Bataille politique
Joachim Son-Forget repart à l'assaut des urnes françaises de Suisse

Député sortant des français de Suisse, Joachim Son-Forget sait que la bataille des législatives sera trés compliquée pour lui. Mais il veut la mener sabre au clair contre ses adversaires.
Publié: 23.05.2022 à 14:30 heures
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Dernière mise à jour: 17.06.2022 à 16:56 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

La Suisse et le Liechtenstein sont le théâtre d’une bataille politique tricolore qui résonne jusqu’à l’Elysée. Dès le 27 mai, par internet s’ils le veulent (le vote électronique est accordé aux électeurs hors de métropole), les 148’000 Français inscrits dans la sixième circonscription des Français de l’étranger vont en effet, par leur vote, arbitrer une lutte politique emblématique.

En lice, comme nous l’avons déjà raconté dans nos colonnes: le candidat macronien Marc Ferracci, ami proche du président français et parachuté depuis l’hexagone, confronté à trois personnalités ancrées en Suisse: Régine Mazloum-Martin pour les Républicains (droite), Magali Mangin pour la Nouvelle Union populaire (gauche) et Philippe Tissot pour le parti Reconquête d’Eric Zemmour. Ces quatre candidats auront onze autres adversaires, puisque quinze déclarations de candidatures ont été enregistrées vendredi 20 mai à minuit (dernier délai légal) pour cette circonscription. Mais le «buzz» sera surtout assuré par le fantasque député sortant Joachim Son-Forget, qui a finalement décidé de se représenter… Et de passer à l’attaque.

Des candidats sur le terrain

Tous les candidats, cette semaine, seront sur le terrain. Régine Mazloum-Martin entame ainsi dès ce lundi une tournée des «cafés politiques» qui la mènera dans les principales villes de Suisse. Elle organise aussi, ce lundi à 18h30, une rencontre à distance via Zoom avec l’ex négociateur européen du Brexit Michel Barnier, candidat battu à la primaire présidentielle de la droite. «Je suis genevoise, élue de Thônex, enracinée dans la vie locale, très impliquée dans les deux cantons où se trouvent l’essentiel des électeurs: Vaud et Genève» plaide cette économiste soutenue par l’ancienne députée Claudine Schmid (droite). Philippe Tissot, entrepreneur basé à Lutry (VD) et spécialiste des question de sécurité, commencera lui sa tournée à Neuchâtel. Mais coté spectacle, mieux vaut regarder du côté de Joachim Son-Forget. Élu récemment conseiller consulaire, le député sortant, ex-macronien devenu indépendant puis rallié un temps à Eric Zemmour (il était à ses côtés lors de son premier meeting à Villepinte), promet de «dire les vérités cachées» durant cette courte campagne électorale.

«Je me suis battu durant mon mandat»

Des vérités cachées? «Je ne prétends pas, comme Marc Ferracci, avoir l’accès direct à Emmanuel Macron car cet accès, je l’ai! J’ai été en 2017 très impliqué dans le financement de la campagne présidentielle. Je n’ai pas été, moi, conseiller technique dans un ministère pendant cinq ans. Je ne me prépare pas, comme Marc Ferracci, à quitter ma circonscription sitôt élu pour me faire nommer Ministre du travail. J’ai travaillé durant mes cinq années de mandat en étroite relation avec le Chef de l’État, dont je connais les amis proches en Suisse. La suppléante de Marc Ferracci, Marie-Ange Rousselot, a d’ailleurs été ma première assistante parlementaire. Je connais aussi Mme Mazloum, figure respectée de la bonne société genevoise, mais bien éloignée des enjeux politiques nationaux. Oublie-t-on la défaite cinglante de Valérie Pécresse à la présidentielle? Que veut-on? Moi, je me suis battu durant mon mandat législatif. J’ai obtenu 18% des voix lorsque je me suis présenté à la direction de «La République en marche» en 2018. J’ai pris des risques, y compris récemment lors de mon voyage très commenté en Ukraine. J’ai bataillé et obtenu en 2019 l’exonération fiscale de la CSG et de la CRDS pour les Français de Suisse et du Liechtenstein. C’est très concret. Mon parcours peut être critiqué, mais j’ai un bilan. Et j’ai choisi de le défendre!»

Radiologie et imagerie médicale

Difficile de ne pas sourire. A Paris, le parcours politique erratique de Joachim Son-Forget l’a marginalisé. Sa présence sur le plateau de l’animateur Cyril Hanouna l’a discrédité. En comparaison, les profils de Marc Ferracci, témoin au mariage du couple Macron et expert en relations sociales, celui de Régine Mazloum-Martin, épouse d’un banquier genevois, apparaissent bien plus sérieux. Philippe Tissot, candidat de «Reconquête» se voit pour sa part comme le «seul porteur d’un vrai projet de renaissance à droite». Il met en avant ses anciennes fonctions de conseiller pour le commerce extérieur de la France. Loin des initiatives parfois déroutantes du radiologue de 39 ans, projeté sur le devant de la scène en 2017 par le comité des investitures de «La République en marche» dont il fut l’un des pionniers en Helvétie.

Le goût de la politique explosive

Sauf que Joachim Son-Forget, claveciniste accompli et fin connaisseur du Kosovo, a le goût de la politique explosive. C’est en partie à lui que l’ancien ministre Benjamin Griveaux doit d’avoir vu circuler sur Twitter en juin 2020 la vidéo sexuelle qui lui a coûté sa carrière. Le député sortant affirme aujourd’hui qu’il était prêt à ne pas se représenter, mais qu’affronter les électeurs s’est imposé comme «une question d’honneur». Il mise sur une campagne «dynamique» sur les réseaux sociaux et par internet. Il se présente comme un libéral convaincu, très inquiet des dérives en matière de bioéthique. Il reconnaît avoir eu des liens avec Alexandre Benalla, l’ex collaborateur d’Emmanuel Macron à l’origine de l’un des premiers scandales du quinquennat. Mais la page est tournée: «On ne se parle plus» avoue-t-il.

Authenticité et excentricité

Mieux: Joachim Son-Forget, dont l’épouse vit à Genève avec leurs deux enfants, affirme avoir prouvé «qu’il est un homme libre, et surtout un libéral, pas un soutier de l’extrême-droite». Il affirme avoir rompu avec Eric Zemmour pour cela. Authenticité et excentricité: il n’a jamais quitté la Suisse. Il envisage de s’installer en Valais. Il poursuit ses activités dans l’imagerie médicale. Sérieux? Non pour la candidate «Les Républicains» qui mise sur le conservatisme de la communauté française. «Son élection de 2017 était en fait… celle d’Emmanuel Macron. Il a été porté par la vague. Aujourd’hui, les électeurs français de Suisse méritent un porte-parole qui défende des valeurs et serve de trait d’union entre la République et la Confédération». «Les Français de Suisse ont besoin de compétences, pas d’un trublion» poursuit Philippe Tissot.

Trait-d’union ou trublion? Le fantôme de 2017 plane quand même au-dessus des urnes: il y a cinq ans, l’inconnu Son-Forget avait été triomphalement élu avec plus de 75% des voix. De quoi lui faire garder (un peu) confiance pour partir à l’assaut des urnes.

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