Les Français se les posent
Cinq questions interdites sur Gabriel Attal et son gouvernement

Le nouveau Premier ministre français a entamé son mandat au pas de charge. Un déplacement à Dijon, un autre à Caen ce dimanche 14 janvier. Et pendant ce temps-là, beaucoup s'interrogent...
Publié: 14.01.2024 à 16:24 heures
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Dernière mise à jour: 14.01.2024 à 21:16 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Gabriel Attal n’est pas seulement, depuis sa nomination le 9 janvier, le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la République, à l’âge de 34 ans. Il est aussi le plus pressé, puisqu’il a commencé, au lendemain du premier conseil des ministres, à mettre en œuvre sa promesse d’effectuer un déplacement par jour. Il était samedi dans un hôpital à Dijon, et dimanche sur un marché de Caen. Pendant ce temps, beaucoup de Français s’interrogent. Et certaines de ces questions sont plus ou moins interdites. Les voici.

Gabriel Attal n’est-il qu’un «clone» de Macron?

Non. C’est d’ailleurs là que ce jeune politicien de 34 ans est plus fort qu’on ne le croit. Certes, il doit entièrement sa formidable ascension politique à l’actuel président, qu’il a rejoint dès sa première campagne électorale, en 2016. Sans Macron, Gabriel Attal serait sans doute resté beaucoup plus longtemps conseiller ministériel, avec pour objectif de conquérir la mairie de Vanves (Hauts-de-Seine, sud de Paris) où il reste élu conseiller municipal depuis 2014.

Mais son CV n’est pas du tout celui d’un «clone». Attal n’a pas fait l’École nationale d’administration, comme Macron. Il n’a pas tenté l’École Normale-Supérieure comme Macron (qui l’a raté deux fois). Il n’a pas été banquier. Il n’est pas Haut Fonctionnaire (Macron, qui est inspecteur des Finances, a démissionné de la fonction publique). En fait, le parcours de Gabriel Attal, élu député à 28 ans, ressemble beaucoup plus à celui de Nicolas Sarkozy, élu maire de Neuilly S/Seine (dans le même département des Hauts-de-Seine), pile au même âge.

C'est à l'hôpital de Dijon, en Bourgogne, que le nouveau premier ministre de 34 ansd a démarré son mandat par une visite de terrain.
Photo: DUKAS
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Gabriel Attal a-t-il fait nommer ministre son ex-mari?

C’est le sujet qui va faire jaser sur la scène internationale, car le compagnon en question (ils n’étaient pas mariés, mais pacsés) n’est autre que Stéphane Séjourné, 38 ans, nommé ministre des Affaires étrangères. En fait, les deux hommes, qui formaient un couple, ne sont plus ensemble depuis environ deux ans. Reste le conflit d’intérêts: le chef de la diplomatie a beau être relié en direct au président de la République, il est membre d’une équipe dirigée par celui dont il partageait la vie. Compliqué.

Pas simple, aussi, pour Stéphane Séjourné, qui était jusque-là député européen et président du groupe Renew (Libéraux, pro-Macron) au parlement de Strasbourg, d’éviter ce sujet délicat lorsqu’il voyagera dans des pays où l’homosexualité est ouvertement combattue, et le mariage homosexuel vilipendé. La vérité est qu’il était impensable de promouvoir Gabriel Attal sans récompenser son ex-conjoint, proche conseiller politique de Macron. Problème? En tout cas, c’est un écueil. Rappelons que François Hollande, alors président, avait nommé son ex-compagne Ségolène Royal ministre de l’Écologie.

Gabriel Attal sera-t-il un vrai-faux Premier ministre?

C’est très probable. En France, le chef du gouvernement est au cœur de la haute administration. Il en est le centre névralgique. Il est supposé être le chef de la majorité présidentielle. Seulement voilà: Emmanuel Macron ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale (il lui manque une quarantaine de députés depuis les législatives de juin 2022), et Gabriel Attal a promis de faire un déplacement par jour sur le terrain. Il était d’ailleurs samedi à Dijon et dimanche à Caen.

Difficile de croire qu’il procédera à tous les arbitrages, d’autant que son directeur de cabinet lui a été imposé par le président. La théorie entendue à Paris: le vrai Premier ministre sera le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler (qui pourrait être remplacé bientôt). Gabriel Attal sera le VRP en chef. Son job? Être en campagne électorale permanente, pour mobiliser contre le Rassemblement national.

Gabriel Attal a-t-il les moyens d’une relance?

Non. En tout cas si l’on parle de moyens financiers. Le ministre Bruno Le Maire, grand argentier de la France depuis 2017, l’a d’ailleurs dit lundi 8 janvier lors de ses vœux: l’État devra réaliser au minimum douze milliards d’euros d’économies en 2024. On connaît le montant de la dette publique française, autour de 112% du Produit intérieur brut (environ 37% du PIB en Suisse). Les caisses sont presque vides, et le budget des Jeux Olympiques, en dépassement, va continuer de creuser le trou. On sait aussi que la suppression de 120'000 postes de fonctionnaires annoncée par Emmanuel Macron en 2017 ne s’est jamais réalisée. Au contraire. Le rapport annuel sur la fonction publique indique que le nombre de fonctionnaires a continué d’augmenter depuis 2017. 5,61 millions de Français travaillent aujourd’hui dans le secteur public, dont 3'818'400 ont le statut de fonctionnaires.

Gabriel Attal n’a-t-il pas été un si bon ministre de l’Éducation?

Les médias français lui ont tressé une couronne: celle de très bon ministre de l’Éducation, populaire après sa décision d’interdire le port de l’Abaya (le vêtement musulman féminin) dans un décret promulgué au début septembre 2023. On crédite aussi Gabriel Attal d’avoir fait passer les élèves hostiles à la laïcité en conseil de discipline et d’avoir, depuis décembre 2023, autorisé des tests de port de l’uniforme dans certaines écoles, comme en région Rhône-Alpes. Tout cela est vrai.

Mais l’intéressé n’est resté à son poste de ministre que cinq mois et 20 jours! Un ministre TGV! Il n’a fait qu’une rentrée scolaire. A l’inverse, Jean-Michel Blanquer, spécialiste des questions éducatives, était resté à ce poste de mai 2017 à mai 2022. Dire que la réputation de Gabriel Attal est largement surfaite est juste… la vérité. Le choix de sa successeure, en tout cas, a été mal préparé: celle-ci, Amélie Oudéa-Castera, a démarré par une gaffe monumentale en affirmant que ses enfants sont scolarisés dans une école privée parce que les profs du public sont trop souvent absents.

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