Commentaire de Richard Werly
Pierre Palmade, une descente aux enfers qui nourrit les pires théories

Depuis le placement en détention provisoire de Pierre Palmade lundi 27 février, la question de l'utilisation abondante de la cocaïne dans les milieux politiques français est sans cesse évoquée. Une dangereuse exploitation politique d'un tragique fait divers.
Publié: 04.03.2023 à 18:56 heures
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Dernière mise à jour: 06.03.2023 à 13:35 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Détestable. Odieuse. Révélatrice du climat délétère qui entoure, ces temps-ci, la politique française à la faveur d’un discours anti-élites relayé abondamment sur les réseaux sociaux. L’exploitation du tragique accident provoqué le 10 février par l’humoriste et acteur Français Pierre Palmade – alors sous l’emprise de stupéfiants – est le préoccupant miroir d’un pays où la suspicion généralisée règne de plus en plus en maître.

Avec, pour sous-titre, cette affreuse accusation: tous les amis et proches du comédien connu pour son addiction à la cocaïne seraient quasiment complices de cette tragédie routière. Haro sur le Paris de la culture et du pouvoir: vous le savez bien, tous, ou presque, ont le nez dans la poudre blanche, surtout depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron…!

Un engrenage des rumeurs guère surprenant

Que ce type de rumeurs flambe après une telle affaire n’est malheureusement pas surprenant. La voracité médiatique préoccupante engendrée, en France, par la compétition entre chaînes d’information, ainsi que les taux d’audience record de talk-show populistes comme «Touche pas à mon poste» de Cyril Hanouna engendrent logiquement cet effet de meute.

C'est à l'hôpital du Kremlin-Bicètre, en région parisienne, que se trouve l'acteur Pierre Palmade après la décision de la Cour d'appel de Paris, le 27 mars, de le placer en détention provisoire. L'intéressé avait été mis en examen pour homicide involontaire dix jours plus tôt.
Photo: DUKAS
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Les faits eux-mêmes, et le déroulement de l’enquête, sont par ailleurs de nature à alimenter toutes les rumeurs. Pierre Palmade, on l’a su très tôt, avait avant l’accident consommé de la cocaïne et des drogues utilisées dans les pratiques de «chemsex».

Deux des passagers de sa voiture, qu’il conduisait lorsqu’elle s’est déportée vers la gauche et provoqué le terrible accident avec un véhicule venant en sens inverse, se sont par ailleurs d’abord enfuis, avant de se rendre à la police. Une dénonciation est ensuite survenue, accusant Palmade de détention d’images pédopornographiques.

Ce qui a conduit à l’ouverture immédiate d’une enquête préliminaire, puis à la mise en examen d’un suspect. Selon les médias français, aucune image de ce type n’a toutefois été retrouvée lors des perquisitions aux domiciles de l’acteur, soigné après un AVC à l'hôpital.

Tout cela, soyons réaliste, forme un cocktail médiatico-judiciaire explosif. Son explosion était donc sans doute impossible à éviter. Mais le fait d’en tirer aussitôt des conséquences sur les élites françaises et la classe politique, dans un contexte de tensions sociales exacerbées à cause de la bataille sur la réforme des retraites, est une scandaleuse dérive.

Pierre Palmade devra, devant la justice, répondre de ses actes. Il a déjà été interrogé. Il le sera sans doute de nouveau prochainement. Mais faire le lien entre sa situation, et le terrible bilan de son accident (quatre personnes grièvement blessées, dont une femme enceinte qui a perdu son bébé), avec d’autres affaires bien plus banales comme les aveux, fin janvier, d’un député cocaïnomane, relève d’un dangereux complotisme.

On se souvient aussi en 2018, des remous causés par l’affaire Benalla, cet ex-collaborateur du président Emmanuel Macron plusieurs fois condamné ensuite. On imagine facilement les fantasmes que peuvent nourrir la déferlante de ce stupéfiant sur la France et sur des pays voisins, comme l’ont prouvé plusieurs saisies récentes de douanes et les images ces jours-ci de ballots de drogue échoués sur les plages normandes.

Des addictions reconnues de longue date

Attention, danger! Pierre Palmade, aux prises de longue date avec des addictions qu’il avait reconnues, n’a pas vocation à être le miroir d’une quelconque France intoxiquée.

Oui, la cocaïne circule dans les milieux du pouvoir. A Paris comme ailleurs. Peut-être pas moins que dans d’autres capitales ou métropoles. Sans doute pas plus.

Mais profiter d’un terrible accident routier pour faire d’autres procès, livrer en pâture des noms, accuser des «ministres» sur les réseaux sociaux, est un engrenage du pire contre lequel nos sociétés ouvertes et démocratiques doivent impérativement se protéger.

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