Son dialogue avec Michel Onfray fait débat
Islam et espoir, ces deux mots qui insupportent Houellebecq

Publié début décembre dans la revue «Front Populaire», le dialogue entre Michel Onfray et Michel Houellebecq alimente le débat de cette rentrée, sur fond de polémique autour de l'Islam. Alors que le 7 janvier marquait le 8e anniversaire du massacre de Charlie Hebdo.
Publié: 08.01.2023 à 14:08 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vous pensez que la reprise éventuelle du mouvement des «Gilets Jaunes» ou le projet de réforme des retraites qui sera annoncé ce mardi 10 janvier alimentent les conversations à Paris? Et bien vous vous trompez! 2023 – comme l’année 2022 avec la sortie de son roman «Anéantir» – démarre sous le signe de Michel Houellebecq, l’écrivain français aujourd’hui le «plus lu dans le monde», puisque même le prestigieux «New York Times» le présente ainsi.

Une nouvelle polémique

Pourquoi Houellebecq? Parce que l’auteur alimente ces jours-ci de nouveau la polémique sur ce sujet qui l’insupporte depuis qu’il a commencé à écrire: l’Islam. Objet de ce débat? Ses propos sur les musulmans tenus dans un long entretien sur «la fin de l’Occident» avec le philosophe Michel Onfray dans la revue «Front Populaire», créée par ce dernier et sous-titrée «La revue de tous les souverainistes». Publiée début décembre, cette conversation est revenue sur le devant de la scène lorsque le recteur de la Mosquée de Paris, Chems Eddine Hafiz, a menacé de porter plainte. Avant de se rétracter à la suite d’un échange avec l’écrivain. Lequel a promis de publier un nouveau texte pour expliciter et nuancer sa position.

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Le moment est choisi. Ce 7 janvier 2023, «Charlie Hebdo» a commémoré à sa manière le huitième anniversaire du massacre de sa rédaction par les frères Kouachi, bras armés de la terreur islamiste. Le résultat? Un numéro spécial consacré aux caricatures du «guide» du régime des mollahs iraniens: l’ayatollah Ali Khamenei.

Le philosophe Michel Onfray est le co-fondateur de la revue «Front Populaire», crée pour mener selon lui un «combat civilisationnel». Son entretien avec Michel Houellebecq a entrainé une menace de plainte du recteur de la Mosquée de Paris. Lequel a finalement renoncé après s'être expliqué avec l'auteur de «Anéantir».
Photo: AFP

Or Houellebecq et Charlie Hebdo ont un terrible passé commun. «Soumission», le roman dans lequel l’écrivain racontait l’islamisation rampante et cynique de l’université et de la classe politique française, était sorti pile le jour où une partie de la rédaction de l’hebdomadaire satirique a péri sous les balles. Les jours précédents, tous les médias français l’avaient mis à la une. Un buzz plus que funeste, vu les circonstances.

Le registre du choc des civilisations

Quoi de neuf en 2023 dans «Front populaire»? Rien. Le registre de Michel Houellebecq reste, sans surprise, celui du choc des civilisations. La France, vieux pays catholique, est, selon lui, à bout de nerfs. La confrontation avec les musulmans est inévitable. «Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamiste, dit-il, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées.» Bref, l’heure viendra, d’après Houellebecq, des «Bataclans à l’envers», référence à la vague d’attentats islamistes qui ensanglanta Paris le 13 novembre 2015.

La vérité – quel que soit le texte à venir destiné à répondre à la mosquée de Paris – est que le romancier a, ni plus ni moins, une phobie de l’islam. Il le voit comme une maladie qui dévore les sociétés européennes. Il ne le croit pas capable d’évoluer. Houellebecq, agnostique revendiqué, déteste ceux que le démographe Emmanuel Todd a nommé, après la tragédie de Charlie Hebdo, les «catholiques zombies»: nostalgiques d’une société de tolérance et de valeurs qui n’existe plus.

Maître de l’absurde, il aime la société d’hier dominée par des mâles blancs dont il dépeint avec un formidable talent les bassesses, les addictions, les renoncements et les contradictions dans une société moderne qui leur échappe. Le métissage est son cauchemar. La seule altérité qui lui convient est celle de l’Asie et de Confucius, théoricien de la discipline et de l’ordre social dominé par les anciens. Sa femme, épousée en 2018, est d’ailleurs chinoise.

Pas grand-chose de neuf

J’ai bien cherché ce qui, dans ce dialogue avec Michel Onfray, justifiait une nouvelle polémique Houellebecq. Et je n’ai pas trouvé grand-chose de neuf. La réponse tient moins à ce qu’il dit et pense qu’à son statut de romancier-vedette, que la classe intellectuelle française admire tout en cherchant le plus possible à garder ses distances. Houellebecq est le diable que l’on garde sur son étagère, bien en vue, sans vouloir admettre que l’une des raisons de son succès est de rouvrir, chaque année, de douloureuses plaies françaises.

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Houellebecq résonne dans une France qui a peur. Tout comme lui. L’auteur des «Particules élémentaires» n’aime pas les hommes et encore moins les femmes. Il redoute donc tout ce qui peut, à un moment donné, les mettre en marche et leur donner un cap. Houellebecq est l’anti Albert Camus. Ce dernier était un réaliste torturé par l’espoir. Un romancier qui refusait l’impasse dans laquelle il plaçait ses personnages, à commencer par Meursault, le meurtrier de «L’Etranger».

Le désespoir, ce moteur

«Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou», affirmait Albert Camus. Houellebecq, lui, désespère de tout. Il s’est construit contre ceux qui l’entourent et le portent aux nues. Son goût de la science-fiction vient de là. Lui est devant. Les autres suivent.

Houellebecq se croit sur le pont du Titanic. Il pense écrire alors que le navire France fait naufrage. Au pays, aux Français, aux musulmans et à tous les autres, de lui démontrer que sa ligne de flottaison n’est pas irrémédiablement atteinte.

A lire: «Front Populaire». La revue de tous les souverainistes.


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