Il était ce lundi sur BFMTV
Pour Tariq Ramadan, être acquitté en Suisse tue le dossier français

L'islamologue suisse s'exprimait lundi 24 mai pour la première fois à la télévision française depuis son acquittement à Genève. Sur BFMTV, il a pourfendu ses accusateurs français.
Publié: 29.05.2023 à 22:22 heures
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Dernière mise à jour: 30.05.2023 à 08:49 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

On pouvait s’y attendre. Acquitté le 24 mai par le tribunal de Genève, Tariq Ramadan estime que les poursuites engagées contre lui en France par trois femmes ont désormais perdu toute crédibilité.

Même si «Brigitte», la plaignante suisse, a interjeté appel et qu’un nouveau procès aura lieu sur les bords du Léman, l’islamologue est convaincu que la décision des juges genevois confirme que les accusations dont il est la cible sont infondées. Pour lui, la procédure française va se retrouver affectée à son profit.

«Le dossier suisse dit qu’on ne peut pas mettre sous emprise une femme en la voyant une seule fois, a-t-il plusieurs fois répété lors d’un entretien exclusif accordé lundi soir à BFM Story, l’un des rendez-vous phare de la chaîne d’information continue BFMTV. Il dit qu’il n’y a pas eu d’emprise, pas de syndrome de Stockholm. Le dossier suisse dit aussi qu’il y a eu, entre les différentes plaignantes et Mme Caroline Fourest, à la fois collusion et concertation.»

«Vous me prenez pour un fou?»

Tariq Ramadan était, pendant les 25 minutes d’antenne, confronté aux deux animateurs de l’émission, Olivier Truchot et Alain Marshall. Il avait aussi face à lui l’un des chroniqueurs judiciaires de la chaîne, Vincent Vantighem, qu’il a publiquement et à plusieurs reprises accusé de partialité et de manque de professionnalisme. S’attirant une riposte outragée de l’intéressé. Aucun représentant ou avocat des plaignantes ne lui était opposé. Et aucune femme n'était présente sur le plateau.

Résultat: une série d’attaques verbales. «Vous me prenez pour un fou? On ne veut pas la vérité. On sait que ce qu’on me reproche n’est pas vrai», a asséné l’universitaire, après avoir répété que les accusations portées contre lui visaient, d’abord, à le démolir en raison de son engagement politique en France.

C’est aussi pour cette raison, affirme-t-il, qu’il a été incarcéré pendant dix mois en France en 2018. «J’estime que la justice suisse a fait son travail. J’ai demandé aux juges d’oublier que je m’appelais Tariq Ramadan. Et 80% de la salle d’audience était remplie de journalistes français. Mais les magistrats suisses ont appliqué les principes et fait leur travail. Les faits et le droit, voilà ce qui a primé à Genève.»

Acquitté le 24 mai par le tribunal de Genève, Tariq Ramadan était ce lundi 29 mai l'invité de BFM Story.
Photo: DR
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«On voulait me faire tomber»

Qu’en était-il en France, selon l'intéressé? «On voulait me faire tomber, a-t-il avancé. Tariq Ramadan représentait une voix contestée. La réalité, c’est qu’on a voulu m’éliminer parce que j’ai dit que vous ne vous en sortirez pas si vous ne considérez pas que les Français de confession musulmane ont les mêmes droits. Je suis attaqué en France parce que je défends une certaine façon d’être français, européen et musulman. C’est une affaire politique. Et 99% des Français musulmans savent très bien ce qui se passe.»

Le moment le plus chahuté de l’émission est intervenu lorsque l’islamologue a accusé la justice française de ne pas avoir transmis son dossier au tribunal suisse, malgré une commission rogatoire. Il a, sur ce point, été contredit en partie par le journaliste de BFMTV. Selon ce dernier, «toutes les pièces demandées ont bien été transmises.»

Quelques minutes plus tôt, Tariq Ramadan n’avait en revanche pas été contredit lorsqu’il a violemment pointé du doigt les plaignantes qui l’accusent de viols en France. «On va laisser le plan moral de côté, a-t-il répliqué, alors que s’affichaient sur l’écran certaines de ses formules de prédicateur sur l’exigence de moralité islamique. Toutes mes pratiques supposées violentes ont été rejetées par la justice. La plaignante suisse a en revanche des pratiques sadomasochistes. La première plaignante française a des relations avec cinquante personnes qui sont sadomasochistes. La deuxième est scatophile (ndlr: pratiques sexuelles avec excréments). La troisième est mariée avec une personne qui est un acteur porno et spécialiste des scènes violentes.»

Aucune réponse sur ces différents points. Difficile de faire pire, en direct et à une heure de grande écoute, dans la diabolisation de ses accusatrices.

Interdit d’évoquer la morale

La passe d’armes principale, sur le plateau, a concerné les contradictions de Tariq Ramadan, qui prêchait la morale aux fidèles musulmans et a finalement admis – après l’avoir nié – avoir eu des relations sexuelles avec d’autres femmes que son épouse.

«Sur le plan moral, j’aimerais que l'on cesse aujourd’hui, que personne ne s’occupe de la morale des autres», a tranché l’ex-prédicateur. En France, «on oublie le droit pour projeter sur moi des choses qui sont absolument loin de la réalité, a-t-il répété. Je sors blanchi au sens innocenté.»

Les phrases affichées sur l’écran témoignaient pourtant de son double langage, et de l’évidente mystification religieuse à laquelle il se livra entre 2009 et 2016, date des faits qui lui sont reprochés en France.

«J’ai essayé de me protéger»

«Mon mensonge et celui de ces femmes ne sont pas de même nature, s'est-il défendu. J’ai expliqué pourquoi j’ai menti. Je suis un homme marié. J’ai essayé de me protéger.»

Il a ensuite poussé l’argument encore plus loin: «Vous feriez tous la même chose. Ne venez pas sur le terrain moral. Je crois à un ordre transcendant. Je suis croyant. Vous n’avez pas le droit de décider qui est Tartuffe ou non. J’ai une parole. Je suis revenu à ma foi. Vous n’avez aucune compétence sur la question morale.»

Alors que la tenue d’un procès en France n’a pas encore été fixée, malgré la demande de renvoi en assises du parquet, en juillet 2022, Tariq Ramadan entend bien utiliser autant qu’il le pourra le premier jugement suisse. Il sera à Nice le 4 juin pour un dîner-conférence, malgré l’opposition du maire de la ville Christian Estrosi. Et il a redit sur le plateau de BFMTV son intention de porter plainte pour diffamation contre l’intellectuelle Caroline Fourest.

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