Après la condamnation de son père
Sarah Briguet, entre soulagement et frustration

Après des décennies de souffrance, Sarah Briguet a enfin vu son père être condamné pour des actes sexuels avec enfants. Son prochain combat, l'imprescriptibilité de l'inceste, est loin d'être gagné.
Publié: 30.05.2021 à 16:26 heures
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Dernière mise à jour: 01.06.2021 à 07:59 heures
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Nous le révélions la semaine dernière: le père de l'ex-Miss Suisse a été reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants. L'homme est condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, avec sursis pendant trois ans.

Un verdict qui tombe quelques mois après le témoignage de Sarah Briguet dans «L'illustré». En février, la Valaisanne confiait avoir été abusée par son père durant son enfance. Ces faits étant prescrits depuis 1995, l'homme a été condamné pour des actes commis sur un autre proche.

Dans une ordonnance pénale rendue le 18 mai, le Ministère public valaisan indique toutefois que «les investigations menées ont aussi permis de fonder de graves soupçons d'abus sexuels par le père de Sarah Briguet sur sa fille».

Abusée par son père, elle s'engage contre l'inceste
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Story:Abusée par son père, elle s'engage contre l'inceste

Le début de la guérison

Aux yeux de l'ancienne reine de beauté, cette phrase est capitale, puisqu'elle reconnaît ses souffrances. Sarah Briguet peut donc se consacrer à son prochain combat: se battre pour toutes les victimes d'inceste, surtout celles qui n'ont pas eu sa «chance» et ont subi la prescription.

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Vers un combat politique

De la justice, le combat passe dans l'arène politique: la Sierroise aimerait voir disparaître toute notion de prescription pour des faits d'inceste. Une cause pour laquelle elle comptait initialement sur le soutien de Mathias Reynard. Or, avec le départ de l'ex-conseiller national à l'exécutif valaisan, Sarah Briguet a perdu un allié précieux.

Le Saviésan a bien tenté de «transmettre le bébé» à une collègue socialiste, la Genevoise Laurence Fehlmann-Rielle, mais celle-ci a douché les espoirs de l'ex-Miss Suisse. «Je ne suis pas convaincue de la pertinence d'introduire l'imprescriptibilité pour des faits autres que ceux qui sont déjà prévus dans le code pénal. Même pour des cas graves comme les actes sexuels commis sur des enfants», lui a écrit la conseillère nationale genevoise, en accord avec la délégation socialiste à la commission des affaires juridiques.

«La société évolue»

Laurence Fehlmann-Rielle avance deux arguments: malgré les progrès de la technologie et de l'ADN, il est très difficile de retrouver des preuves lorsque des décennies se sont écoulées. Ensuite, poursuit la socialiste, «il y a aussi l'évolution de la société: on peut juger différemment un cas 40 ans après le délit.»

Pour étayer sa position, la Genevoise se réfère à une initiative cantonale de Saint-Gall, qui demandait l'imprescriptibilité pour les crimes les plus graves. Les commissions juridiques du National et des États ont récemment refusé d'y donner suite.

«Que fait-on des victimes?»

L'horizon semble donc bouché pour le combat de Sarah Briguet. Qui s'irrite de cet immobilisme: «Que fait-on des victimes?» Ce mercredi, la cause pourrait un peu avancer avec un débat sur l'harmonisation des peines au Conseil national. S'il ne comprend pas l'imprescriptibilité, il pourrait faire évoluer le cadre légal.

À noter que l'inceste est évoqué dans deux objets non encore traités déposés ce printemps par la Vaudoise Léonore Porchet (Les Verts) à ce même Conseil national: une motion pour supprimer la notion de «séduction» dans l'article 213 du Code pénal (lire ci-dessous) et une interpellation pour connaître le nombre de violences sexuelles commises sur mineurs au sein de la famille et dans un «cercle de confiance».

Si elle venait à ne pas trouver d'allié politique, Sarah Briguet assure à Blick être prête à lancer une initiative populaire.

Inceste: que dit la loi?

La Suisse avait fait les gros titres dans le monde en 2010: une proposition de révision du Code pénal envisageait la levée de l’interdiction de l'inceste. Le Conseil national estimait alors que l’inceste était un interdit «social» tel qu’il n’était pas utile de le réguler dans les textes de loi.

L’article 213, qui régit cette thématique, n’a finalement pas disparu. Il continue de condamner tout acte sexuel commis dans le cercle familial (ascendants et descendants), même s’il n’y a pas de lien de sang comme dans le cadre d’une deuxième union par exemple.

Contrairement à certains pays voisins, la Suisse reconnaît donc l’inceste comme une infraction spécifique, sanctionnée d’une peine d’emprisonnement allant de trois jours à trois ans.

Il peut y avoir des facteurs aggravants: s’il y a de la force ou de la violence, les relations peuvent être qualifiées de contrainte sexuelle ou de viol, avec des peines jusqu’à dix ans. Si un enfant de moins de 16 ans est impliqué, cela entre sous le coup des infractions contre l'intégrité sexuelle.

La Suisse avait fait les gros titres dans le monde en 2010: une proposition de révision du Code pénal envisageait la levée de l’interdiction de l'inceste. Le Conseil national estimait alors que l’inceste était un interdit «social» tel qu’il n’était pas utile de le réguler dans les textes de loi.

L’article 213, qui régit cette thématique, n’a finalement pas disparu. Il continue de condamner tout acte sexuel commis dans le cercle familial (ascendants et descendants), même s’il n’y a pas de lien de sang comme dans le cadre d’une deuxième union par exemple.

Contrairement à certains pays voisins, la Suisse reconnaît donc l’inceste comme une infraction spécifique, sanctionnée d’une peine d’emprisonnement allant de trois jours à trois ans.

Il peut y avoir des facteurs aggravants: s’il y a de la force ou de la violence, les relations peuvent être qualifiées de contrainte sexuelle ou de viol, avec des peines jusqu’à dix ans. Si un enfant de moins de 16 ans est impliqué, cela entre sous le coup des infractions contre l'intégrité sexuelle.

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