Rien ne va plus chez nos voisins
Savez-vous que le «Made in France» est (presque) devenu une plaisanterie?

L'économiste libéral Nicolas Bouzou n'y va pas de main morte. Pour lui, la France est désormais engluée dans «l'à-peu-près». C'est le titre décapant de son dernier livre publié en pleine bataille sur les retraites.
Publié: 19.03.2023 à 17:10 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Rien ne va plus en France. J’en suis moi-même abasourdi. Plus possible, ces jours-ci, de trouver un sujet réconfortant et rassurant à écrire sur ce pays qui a tant de ressources et qui peut, lorsqu’il est en forme, réaliser tant de prouesses!

D’accord, j’exagère. La France n’est pas (encore) une puissance économique naufragée. Mais à lire le dernier essai de Nicolas Bouzou, «La France de l’à-peu-près» (Ed. Observatoire), le danger point à l’horizon. Surtout si rien n’est fait pour éviter le précipice. Bientôt, sans action, le «Made in France» sera selon lui une plaisanterie.

Tout marche… Mais plus rien ne fonctionne vraiment

D’autres auteurs français se sont spécialisés en portraitistes du déclin préoccupant de la République. Je pense à François Lenglet (dernier ouvrage paru: «Rien ne va, mais…», chez Plon) ou à Nicolas Baverez (dernier livre paru: «Démocraties contre empires autoritaires» aux éditions de l’Observatoire).

«Il est temps de retrouver la voie de la créativité, de l'investissement et le l'excellence, la seule qui soit conforme au génie français», assène dans son livre Nicolas Bouzou.
Photo: Richard Werly
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Dans «La France de l’à-peu-près», l’auteur choisit un angle différent et original. Tout marche encore chez nos voisins, écrit-il. Mais plus rien ne fonctionne vraiment, ce qui rend la pente actuelle encore plus glissante pour ce pays qui continue de vouloir jouer les premiers rôles: «C’est peu de dire que la France navigue dans une mer agitée qui rend risquée l’absence de lucidité et de courage, écrit-il encore. Dans ce contexte, une stratégie de l’à-peu-près ne peut conduire qu’à la catastrophe».

J’avoue que j’ai hésité à me plonger dans cet essai. Ras-le-bol des discours défaitistes sur la France. Ras-le-bol des accusations faciles lancées contre des Français prétendument paresseux et oublieux des réalités du monde. Après tout, la révolution a ses vertus, non? Et si les colères françaises étaient au contraire porteuses d'espoir?

N'empêche: doit-on fermer les yeux? Non. Alors commençons par la formule qui fait mal, en cette période de guerre sociale sur les retraites, assurée de se poursuivre cette semaine après l’examen, ce lundi 20 mars, des motions de censure présentées à l’Assemblée nationale par l’opposition, dans l’espoir de renverser l’actuel gouvernement. «Notre modèle social, sans contrepartie en travail, dépérira» assène Nicolas Bouzou. Nous évoluons dans une sorte d’entre-deux où l’on pose le diagnostic du bout des lèvres sans demander aux Français de trancher: le repos ou le respect de notre social.»

Cette critique sera évidemment jugée trop libérale

La critique qui sera faite à l’auteur est facile. Il sera qualifié de libéral, ce qui, en France, vaut immédiate condamnation. Mais il faut reconnaître qu’il tape juste. Exemple sur l’innovation, qui a longtemps fait la force du pays de Marie Curie, de Gustave Eiffel (qui fit inscrire 72 noms de savants sur sa tour) ou, plus près de nous, du mathématicien Cédric Villani. La faute française? Croire que la recherche n’est pas un but en soi.

«Notre pays déborde du champ strictement utilitaire de l’innovation pour donner au monde des leçons de bien-pensance sur les 'excès', les 'dangers' et la 'nécessaire régulation'», juge Nicolas Bouzou. En un mot, la France met de la politique partout, en oubliant que «les paroles ne suffisent pas à constituer une politique ou une influence».

Mais attention: ne croyez pas que l’auteur veut tout mettre par terre ou tout privatiser. Au contraire. Il reproche à l’État et à l’administration d’abandonner, eux aussi, l’excellence: «Les fonctionnaires français font bien leur travail, explique-t-il. Et ce, alors même que leurs salaires sont sous pression, voire, comme dans l’éducation nationale, scandaleusement bas. Leur chercher noise les braque à juste titre, sans rien faire avancer de la cause de la France.»

Nicolas Bouzou dénonce les «à peu-près». Car ils engendrent à la fois les défaites industrielles, le mal-être social et les pertes de parts de marché dans une mondialisation de plus en plus compétitive. Bien vu!

Il prend le risque, surtout, de redire quelques évidences comme celle-ci, assurée d’avoir un écho en Suisse: «Les Français sous-estiment un point fondamental pour l’avenir: la clé de la prospérité et de la puissance réside dans la maîtrise de la science.»

Et de taper sur les idéologies ravageuses dans les campus universitaires: «Le luxe anticapitaliste est possible dans des pays très riches. Dans un pays sur le fil du rasoir économique et social comme la France, c’est une captation coupable du service public de l’enseignement supérieur à des fins idéologiques.»

Je m’arrête là: l’actualité de la bataille sociale des retraites, ces jours prochains, est la suite naturelle de cette série «La France de l’à-peu-près».

À lire: «La France de l’à-peu-près» de Nicolas Bouzou (Ed. Observatoire)

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