Il a les faveurs de Sarkozy
Gérald Darmanin peut-il devenir présidentiable sans s'opposer à Macron?

Le ministre français de l'Intérieur a le vent en poupe en cette pré-rentrée politique. Adoubé par l'ancien président Nicolas Sarkozy comme présidentiable pour 2027, il doit surmonter un obstacle nommé Emmanuel Macron, qui a entamé ce jeudi sa rentrée.
Publié: 17.08.2023 à 19:00 heures
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Dernière mise à jour: 17.08.2023 à 20:07 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est peut-être le talon d’Achille de Gérald Darmanin. Adoubé par l’ancien président Nicolas Sarkozy comme possible candidat à la présidentielle 2027, l’actuel ministre français de l’Intérieur ressemble presque trop à l’auteur du «Temps des combats» (Ed. Fayard), publié ces jours-ci. A 40 ans, l’ex-maire de Tourcoing (Nord), élu du nord et vétéran de la politique, apparaît presque comme une copie conforme de l’homme qu’une majorité d’électeurs français ont porté à l’Élysée en mai 2007.

Darmanin-Sarkozy. Même allure physique de politicien râblé, énergique, déterminé. Même origine de «sang mêlé», le premier par l’union de son père hongrois et de sa mère, issue d’une famille juive convertie au catholicisme. Le second, par son père cafetier à Valenciennes, et sa mère d’origine algérienne. Même soif de pouvoir enfin: Darmanin aujourd’hui, tout comme Sarkozy dans les années 90, n’a jamais caché son ambition pour le sommet de la République.

Une ressemblance problématique

Problème: cette ressemblance entre les deux hommes n’est pas nécessairement une force. Elle peut aussi être une faiblesse dont Emmanuel Macron saura, s’il le faut, jouer et abuser. Pourquoi mettre dès maintenant en opposition Darmanin et Macron? Parce que ces deux-là sont, en réalité, faits pour se retrouver face à face. L'homme de droite revendiqué, rallié à l’actuel chef de l’Etat dès 2017, a besoin d’une base s’il veut se lancer dans l’aventure présidentielle. Or cette base ne peut pas être celle du président, qui a prononcé ce jeudi 17 août un premier discours de rentrée depuis sa villégiature méridionale de Bormes-les-Mimosas (Var).

Ministre de l'Intérieur depuis juillet 2020, Gérald Darmanin s'est installé en défenseur numéro un des forces de l'ordre. Comme jadis un certain....Nicolas Sarkozy.
Photo: AFP
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La base électorale macroniste est, largement, celle des classes urbaines supérieures, proeuropéennes, plutôt libérales et favorables à la compétitivité économique. Cette base, qui représente toujours depuis 2017 entre 23 et 30% de l’électorat, mord sur une partie du centre gauche. Une équation impossible pour Gérald Darmanin calé, comme Nicolas Sarkozy, sur une politique de droite affirmée, centré sur les questions sécuritaires et identitaires.

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Le duel programmé Darmanin-Macron, s’il devait se confirmer, risque aussi de voir entrer en jeu deux autres acteurs politiques de poids en France, tous deux issus de la droite traditionnelle, mais bien plus compatibles avec le macronisme ou ce qu’il en reste.

Le premier est le ministre des Finances, Bruno le Maire, rallié lui aussi depuis 2017, et qui fut le supérieur hiérarchique de Gérald Darmanin lorsqu’il avait en charge le budget et les comptes publics (entre 2017 et 2020). A 54 ans, Bruno Le Maire a le pedigree parfait d’un présidentiable. Il fut d’ailleurs, en 2017, candidat malheureux aux primaires de la droite, remportées par l’ancien Premier ministre François Fillon. Germanophone, Le Maire a forgé avec ses homologues allemands, dont le Chancelier Scholz auparavant en charge des finances, une relation solide. Sa réputation internationale est établie. Sa responsabilité dans le très dispendieux «Quoi qu’il en coûte» (environ 200 milliards d’euros d’argent public injectés dans l’économie lors de la pandémie), lui a permis d’établir des ponts avec la gauche.

Le deuxième adversaire que Gérald Darmanin devra écarter est l’ancien Premier ministre Édouard Philippe (2017-2020), 52 ans, lui aussi rallié de la droite traditionnelle, et ex-disciple d’Alain Juppé. L’actuel maire du Havre (Seine-Maritime) laboure depuis des mois le pays. Il s’est expliqué avec franchise sur ses changements d’apparence physique, liés à une maladie de peau. Lui aussi dispose de la stature internationale qui fait encore défaut à Gérald Darmanin. Et lui aussi, même s’il porte une lourde responsabilité dans le déclenchement de la crise des «gilets jaunes» de l’hiver 2018 – en raison des hausses de prix du carburant et de l’instauration de la limitation à 80 km/h sur les routes départementales – peut davantage rallier les électeurs d’Emmanuel Macron.

Le combat politique

Restent la stratégie et l’art du combat politique. C’est là que Gérald Darmanin, s’il s’inspire avec succès de Nicolas Sarkozy, peut marquer des points en tapant fort. Avantage n° 1 que le discours de ce jour permettra à nouveau de tester: Emmanuel Macron est de plus en plus inaudible. Il apparaît sans boussole, et son tandem avec la Première ministre Élisabeth Borne ne passe pas la rampe sur le plan médiatique. Avantage N° 2: Darmanin peut mettre en avant son profil populaire, et occuper le terrain à droite de la droite face au Rassemblement national de Marine Le Pen. Avantage N° 3: Darmanin est un cogneur, dans les médias et sur le ring politique, notamment à l’Assemblée nationale où le camp présidentiel ne dispose que d’une majorité relative.

Mieux: Darmanin peut tirer profit d’une escalade, comme cela avait profité à Sarkozy face au président Jacques Chirac à partir de 2002, puis surtout après les émeutes de banlieue de 2005. Mais il doit pour cela se faire entendre, bousculer le chef de l’Etat, se rendre à la fois indispensable. Bref: Gérald Darmanin ne peut pas soigner sa stature présidentielle par temps calme. Il faut que la France soit socialement agitée. Or au vu du début d’année et des violences urbaines survenues en juin, le brasier français est loin d’être éteint.

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