Commentaire de Richard Werly
Emmanuel Macron piégé par son hyperdiplomatie présidentielle

Le président français a dû plusieurs fois rectifier le tir, après ses annonces sur le Proche-Orient. Lors de sa visite en Suisse, pays neutre et réputé calme, ses interlocuteurs devraient l'inciter à plus de prudence et de cohérence, estime notre journaliste.
Publié: 14.11.2023 à 21:03 heures
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Dernière mise à jour: 16.11.2023 à 10:19 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Attention danger! Le président français qui arrive en Suisse ce mercredi 15 novembre pour une visite d’État de deux jours est de moins en moins audible sur la scène internationale. Difficile, pourtant, de faire plus vocal et multitâche qu’Emmanuel Macron, comme l’a montré la succession de conférences organisées en parallèle à Paris jeudi 9 et vendredi 10 novembre. Sommet annuel pour la paix, Conférence sur l’aide humanitaire à Gaza, One Planet Summit sur les enjeux écologiques, Polar Summit sur la préservation des pôles… Si l’on s’en tient à l’agenda, Paris est la nouvelle capitale diplomatique du monde. Mais dans les faits, c’est une autre histoire.

La réalité est qu’Emmanuel Macron est en train de tomber dans le piège de l’hyperdiplomatie présidentielle. Le système français, si vertical, a l’avantage de conférer au locataire de l’Élysée presque les pleins pouvoirs en matière de politique étrangère. Il lui suffit de demander à sa cellule diplomatique de lui «monter une initiative» pour que ses conseillers s’exécutent. 

Sauf que les faits, ces jours-ci, ne suivent presque jamais. Le projet de coalition internationale contre le Hamas invoqué lors de son voyage en Israël le 24 octobre? Disparu. La proposition d’un corridor humanitaire maritime européen entre Gaza et Chypre? Toujours pas matérialisée. L’appel à «cesser les bombardements tuant des civils à Gaza» lancé à la BBC? Une clarification a dû suivre, devant la colère et l’incompréhension israélienne.

Le président français Emmanuel Macron arrive à Amman, en Jordanie. Il avait rencontré plus tôt le Premier ministre Benyamin Netanyahu à Jérusalem.
Photo: DUKAS
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Une réelle volonté

Est-ce à dire que toutes ces initiatives françaises sont infondées, ou qu’il s’agit uniquement d’opérations de communication? Non. Emmanuel Macron a sans doute la volonté, lui le quadragénaire dynamique qui réveille ses collaborateurs en pleine nuit, de prendre de vitesse les faiseurs de guerre, pour essayer de rafistoler des morceaux de paix. 

Hélas, ce bricolage élyséen tombe à chaque fois à plat. Trop mal conçu. Trop mal vendu. Trop mal coordonné avec ses partenaires, surtout ses voisins européens. L’hyperdiplomatie présidentielle, qu’en son temps Nicolas Sarkozy avait aussi pratiquée, a un énorme, terrible défaut: elle ne fonctionne qu’au gré des circonstances. Et jamais lorsque - comme c’est le cas en Ukraine avec Vladimir Poutine, ou en Israël avec Benyamin Netanyahu – vos interlocuteurs jouent leur survie pure et simple dans un conflit dévastateur.

La première marche

Emmanuel Macron rate, au fond, toujours la même marche: celle de la réponse immédiate aux crises. En France, le président a d’abord été désemparé par la révolte des «gilets jaunes» de 2018-2019, avant de lancer le grand débat national avec succès. Sur l’Ukraine, sa volonté de continuer à parler avec Moscou, malgré l’évidente dérive impitoyable du Kremlin, lui a coûté beaucoup de crédibilité, avant qu’il ne remonte la pente avec les fournitures d’armes. 

Sur la question de Gaza maintenant, ses prises de position à géométrie variable, ardent défenseur de la sécurité d’Israël et en même temps pourfendeur des dommages collatéraux de l’opération «Glaive de fer», brouillent le message diplomatique français.

L’hyperdiplomatie présidentielle, menée par un seul homme et animé par son seul volontarisme, ne peut produire des résultats que si elle agrège vite, et bien, des soutiens internationaux. Celle d’Emmanuel Macron, attendu ce mercredi 15 novembre dans la si tranquille Helvétie, apparaît aujourd’hui comme une chevauchée solitaire. Laquelle désarçonne tous ceux qu’une France moins fougueuse, mais plus cohérente, pourrait coaliser, au service de l’indispensable sortie de crise au Proche-Orient.

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