Attaquée de toute part
L’Allemagne complice des «actes de génocide» commis à Gaza?

Le Nicaragua a déposé une requête devant la Cour internationale de justice pour demander un embargo sur les ventes d'armes allemandes à l’Etat hébreu, relançant le débat houleux sur la fourniture d’armes à Israël.
Publié: 09.04.2024 à 12:25 heures
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Dernière mise à jour: 09.04.2024 à 13:13 heures
Laurent Barbe

Après l’Afrique du Sud qui, en janvier, accusait Israël de commettre un génocide contre les Palestiniens de l’enclave, c'est au tour du Nicaragua de pointer l’Allemagne du doigt. Cette dernière est accusée de livrer à Israël des armes et du matériel militaire utilisés «pour des actes de génocide», a fait savoir «Le Monde».

Le petit pays d'Amérique centrale a déposé une requête le 15 mars devant la Cour internationale de justice (CIJ). Les avocats du Nicaragua y ont soutenu que l'Allemagne viole la Convention des Nations Unies sur le génocide de 1948, établie à la suite de l'Holocauste, en fournissant des armes à Israël.

Deux audiences étaient prévues lundi 8 et mardi 9 avril. Les avocats du Nicaragua demandent notamment aux juges d’ordonner à l’Allemagne de «suspendre immédiatement son aide à Israël, en particulier son assistance militaire», de s’assurer que les armes déjà livrées ne seront pas utilisées pour commettre des crimes de guerre et de reprendre le financement de l’UNRWA, l’agence des Nations unies chargée de la logistique dans l’enclave occupée. Car il y a « urgence », plaide le Nicaragua dans sa requête.

Les avocats du Nicaragua ont déposé une requête devant la Cour internationale de justice (CIJ). Ils soutiennent que l'Allemagne viole la Convention des Nations Unies sur le génocide de 1948, établie à la suite de l'Holocauste, en fournissant des armes à Israël.

La sécurité d'Israël est «au cœur» de la politique étrangère allemande, dit Berlin

«La sécurité d'Israël est au cœur de la politique étrangère allemande» et l'Allemagne «rejette fermement» les accusations portées par le Nicaragua, a déclaré mardi l'avocate Tania von Uslar-Gleichen, parlant au nom de l'Allemagne devant la plus haute juridiction de l'ONU. "L'action de l'Allemagne dans ce conflit est fermement ancrée dans le droit international", a-t-elle insisté.

L’Allemagne est le deuxième fournisseur d’armes à Israël, derrière les Etats-Unis, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Mais Managua n’a pas enclenché de procédure contre Washington, car les Etats-Unis ont en quelque sorte organisé leur impunité par une série d’obstacles juridiques, qui rendent plus difficiles les procédures contre eux devant la CIJ.

En 2023, Berlin a livré 47 % des armes conventionnelles importées par Israël. Et, selon un rapport publié le 2 avril par Forensis, une ONG berlinoise, le ministère fédéral de la coopération économique et du développement a validé 308 licences individuelles d’exportation d’armes et d’équipements militaires, pour la seule année 2023, d’une valeur totale de plus de 326 millions d’euros, dont 185 ont été autorisées entre le 7 octobre et le 2 novembre.

Vers un embargo sur les armes à destination d’Israël?

La requête du Nicaragua devant la Cour s'inscrit dans le cadre d'une mobilisation en faveur d’un embargo sur les armes à destination d’Israël, amplifiée à la suite des tirs contre un convoi de l’ONG World Central Kitchen dans le nord de la bande de Gaza. Sept humanitaires avaient perdu la vie.

La Belgique, l’Espagne, le Japon, le Canada, et les Pays-Bas ont ainsi annoncé la suspension de leurs livraisons à Israël depuis le 7 octobre. De son côté, Paris a affirmé que la France ne livrait pas d’armements létaux à Israël.

Quant aux Etats-Unis, une quarantaine de parlementaires démocrates ont demandé vendredi à Joe Biden de stopper toute livraison d’armes à Israël jusqu’à la conclusion d’une enquête complète sur la mort des sept humanitaires.

«Israël doit réagir» et l'Allemagne doit faire face à son passé

Après des mois de discussions, le Congrès américain débat toujours sur un financement des armes à Israël. Joe Biden est sous pression, car le Traité international sur le commerce des armes interdit tout transfert par un Etat «s’il a connaissance que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des conventions de Genève de 1949 (…) ou d’autres crimes de guerre».

Ainsi, s'il admet que les Etats amis d’Israël puissent soutenir « une réaction appropriée à l'attaque [du 7 octobre par le Hamas], le Nicaragua rappelle que «cela ne peut être une excuse pour agir en violation du droit international».

En visite en Israël quelques jours après le début de la procédure enclenchée par le Nicaragua, la ministre des affaires étrangères d’Allemagne, Annalena Baerbock a déclaré de son côté: «En tant que signataire de la convention de Genève, l’Allemagne est obligée de rappeler à toutes les parties leur obligation de respecter le droit international humanitaire.»

L'affaire fait en tout cas resurgir le passé compliqué de l'Allemagne, déjà dénoncée pour son soutien à la politique d’apartheid et au refus du droit à l’autodétermination des Palestiniens.

(avec l'ATS)

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