Sa visite d'Etat démarre ce mercredi
Emmanuel Macron, meilleur élève européen pour l'administration Biden

Le président français démarre ce mercredi 30 novembre une visite d'Etat aux Etats-Unis. La première de l'administration Biden. Une manière pour Washington de réparer les blessures passées, mais aussi de récompenser «Macron l'Américain».
Publié: 30.11.2022 à 17:01 heures
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Dernière mise à jour: 30.11.2022 à 22:42 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

La Fayette, réveille-toi! Pendant trois jours, les Etats-Unis d’Amérique vont dérouler le tapis rouge à celui qui, pour les médias et les observateurs de l’autre côté de l’Atlantique, est sans doute le plus américain des présidents français. Quel lien entre le marquis du XVIIIe siècle, nommé général à 19 ans par Georges Washington lui-même lors de la guerre d’indépendance, et le chef de l’Etat de 44 ans? Une même posture.

Macron incarne une modernité française

La Fayette incarnait le Royaume de France dans sa modernité de l’époque, déjà transformé par l’esprit des Lumières, avant que la révolution ne mette la monarchie à genoux le 14 juillet 1789. Deux siècles et demi plus tard, Emmanuel Macron incarne, aux yeux des Américains, une modernité française. Un président féru de numérique, qui recrute à gogo les consultants du cabinet Mc Kinsey, et qui a fait de l’attractivité économique son cheval de bataille. Adieu De Gaulle et sa manière de tenir l’Amérique à distance. Macron l’Européen, défenseur acharné de l’UE, est sans doute le dirigeant français le plus proche des mœurs politiques, financières et technologiques «Made in USA».

Joe Biden, qui vient de fêter ses 80 ans le 20 novembre, a bien analysé son homologue. Avant lui, Donald Trump enrageait d’avoir à ses côtés un président français plus brillant, plus séduisant, plus raffiné que lui. Premier accroc: l’intervention en anglais de Macron déplorant, en juin 2017, le retrait américain de l’accord de Paris sur le climat.

Pire: Trump, l’obsédé des «deals» et de la puissance, n’avait pas supporté de voir Macron, en novembre 2019, déclarer que l’OTAN, l’Alliance atlantique dominée par les Etats-Unis, était alors en «état de mort cérébrale». L’ancien promoteur new-yorkais avait adoré le défilé militaire du 14 juillet 2017, qu’il était venu voir à Paris. Il avait aussi beaucoup aimé le dîner du soir au «Jules Vernes», le restaurant étoilé de la Tour Eiffel où il avait félicité, façon lourdingue, Brigitte Macron pour sa forme physique.

Emmanuel Macron et son épouse Brigitte sont arrivés à Washington mardi soir 29 novembre. La visite d'Etat du président français durera trois jours. Dans son avion? Une délégation de patrons dont Bernard Arnaud, PDG du groupe de luxe LVMH, et Patrick Pouyanné, patron de Total.
Photo: DUKAS

Changement radical de décor et d’ambiance avec Joe Biden. L’octogénaire locataire de la Maison-Blanche a commencé par bien montrer qui est le patron, en faisant casser en septembre 2021 le contrat australien d’achat de douze sous-marins français. Pas de quartier quand il s’agit de gros sous et de commandes militaires. Biden a ensuite calmé le jeu et cajolé Emmanuel. Puis la guerre en Ukraine est arrivée. Et voilà que l’OTAN, l’instrument de puissance des Etats-Unis sur le Vieux Continent depuis 1949, a été ressuscité par Vladimir Poutine!

Macron, depuis, continue de plaider sans relâche pour une défense commune et pour la souveraineté européenne. Le commissaire européen (français) Thierry Breton, responsable des questions industrielles et numériques, martèle le besoin d’une indépendance technologique de l’UE. Macron continue aussi de parler avec Vladimir Poutine. Mais personne n’est vraiment dupe. L’agenda ukrainien s’est imposé à Bruxelles. Le chancelier allemand Olaf Scholz et la nouvelle présidente du conseil Italien Giorgia Meloni flirtent ouvertement avec Washington. Biden, renforcé par des élections de midterms bien moins catastrophiques que prévues, tient solidement la barre du camp occidental.

L’avocat des grands projets industriels communautaires

Et la France? Là aussi, un examen rapide des faits contredit les discours très proeuropéens du président français. On sait qu’Emmanuel Macron fait partie des avocats des grands projets industriels communautaires, comme la filière pour des batteries électriques. L’on connaît aussi son engagement pour le projet d’avion de chasse du futur franco-allemand-espagnol. Mais d’autres signaux montrent que son cœur bat aussi de l’autre côté de l’Atlantique. Avoir eu recours aux consultants de Mc Kinsey, cette multinationale new-yorkaise impliquée dans de nombreux scandales de corruption à travers le monde, est révélateur.

On se souvient aussi que lors de son passage au ministère de l’Economie, de 2014 à 2016, Emmanuel Macron a défendu mordicus la vente de l’usine de turbines nucléaires d’Alstom à l’Américain General Electric. Lequel les a ensuite revendus à… EDF. Place aussi aux géants de la Silicon Valley. Sitôt élu président, Macron avait choisi, en octobre 2017, d’inaugurer à Amiens (la ville de son enfance), un nouvel entrepôt d’Amazon. On connaît la suite: la vente en ligne a explosé durant la pandémie de Covid. Et la question de l’évasion fiscale légale à grande échelle pratiquée par les plateformes est devenue un sujet récurrent.

Européen de cœur et de raison, mais…

Le marquis de la Fayette l’aurait sûrement, en son temps, accueilli à bras ouvert sur le sol américain. Emmanuel Macron est un européen de cœur et de raison qui, par son ouverture au monde ajouté à son goût de l’anglais en public, a fini par bien plus s’accommoder de la puissance américaine que ses prédécesseurs.

Il y a du Nicolas Sarkozy en lui. C’est sous «Sarko» que la France avait rejoint, en novembre 2007, le commandement intégré de l’OTAN dont s’était retiré le Général De Gaulle en 1966. Les deux hommes, convaincus que la seule manière de réformer la France est de le faire à la hussarde, se rejoignaient sur cette fascination pour l’Amérique qui gagne. Macron l’Européen n’a pas abandonné sa lutte. Mais Macron l’Américain a peu à peu pris le dessus.

A la Maison Blanche, Joe Biden peut être rassuré: cet allié français jeune et turbulent, après ses colères économiques contre le protectionnisme des Etats-Unis renforcé par les subventions fiscales massives de l’Inflation Reduction Act, ne lui causera pas de difficultés majeures. Bien au contraire.

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