participation.

Les raisons de cette décision restent mystérieuses. Un porte-parole de la Finma a refusé de commenter cette affaire, mais il est à noter que la réglementation suisse exige l'approbation du régulateur lorsque qu'un actionnaire étranger important souhaite détenir plus de 10% d'une grande banque suisse.

Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, assiste à une cérémonie à l'issue d'une réunion avec le président russe Vladimir Poutine en Arabie saoudite, le 14 octobre 2019.
Photo: AFP

Explication d'une interview bizarre?

Pour comprendre cette situation, il est important de noter qu'en novembre dernier, lors d'une augmentation de capital, la Saudi National Bank avait déjà acquis près de 10% de Credit Suisse. Toute nouvelle augmentation aurait donc nécessité l'approbation de la Finma.

Le président du conseil d'administration de Credit Suisse à l'époque, Axel Lehmann, s'était rendu dans la région du Golfe pour participer à une conférence et discuter avec une délégation saoudienne des possibilités d'injecter des liquidités. Cependant, une demande auprès du fonds d'investissement Public Investment Fund, qui contrôle la Saudi National Bank, est restée sans réponse. Axel Lehmann n'a pas pu être contacté, et le service de presse de Credit Suisse a refusé de faire tout commentaire à ce sujet.

Le président de la BNS, Ammar al-Khudairy, a catégoriquement exclu toute nouvelle augmentation de capital, lors d'une interview accordée à Bloomberg. Il a déclaré que Credit Suisse n'était pas ouverte à de nouvelles injections de liquidités, invoquant des raisons réglementaires et légales. Il est probable que le refus des autorités financières suisses d'approuver le plan de sauvetage n'ait pas été bien accueilli en Arabie saoudite.

Les déclarations sans équivoque d'al-Khudairy ont provoqué un séisme sur les marchés boursiers et de crédit. Les actions de Credit Suisse ont chuté de 24%. Les primes d'assurance contre le défaut des obligations de Credit Suisse ont atteint des niveaux records. Par la suite, la Finma et la Banque nationale suisse ont publié une déclaration commune annonçant qu'elles mettraient des liquidités à disposition de Credit Suisse «en cas de besoin», ce qui a été fait dans la nuit de mercredi à jeudi.

Le pire des cas pour les Saoudiens

La suite de l'histoire est bien connue. Quatre jours plus tard, le dimanche 19 mars, Credit Suisse a été vendu à l'UBS pour trois milliards de francs suisses.

Pour les Saoudiens, il s'agissait du pire des scénarios. Leur bref engagement auprès de Credit Suisse leur a coûté plus d'un milliard de dollars. A l'origine, c'est le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane (MBS) qui s'était engagé pour que la Saudi National Bank augmente sa participation au capital de Credit Suisse. Mais au lieu d'en détenir 40%, les Saoudiens ne possèdent plus que 0,5% de l'UBS.

Il revient maintenant à la commission d'enquête parlementaire de faire la lumière sur cette affaire.

*Le journaliste Beat Schmid écrit sur des sujets financiers dans le SonntagsBlick. Il est l'éditeur du média en ligne tippinpoint.ch

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