Mauvaises nouvelles à la pelle
Pourquoi Marine Le Pen est (peut-être) en train de perdre la présidentielle

La cheffe de file du Rassemblement national (RN) a toujours le vent en poupe dans les sondages. Mais pour remporter la présidentielle en 2027, elle devra surmonter de nombreux obstacles. Or les nuages tactiques s'accumulent.
Publié: 09.02.2024 à 07:31 heures
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Dernière mise à jour: 12.02.2024 à 08:21 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Les sondages la donnent toujours gagnante à l’élection présidentielle de 2027. Si les enquêtes d’opinion disent juste, Marine Le Pen, 55 ans, est en pole position dans la course à l’Élysée. 36% des suffrages dès le premier tour selon BFM TV et une victoire assurée au cas où elle se retrouverait au second tour face au jeune Premier ministre Gabriel Attal ou au vétéran de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon. Seul l’ancien chef du gouvernement Edouard Philippe pourrait lui barrer la route de l’Élysée…

Un instantané

Le problème est que cette photographie de l’opinion française est un cliché instantané, pris à la mi-février 2024. Or trois éléments au moins sont en train d’assombrir le paysage de la cheffe de file du Rassemblement national qui a déjà fait acte de candidature pour sa quatrième campagne présidentielle, après celles de 2012 (éliminée au premier tour avec 17,9% des suffrages), 2017 (battue au second tour avec 33,9%) et 2022 (de nouveau battue au second tour avec 41,45% des voix).

Le premier nuage porte sur sa situation judiciaire, et celle de son parti. Un élément redevenu d’actualité après la relaxe au «bénéfice du doute», le 5 février, du leader centriste François Bayrou, 72 ans, dans l’affaire de détournement de fonds publics engendrés par l’emploi illégal en France d’assistants au parlement européen.

La cheffe de file du Rassemblement nationale demeure la favorite pour l'élection présidentielle de 2027.
Photo: DUKAS
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Une peine d’inéligibilité?

Marine Le Pen et 26 autres personnes du Rassemblement national sont accusés des mêmes délits. Ils auraient salarié avec des fonds européens des collaborateurs qui travaillaient en réalité pour leur formation politique dans l’hexagone. Leur procès est programmé pour l’automne 2024. Or la somme en jeu (près de six millions d’euros) est bien supérieure à celle de l’affaire Bayrou (environ 400'000 euros).

Plus grave pour la fille de Jean-Marie Le Pen, plusieurs coaccusés aux côtés de François Bayrou ont été condamnés à une peine d’inéligibilité, comme c’est le cas pour l’ancien ministre de la Justice Michel Mercier. Or, faites le calcul: une peine d’inéligibilité contre Marine Le Pen, prononcée fin 2024, pourrait sérieusement compromettre ses chances de mener campagne, voire l’empêcher de se présenter, même si l’appel est suspensif.

Chamboule-tout politique

Second nuage dans le ciel qui semblait dégagé pour le Rassemblement national: le chamboule-tout politique que peut engendrer le retour au premier plan de François Bayrou, même si le parquet vient de faire appel de sa relaxe. Bayrou a toujours ferraillé contre le RN. Il incarne un centrisme provincial (il est maire de Pau), proche des gens. Il est un vétéran de la politique, qui contraste avec le rajeunissement excessif version Macron. Or Bayrou rêve toujours de la présidentielle à laquelle il avait renoncé en 2017 pour soutenir un certain… Emmanuel Macron.

On résume: dans trois ans, Bayrou aura 75 ans. Il pourra se présenter comme le rempart contre l’extrême droite. Il est compatible avec la gauche modérée depuis sa décision de 2012 de voter pour François Hollande au second tour, contre Nicolas Sarkozy. Or, face à un candidat centriste soutenu par la gauche, Marine Le Pen aura beaucoup de difficultés à remporter le second tour.

Jordan Bardella, le troisième nuage

Troisième nuage: Marine Le Pen risque de faire face à une fronde interne si son dauphin, Jordan Bardella, 28 ans, l’emporte nettement aux Européennes du 9 juin face la liste défendue par le premier ministre Gabriel Attal. Bardella sera encore plus intronisé comme le leader de l’extrême-droite française. Il devra gérer l’après élection avec Marion Maréchal, la nièce de Marine, qui sera tête de liste du parti «Reconquête» d’Eric Zemmour et peut-être élue, à la faveur du scrutin à la proportionnelle intégrale.

On résume: l’image lisse d’une Marine Le Pen de moins en moins extrémiste pourrait voler en éclats sur le dossier de l’UE. Ses adversaires vont la contraindre à s’exprimer sur une possible sortie de la France de l’Union, ou de l’euro. Le piège de l’UE, dont Emmanuel Macron vante l’indispensable souveraineté face à la Russie, aux États-Unis et à la Chine, pourrait bien se refermer sur elle.

Pronostics déjoués?

Paradoxalement, Marine Le Pen est donc (peut-être) en train de perdre la présidentielle, en dépit des pronostics électoraux. C’est d’ailleurs aussi pour cela qu’elle reste plutôt discrète ces jours-ci. Parler, c’est s’exposer. Or ce que veut Marine Le Pen en 2024, c’est apparaître comme le contraire d’une dirigeante qui divise. Car plus l’électorat sera fragmenté, plus sa course vers l’Élysée ressemblera à un (très) long marathon.

Cliquez ici pour lire la note de la Fondation Jean Jaurès sur la «dédiabolisation» de Marine Le Pen.

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