Pourquoi les Français paient toujours plus d'impôts (sans résultats)?

Toutes les études le montrent: les Français sont excédés par le délabrement de leurs services publics. Mais comment cela est-il possible, dans un pays où l'État taxe tellement ses citoyens? Réponse à Aix en Provence, avec le livre d'Agnès Verdier-Molinié en main.
Publié: 09.07.2023 à 16:03 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Je ne vais pas me faire que des amis, mais j’ai voulu, aux Rencontres économiques annuelles d’Aix-en-Provence qui viennent de s’achever ce dimanche 9 juillet, trouver réponse au titre du dernier livre de l’essayiste libérale Agnès Verdier-Molinié: «Où va notre argent?» (Ed. Observatoire).

Je me suis donc promené de conférences en tables rondes, sous les tentes et devant mon écran en salle de presse, en gardant cet ouvrage sous le coude et en reformulant ainsi la question: «Pourquoi les Français paient toujours plus d’impôts (sans résultat)?»

«L’école, moteur de l’ascension sociale»

En théorie, tout est fait à Aix-en-Provence pour que les experts, patrons et élus m’apportent des réponses. J’ai donc préparé mon carnet de notes, à l’affût d’éléments tangibles et convaincants, pour démontrer à l’auteure de ce pamphlet sur les finances publiques qu’elle a tort sur toute la ligne. A coup sûr, la justification du taux record de dépenses publiques et du taux de prélèvement obligatoire en France se trouvait dans ces débats sur «le nouveau rapport entre travail et bien-être», «l’école, moteur de l’ascension sociale», «économie circulaire, le modèle à suivre». Sans parler des débats avec l’ancien premier ministre Édouard Philippe, le ministre des Finances Bruno Le Maire ou la patronne de la Banque centrale européenne Christine Lagarde.

Agnès Verdier-Molinié pointe régulièprement dans ses essais la dérive des finances publiques de la France.
Photo: Richard Werly
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Or, je n’ai obtenu… Aucune réponse. Rien. Nada. «Des dépenses qui explosent, des services publics qui se dégradent: le scandale français» dénonce Agnès Verdier-Molinié dès l’ouverture de son livre. Mais aux rencontres d’Aix-en-Provence, considérées comme le «Davos» de l’hexagone, peu d’orateurs m’ont semblé prêts à reconnaître ces faits.

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Des faits? Je dois, c’est vrai, mettre un point d’interrogation. Tous les livres percutants d’Agnès Verdier-Molinié sont des essais dénonciateurs. L’auteure est libérale. Elle préfère le marché à l’État. Elle pourfend les dérapages du «modèle social français», et se retrouve parfois prise en flagrant délit d'avoir grossi le trait. En clair: elle mène une croisade que l’on peut, ou pas, partager.

Restent les chiffres. Je les ai relus en écoutant, samedi matin, la table ronde ayant pour thème «L’endettement sans fin est-il raisonnable?» Dans son chapitre 23, l’essayiste estime que la France «court un risque réel de crise de la dette, qui pourrait déboucher sur des impôts exceptionnels et le blocage des assurances-vie». Elle juge possible «que la charge de la dette finisse par représenter plus de 5% de la richesse nationale française en 2027, ce qui rendrait le déficit public du pays totalement hors de contrôle». Je m’attendais donc, à Aix, à un coup de semonce pour la 23e édition des rencontres économiques. Or qu’ai-je entendu? Que «l’alternative est de mobiliser l’épargne nationale et internationale excédentaire et de l’orienter vers des investissements publics et privés qui vont permettre de générer plus de croissance et de richesses». Fermez le ban. Pas question de dépenser moins. Réfléchissons à la meilleure manière de dépenser plus…

Cliquez ici pour lire le Manifeste des Rencontres d'Aix-en-Provence

Des tabous qui pèsent lourd

Le fait de me promener avec le livre sous le bras m’a surtout permis de constater ce que je craignais: le montant des impôts payés par les Français, et l’efficacité de la dépense publique, sont devenus peu à peu des tabous. Pas question de s’interroger sur ce que l’État ne devrait plus faire. La crise internationale engendrée par la guerre en Ukraine, et maintenant les crises sociales respectives (celle de la réforme des retraites, et maintenant celle des banlieues) ont évacué le sujet.

Les chiffres pourtant mériteraient qu’on s’y attarde. «Entre 2002 et 2022, nos impôts auront augmenté de 525 milliards d’euros, passant de 670 à plus de 1195 milliards, soit +80% en vingt ans, deux fois plus vite que l’inflation! Quand nos dépenses publiques, elles sont passées de 809 milliards à environ 1500 milliards», assène Agnès Verdier. J’ai testé ce chiffre sur plusieurs orateurs. À chaque fois, j’ai recueilli le même haussement d’épaules. La France est un malade qui a (presque) choisi de ne pas se soigner.

Retrouvez Agnès Verdier Molinié sur TV5 Monde

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Je ne voulais pas, à priori, faire le parallèle entre ces rencontres économiques ouvertes à tous, gratuites et toujours propices à quantité d’échanges, et l’essai sans concession de l’auteure, qui conclut avec vingt propositions, dont celles de recourir davantage à la démocratie directe, comme en Suisse.

Mais je dois dire que sa liste de suggestions aurait mérité d’être affichée en grand sous les tentes du Parc Jourdan de la belle cité provençale. Car les Français ne comprennent pas! Je vous recommande, dans ce livre, les deux tableaux de référence. Le premier? «Comment sont obtenus 1000 euros de prélèvement obligatoire?» Le second? «Comment sont financés et utilisés 1000 euros de dépenses publiques?» Je vous laisse les découvrir.

Et je fais ici une proposition à l’économiste Jean-Hervé Lorenzi, patron des rencontres d’Aix et ancien de l’UBS: pourquoi ne pas comparer, en 2024, ces deux tableaux à ceux des pays voisins de la France? J’attends avec impatience sa réponse.

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