Semaine cruciale pour la réforme des retraites
Emmanuel Macron a-t-il perdu sa boussole politique?

Le président français a été reçu en grande pompe en Chine. Problème: au-delà du protocole, il n'a rien obtenu de Xi Jinping. Et voilà qu'en France, la crise est presque ouverte avec sa première ministre Elisabeth Borne...
Publié: 08.04.2023 à 18:31 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2023 à 10:52 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Les images disent tout ce qui ne va plus au pays politique d’Emmanuel Macron.

En Chine, du 5 au 8 avril, le président français a reçu un accueil en grande pompe, digne de l’héritier du général de Gaulle, premier Chef d’État occidental à reconnaître la République Populaire en 1964. Mieux: le dirigeant de 45 ans a obtenu ce qu’il aime par-dessus tout en discutant avec un millier d’étudiants de l’université Sun Yat Sen de Canton, la grande métropole méridionale chinoise.

L’appel à Xi Jinping

A Pékin, Emmanuel Macron avait au début de son voyage lancé un appel à Xi Jinping pour qu’il «ramène la Russie à la raison», preuve qu’il croit à la fois en la volonté chinoise d’apaisement international, et en la parole du maître de Pékin qui était en Russie le 20 mars dernier. A Canton, le président français qui fêtera bientôt sa réélection, le 24 avril 2022, a réitéré son plaidoyer pour la paix, dénonçant le «colonialisme de la Russie». La forêt de téléphones portables brandis par les jeunes Chinois lors de son «Town Hall meeting», dans le gymnase de l’université, a de nouveau confirmé la notoriété mondialisée du locataire de l’Élysée.

Le thé franco-chinois de l’amitié

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Et après? La déclaration commune finale franco-chinoise est «a minima» sur la guerre en Ukraine. Le texte ne mentionne pas la Russie et n’appelle pas au départ d’Ukraine des troupes de Moscou. Simultanément, des navires chinois ont mis le cap vers Taïwan. Les médias américains ont ironisé sur l’importante délégation d’une soixantaine de dirigeants d’entreprises présents dans l’avion présidentiel français. Le message? Belle opération de communication pour Emmanuel Macron, moisson potentielle de contrats commerciaux (à commencer par Airbus), mais aucune réponse chinoise aux demandes françaises d’interventions pacifiques vis-à-vis de Moscou…

Vendredi 7 avril à Canton, Emmanuel Macron et Xi Jinping ont partagé un thé de l'amitié supposé illustrer leur proximité, après leur entretien officiel à Pékin en présence de la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen
Photo: AFP
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Une belle popularité internationale

En clair: s’il bénéficie toujours d’une belle cote de popularité internationale, et s’il a le courage de transgresser les lignes non officielles fixées par les Etats-Unis à la recherche d’un nouvel «équilibre» avec Pékin, Emmanuel Macron tourne à vide. Il parle. Il est peut-être écouté de la jeunesse. Ses déplacements internationaux produisent de belles images virales pour les télévisions et les réseaux sociaux. Mais la réalité lui échappe. La preuve en France, où la onzième journée de manifestation et de grève contre la réforme des retraites, jeudi 6 avril, a agrandi la brèche qui commence, semble-t-il, à l’opposer à sa première ministre.

Élisabeth Borne, a compris qu’elle est aujourd’hui un fusible politique. Les syndicats français, toujours unis, ont refusé de l’écouter plus d’une heure le 5 avril, claquant la porte sitôt l’annonce du maintien de la réforme des retraites. Or cette technocrate tenace sait qu’elle est désormais coincée. Si rien ne se passe dans les jours à venir, en particulier après la décision du Conseil constitutionnel sur le texte législatif attendue le 14 avril, l’impasse politique se refermera sur elle. Le mouvement social diminuera peut-être en intensité, mais le pays, faute de majorité parlementaire pour le camp présidentiel, sera de moins en moins gouvernable.


Le décor est planté. Il y a pile un an, le 10 avril 2022, Emmanuel Macron arrivait en tête du premier tour de l’élection présidentielle, devant Marine Le Pen, avec 27,84% des suffrages, contre 23% pour celle qu’il allait ensuite battre de nouveau en finale, le 24 avril. Carton plein! Ni Nicolas Sarkozy en 2012, ni François Hollande en 2017 (il ne se représenta même pas) n’avaient réussi à obtenir un second mandat. Mais aujourd’hui, Emmanuel Macron semble avoir perdu sa boussole politique intérieure, et il manque cruellement d’atouts sur la scène internationale.

Une réforme des retraites jugée logique vue de l’étranger

Sa réforme des retraites, jugée logique vu de l’étranger avec le report de l’âge de départ à 64 ans contre 62, ne passe pas dans l’opinion et se retrouve dans les mains des juges constitutionnels après un débat parlementaire tronqué par le recours à l’article 49.3 pour la faire adopter sans vote le 16 mars. Sa volonté de faire exister une «autonomie stratégique européenne» bute sur le resserrement de l’Alliance atlantique autour des Etats-Unis en raison de la guerre en Ukraine. Son offensive de charme vis-à-vis de la Chine ne produit, à court terme, que des résultats commerciaux qui confirment la dépendance de la France envers cet immense marché. Sa main tendue diplomatique pour amener Pékin à confirmer un réel plan de paix pour l’Ukraine, au-delà des douze points évoqués jusque-là par le gouvernement chinois, reste sans effets. L’impuissance guette. La boussole politique du président qui promettait de transformer la France semble ne plus indiquer la bonne direction.

Délitement politique en France

La complication reste, surtout, le délitement du paysage politique en France. L’espoir qu’Emmanuel Macron avait formulé le 22 mars à la télévision, en répétant que la réforme des retraites sera maintenue, était qu’un nombre suffisant de députés de droite soient convaincus de rejoindre la majorité menée par Élisabeth Borne. Sauf que la première ministre, issue du Parti socialiste, ressemble de plus en plus à une ambulance. Personne ne croit en la durabilité de son avenir politique.

Un an après sa réélection, obtenue largement grâce à l’apport de voix des électeurs opposés à Marine Le Pen, le président français est pris dans une ironie qui pourrait s’avérer fatale. Il refuse une «pause» sur les retraites, car il juge cette réforme indispensable pour que la France reste économique et budgétairement crédible. Mais il est en train, de facto, de mettre son second quinquennat à l’arrêt.

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