Le délai de mise en oeuvre jugé trop rigide
Les députés rejettent l'initiative sur la responsabilité environnementale

Le Conseil national a rejeté lundi l'initiative des Jeunes Vert-e-s «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires». Le délai de mise en oeuvre de dix ans a été jugé trop rigide.
Publié: 03.06.2024 à 21:29 heures
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ATS Agence télégraphique suisse

Le National a rejeté lundi, par 129 voix contre 60, l'initiative populaire des Jeunes Vert-e-s «pour la responsabilité environnementale». Le texte nuirait à la prospérité de la Suisse. Les Vert-e-s et le PS étaient pour, ou voulaient au moins un contre-projet.

L'initiative «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires» a abouti en février 2023. Elle exige que l'économie suisse, importations comprises, se réinsère dans les limites naturelles terrestres d'ici dix ans. Si elle était acceptée, la Suisse serait tenue de réduire fortement les atteintes à l'environnement causées par la consommation nationale. Cette obligation s'appliquerait notamment au changement climatique, à la perte de la biodiversité, à la consommation d'eau, à l'utilisation du sol et aux apports d'azote et de phosphore.

Personne n'a contesté la nécessité de protéger l'environnement. Mais l'initiative a été tour à tour décrite comme «irresponsable», «irréaliste», «utopique» ou encore «excessive» par le centre-droit. Le texte poursuit un but louable, mais son impact sur l'économie et l'emploi est désastreux, selon Nicolo Paganini (Centre/SG). «Il ne faut pas saper les bases de notre prospérité et envoyer la population dans la pauvreté.» La modification mettrait en danger la compétitivité de la Suisse, qui ferait cavalier seul sur la scène internationale, a ajouté Christine Bulliard-Marbach (Centre/FR) pour la commission.

Le Conseil national a rejeté l'initiative des Jeunes Vert-e-s «pour la responsabilité environnementale» (archives).
Photo: PETER SCHNEIDER

Délai trop rigide

Le délai de mise en œuvre de dix ans a aussi été jugé trop rigide. Alex Farinelli (PLR/TI) a déploré les moyens supplémentaires que l'Etat devrait débourser pour l'écologie, au détriment d'autres domaines. La Suisse fait déjà beaucoup pour protéger l'environnement, d'après Benjamin Roduit (Centre/VS). La co-rapportrice Monika Rüegger (UDC/OW) a rappelé les diverses mesures déjà prises, notamment dans le cadre de la loi sur le CO2 et de la loi sur l'électricité, soumise à votation le 9 juin. Ces projets montrent qu'on peut déjà trouver des solutions concrètes qui obtiennent des majorités, selon M. Paganini.

Et Christian Wasserfallen (PLR/BE) d'estimer que les trois piliers de la durabilité sont l'économie, l'écologie et la société. Le délai mènerait à une perte de capacité d'innovation, alors que c'est justement ce qui est nécessaire pour sortir des énergies fossiles, a souligné Céline Weber (PVL/VD).

Le Conseil fédéral était aussi opposé. Ce délai court imposerait à la Suisse de prendre des mesures réglementaires rigoureuses. Les produits et services destinés au marché suisse seraient soumis à des exigences plus strictes en comparaison de ceux destinés au marché extérieur. La population paierait plus cher ces produits ou verrait son choix restreint, selon le ministre de l'environnement Albert Rösti. Mike Egger (UDC/SG) a lui dénoncé le «monstre bureaucratique» que l'initiative provoquerait. Et Nicolas Kolly (UDC/FR) d'estimer qu'il faut plutôt agir sur l'immigration, qui impacte l'évolution démographique et donc la consommation des ressources.

«Assumer ses responsabilités»

La gauche a poussé pour l'acceptation de l'initiative. Elle a appelé le Parlement à «assumer ses responsabilités», pour que l'économie fonctionne en harmonie avec la nature. Alors que la Suisse connaît le frein à l'endettement économique, «pourquoi ne pourrait-il pas en aller de la même manière pour les ressources naturelles?», s'est demandé Raphaël Mahaim (Vert-e-s/VD).

Les experts du GIEC alertent depuis des années les pays sur le changement climatique, a argué Delphine Klopfenstein (Vert-e-s/GE). «Nous sommes sur une trajectoire dangereuse qui nécessite des mesures immédiates», a-t-elle déclaré, estimant que le délai de dix ans était essentiel «pour éviter d'atteindre un point de non-retour». La Suisse est un pays riche qui a les moyens de tracer un nouveau chemin, d'être un modèle dans la lutte climatique.

Il faut changer de cap le plus rapidement possible «pour que les générations futures puissent vivre dignement», a abondé Christophe Clivaz (Vert-e-s/VS). Martine Docourt (PS/NE) a parlé d'une question de justice.

La gauche voulait au moins un contre-projet direct qui reprenne le texte de l'initiative, mais sans aucun délai de mise en œuvre contraignant. Jon Pult (PS/GR) a plaidé pour une solution constructive, parlant de pragmatisme et de Realpolitik. «Au lieu de se moquer de l'initiative, on peut faire un pas dans cette direction.» Tout comme le Conseil fédéral, le National n'a pas voulu d'un contre-projet. Le dossier part au Conseil des Etats.

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