«Il aurait dû être expulsé»
Les funérailles de l'enseignant d'Arras, entre peur, tristesse et colère

Un extrémiste islamiste a poignardé un enseignant la semaine dernière à Arras, en France. Blick s'est rendu sur les lieux de l'attaque le jour des funérailles. De nombreux proches, ainsi qu'Emmanuel Macron, étaient présents pour assister au service funèbre. Reportage.
Publié: 20.10.2023 à 12:17 heures
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Nicolas Lurati et Pascal Scheiber

Peur, tristesse et colère. Ce sont les sentiments qui ont traversé les proches de l'enseignant Dominique Bernard, mort sous les coups de couteau d'un extrémiste islamiste à Arras, dans le nord de la France. Et ce, trois jours avant l'attaque du Tunisien Abdesalem L.* qui a abattu deux supporters de football suédois à Bruxelles.

L'auteur de l'attaque, Mohammed M.*, est un jeune homme de 20 ans et ancien élève du lycée. D'origine tchétchène, il est fiché pour radicalisation (fiché S). Il avait d'ailleurs revendiqué son acte au nom de l'Etat islamique. Dès mardi soir, il a été écroué et mis en examen pour assassinat en lien avec une entreprise terroriste.

Abasourdie et désemparée

Blick s'est rendu sur place pour les funérailles. L'enseignant habitait dans un petit village à côté d'Arras. Sur le mur de sa maison, des fleurs rendent hommage à l'homme, qui a été nommé jeudi chevalier de la Légion d'honneur – l'ordre honorifique le plus important en France.

Le professeur de lycée Dominique Bernard a été poignardé vendredi dernier à Arras par un ancien élève radicalisé.
Photo: keystone-sda.ch
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L'une des filles de Dominique Bernard ne trouve pas les mots. La voisine est abasourdie, mais ne peut dire que du bien du professeur de français. De nombreuses personnes s'arrêtent devant les bouquets de fleurs pour se recueillir, avant de se diriger vers l'immeuble de résidence de l'enseignant.

Partout, des policiers en civil

A Arras, la tristesse se mêle à la peur. Et aux énormes mesures de sécurité. Pour cause, le président français Emmanuel Macron assiste à la cérémonie d'enterrement de Dominique Bernard. Un service funèbre a lieu dans la cathédrale d'Arras, dont notre journaliste n'a pas pu participer. A l'extérieur de ce monument colossal, des policiers en uniforme et lourdement armés patrouillent. Les forces d'intervention civiles regardent nerveusement autour d'elles pour voir si une personne potentiellement dangereuse errent dans les ruelles. Des tas de policiers se tiennent également sur la place des Héros. Des gens s'y sont rassemblés pour suivre la messe sur écran géant. 

Blick rencontre un élève, William Damour, 15 ans. Dominique Bernard a été jusqu'au bout son professeur de français au lycée Gambetta, lieu de l'attaque. «C'était irréel et incompréhensible, se souvient William Damour. J'étais dévasté. Depuis l'attentat, j'ai peur d'aller en cours. Je ne me sens pas en sécurité. Si c'est arrivé une fois, ça peut aussi arriver une deuxième fois.» Mais sa peur ne se limite pas à l'enceinte de l'école. «L'insécurité est partout. Même quand je me promène dans les rues.»

«Il aurait dû être expulsé»

Alban Heusèle, politicien du Rassemblement national, s'inquiète davantage pour sa famille. Il est conseiller municipal d'Arras au conseil de la région Hauts-de-France et a lui-même fréquenté autrefois le lycée Gambetta. Après la cérémonie, Alban Heusèle s'entretient avec Blick. Il est en colère. Selon lui, c'est un crime qui aurait pu être évité. «Cet individu n'avait rien à faire en France. Sa famille aurait dû être expulsée il y a des années. C'est tragique.»

Le politicien d'extrême droite dénonce: «L'immigration dans notre pays n'est pas contrôlée. Tout le monde entre en France, mais personne n'en sort.» Pour l'homme, c'est la cause de tels actes d'horreur. «Des fous furieux se promènent ici en toute liberté. Je veux que les islamistes soient expulsés. Car ce sont des bombes humaines. La population doit être protégée contre cela.»

Un ado de 16 ans, Maxime Rebout, connaissait la victime ainsi que le tueur. Comme William Damour, il fréquente le lycée Gambetta. Notre journaliste rencontre le jeune homme devant l'établissement scolaire. Là aussi, des policiers et des soldats sont stationnés.

Avec Mohammed M., Maxime Rebout allait autrefois faire de la boxe. «A l'époque, je n'avais pas l'impression qu'il s'était radicalisé. Je ne voyais rien de bizarre dans son comportement.» Quelques jours après l'attentat, il a, comme de nombreuses personnes, plus peur pour ses proches que pour lui-même.

Des larmes dans la cathédrale

Hugo Wende, 17 ans, est, lui aussi, un élève de Gambetta. Depuis son retour à l'école après l'attentat, il se sent moins en sécurité. Toutefois, «on est rassuré de savoir que les policiers et les soldats sont présents».

Le retour en classe mardi a été difficile, souligne Hugo Wende. «Je ne peux pas m'empêcher d'y penser.» Le jeune homme était également présent lors de la cérémonie, pour rendre justice et un dernier hommage au professeur. Hugo Wende était un servant d'autel. «Sa famille a fait un très beau discours. Les enseignants et les élèves ont sûrement été touchés aux larmes.»

*Noms connus

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