Les dessous de l'influence
Les tutos de maquillage en ligne, une machine à cash?

Face à l’explosion des vidéos de makeup, Blick fait le point: quels genres de contrats lient les influenceurs et les marques? Pour la Gen Z, il n’y a pas d’embrouille.
Publié: 22.01.2024 à 14:57 heures
|
Dernière mise à jour: 24.01.2024 à 11:33 heures

Les influenceuses en cosmétiques ont le vent en poupe. Leur fort impact sur les consommatrices n’est plus à démontrer. Tutos, recommandations, évaluations de produits: vous avez certainement déjà regardé ces vidéos de maquillage sur TikTok, Instagram ou YouTube.

Influenceuses très suivies ou amatrices en progression, elles partagent avec vous leur routine de maquillage en selfie vidéo. En quelques coups de pinceau, les voilà transformées. Crèmes, sérums, fonds de teint, concealer, contouring, blush, highlighter: le visage féminin devient la surface de tous les possibles et surtout, d’innombrables produits cosmétiques, parfois une vingtaine en une session. Quels types de collaborations se cachent derrière ces contenus? Quels liens entretient la Gen Z avec les marques de cosmétiques? 

L’influence double la pub classique

Tout d’abord, rappelons la taille du marché des cosmétiques: les produits de maquillage, de soins de la peau et des cheveux ainsi que les parfums pèsent 430 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, et frôleront les 600 milliards d’ici 2027, selon McKinsey. Le volume des ventes en ligne de produits de beauté a quadruplé depuis 2015.

Les influenceuses sont perçues comme des copines, qui ont des problèmes familiers (boutons, rougeurs…rien n’est tabou). Elles confient leurs doutes et se livrent à leur audience. De très nombreux comptes cumulent des millions de vues.
Photo: Getty Images

De plus en plus, les marques préfèrent passer par des influenceuses que par la publicité classique. Attrait visuel, produits en mouvement, storytelling, authenticité, les marques voient les influenceuses make-up comme incontournables. Elles sélectionnent soigneusement celles qui seront leurs ambassadrices, afin de capter une multitude de consommatrices grâce à la confiance et à la popularité qu’inspirent leurs égéries.

#Get ready with me

Du point de vue des jeunes qui regardent ces contenus, c’est avant tout un divertissement et un moment social plus que commercial. Témoin, le succès phénoménal de la tendance «Get ready with me», ou #grwm, qui cumule 180 milliards de vues sur TikTok, nous explique Valentine, étudiante de 14 ans à Genève. Ce sont justement tous ces contenus où les filles partagent leur moment maquillage. 

Les influenceuses sont perçues comme des copines, qui ont des problèmes familiers (boutons, rougeurs…rien n’est tabou). Elles confient leurs doutes et se livrent à leur audience. De très nombreux comptes cumulent des millions de vues, signe de l’énormité de la concurrence dans ce domaine sur TikTok. Les placements de produits cosmétiques y sont fréquents. 

Valentine, qui apprend beaucoup en regardant se maquiller des filles connues (Madison Beer, Hailey Bieber) ou moins connues, comme l’influenceuse Mathilde qui a connu un succès durant l’été dernier sur TikTok, n’ignore pas l’aspect commercial: simplement, il ne la gêne pas et elle ajoute de nombreuses nuances. «Les influenceuses ne sont pas systématiquement rémunérées, il y a différents cas de figure», affirme l’étudiante.

Création de marque propre

«Pratiquement toutes les célébrités ont lancé leur propre marque et en font ouvertement la publicité, ce qui personnellement ne me dérange pas», note Valentine. Créer sa propre marque a constitué une méga-tendance chez les stars comme Kylie Jenner, Rihanna, ou Selena Gomez. La marque de cette dernière, Rare Beauty, fondée en 2019, était la 2e plus influente dans les cosmétiques sur TikTok en 2023, suivie par Florence by Mills, la marque de Millie Bobby Brown (star de Stranger Things).

Collabs

Dans d’autres cas, les influenceuses collaborent avec des marques en créant des produits en édition limitée ou des collections. Des collabs qui peuvent être hautement lucratives grâce au pourcentage touché sur les ventes. Un exemple, la collaboration entre la marque Glossier et l’influente chanteuse et auteur-compositeur Olivia Rodrigo (album «Sour» en 2021), grande fan de make-up et d’eyeliner. 

Partenariats

Les influenceuses manient de nombreux produits de marques, ce qui pose la question de savoir si elles sont rémunérées. Lorsqu’elles sont, elles le disent en principe, observe Valentine. « Sur TikTok, un partenariat rémunéré doit être signalé, et sur YouTube et Instagram aussi, une influenceuse fait comprendre en général qu’il s’agit d’un partenariat.» Ce dernier prend généralement la forme de posts et vidéos sponsorisés. Les marques approchent aussi souvent des micro-influenceuses, qui ont une audience de niche: limitée, mais ciblée ou spécialisée.

Évaluations de produits

Souvent, les influenceuses très suivies reçoivent des produits gratuits de la part de diverses marques, qui espèrent qu’elles en feront une évaluation honnête. Dans ce cas, elles en parlent assez librement, assure Valentine. «Quand une influenceuse reçoit des produits elle l’annonce et donne un avis spontané, sans hésiter à lister les inconvénients.» 

Dans d’autres cas, Valentine note que lorsque des influenceuses ont fait une évaluation très positive d’une marque qui ne les rémunère pas, elles lancent avec humour: «Ils peuvent m’envoyer un chèque.» En réalité, il peut arriver qu’en cas de recommandation positive, la marque leur paie effectivement une commission sur les ventes. 

Contrat façon Kendall / L’Oréal

Enfin, des influenceuses peuvent conclure des contrats de long terme pour devenir ambassadrice d’une marque, et devenir le visage de celle-ci. Cela leur assure un flux de revenus régulier. Exemple, Kendall Jenner a conclu avec L’Oréal un tel contrat en juillet 2023 pour être l’ambassadrice globale des campagnes publicitaires de maquillage de la marque. On parle d’un contrat d’un montant de 11 millions de livres sterling.

Promotion simultanée de dizaines de marques

Mais les modes changent en matière de maquillage, et Valentine souligne que le but n’est pas toujours d’accumuler des tonnes de produits sur son visage : «Le maquillage évolue rapidement. Le full face par exemple [visage entièrement maquillé] est moins à la mode. A présent, c’est plutôt l’effet naturel qui est recherché, à savoir le 'no make-up make-up'. Et cela requiert un peu moins de produits.» 

Tout au sommet de la pyramide des influenceurs de cosmétiques se trouvent les mieux rémunérés: avec sa chaîne YouTube de conseils en beauté, l’influenceuse américaine (moitié indienne) Safiya Nygaard gagne 190'000 dollars par publication. Sur Instagram, la styliste italienne Chiara Ferragni l’emporte avec 100'000 dollars par post. Sur TikTok, le maquilleur américain James Charles arrive en premier avec 36'000 dollars par post, selon le rapport 2022 de Cosmetify.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la