Commentaire de Richard Werly
Emmanuel Macron n'échappera pas au bras de fer social sur les retraites

En déplacement en Espagne ce jeudi 19 janvier, Emmanuel Macron a dit à nouveau que les choix démocratiques se font au Parlement, et non dans la rue. Certes, mais les syndicats français viennent de démontrer que le front du refus existe, face à sa réforme des retraites.
Publié: 19.01.2023 à 20:15 heures
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Dernière mise à jour: 19.01.2023 à 23:19 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il rêvait de passer dans le chas de l’aiguille sociale. Raté! En choisissant de démarrer son second mandat présidentiel par un nouveau projet de réforme des retraites, Emmanuel Macron a tenté le sprint qu’il aurait pu gagner juste après avoir été élu, en 2017, sur une volonté de rupture et de changement. Six ans et une réelection plus tard, la manoeuvre a échoué. Car voilà que des haies difficiles à franchir se dressent soudain en travers de cette course politique.

Les syndicats remportent l’Acte 1

Grâce à la mobilisation massive constatée ce jeudi 19 janvier à travers la France, les syndicats ont presque renversé la table. Il est probable, en effet, que la colère sociale sera encore au rendez-vous ce samedi, pour la marche de protestation organisée par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Chacun, syndicats, gouvernements et partis de gauche, comptera alors ses troupes. Mais si, à trois jours d’intervalle, des centaines de milliers de Français choisissent ce week-end de battre à nouveau le pavé pour dire «non» au report à 64 ans (au lieu de 62) de l’âge légal de départ à la retraite, l’Acte 1 de la contre-offensive sociale ressemblera, pour l’Élysée, à une première manche perdue.

Retrouvez des propos de grévistes collectés par France Info:

À Paris, la place de la Bastille s'est retrouvée, ce jeudi 19 janvier, submergée par les manifestants opposés à la réforme des retraites, à l'appel des syndicats. Ce samedi 21 janvier, c'est la gauche qui remet ça dans les rues.
Photo: AFP
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Sur le point d’être lâché par les Français

Un tel constat ne signifie pas que la Première ministre, Elisabeth Borne, va remballer son projet de réforme. Il ne signifie pas, non plus, que la réforme des retraites est inutile dans un pays dangereusement accro à la dette et aux déficits publics. Le réalisme du pouvoir exige aussi de reconnaitre que la mobilisation d'environ un million de Français - parmi lesquels beaucoup de fonctionnaires (bien plus syndicalisés que la moyenne des salariés) et de jeunes (assurés de travailler plus longtemps que leurs aînés) - en faveur de la grève, n’est pas non plus un écueil insurmontable. Une coalition majoritaire avec la droite au Parlement demeure d’ailleurs possible.

La leçon à tirer de cette tempête sociale annoncée est en revanche implacable. Emmanuel Macron est sur le point d’être lâché par les Français. Ceux-ci ne lui font plus confiance pour transformer ce pays qu’il a trop souvent brusqué. Son second mandat sera, c’est évident, celui de l’incompréhension et des rancœurs.

Retrouvez le compte rendu de TV5 Monde sur cette journée de mobilisation:

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Que faire à partir de là? Le plus simple et le plus logique, pour le gouvernement, serait d’accepter une bataille parlementaire la plus ouverte possible, quitte à s’installer dans la durée. Mais au vu de l’enjeu, de l’absence de majorité absolue pour le camp présidentiel à l’Assemblée nationale et du risque d’impasse, cette hypothèse paraît peu probable.

La volonté du chef de l’État français est au contraire de faire vite, pour que la réforme entre en vigueur dès cet été. La seule option, dès lors, est celle de l’épreuve de force. Convaincu qu’il n’y a plus de marge de manœuvre pour la thérapie de la pédagogie, l’exécutif n’a plus que l’option chirurgicale. Il doit laisser le patient français s’épuiser, avant de l’opérer en imposant sa réforme. En assumant les deux risques inhérents à toute hospitalisation: l’infection, puis le risque d’une très douloureuse convalescence.

Le grand gâchis de ce quinquennat vient peut-être de commencer.

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