«Beaucoup de disparus»
Les troupes de Poutine ont enlevé 80 enfants avant de quitter Izioum

Quelques jours après la libération de la ville du Donbass d'Izioum, l'ampleur des crimes russes sur place fait froid dans le dos. Il ne reste que peu d'espoir pour les enfants enlevés.
Publié: 17.09.2022 à 10:24 heures
Samuel Schumacher

Les occupants russes ont fui la ville d’Izioum dans le Donbass après une attaque éclair des troupes ukrainiennes. Mais ils ne sont pas partis les mains vides: ils ont kidnappé des enfants.

«Il y a une semaine, les soldats russes ont enlevé 80 de nos enfants et les ont emmenés dans un camp à Guelendjik (une ville du sud de la Russie, ndlr)», raconte Valeri Martchenko, le maire d’Izioum, au premier jour après la libération de sa ville. «Il est impossible de les faire revenir de là-bas.»

Le journaliste et traducteur ukrainien Yevhen Semekjin, avec lequel Blick travaille en Ukraine, a rencontré Valeri Martchenko devant la mairie très endommagée, un jour seulement après la libération de la ville. Le journaliste ukrainien a été l’un des tout premiers étrangers à se rendre à Izioum après la fuite des occupants russes et à pouvoir parler sur place avec les survivants. Pendant un mois entier, les troupes de Vladimir Poutine ont occupé la ville qui comptait autrefois près de 50’000 habitants.

Des enfants ukrainiens de la région de Kharkiv arrivent dans un centre d'accueil à Belgorod, en Russie.
Photo: keystone-sda.ch
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Enlevés et donnés en adoption en Sibérie

Les crimes que les Russes ont commis contre la population locale pendant leur occupation restent encore à démontrer, précise le maire Valeri Martchenko. «Il y a eu de nombreux cas d’enlèvements. Beaucoup de gens ont tout simplement disparu, beaucoup ont été torturés.» Ils auraient été jetés dans une cellule, violés et battus. «Plusieurs des personnes torturées qui ont survécu au supplice se sont ensuite suicidées parce qu’elles n’en pouvaient tout simplement plus.» Mais certains auraient survécu et seraient désormais soignés dans des hôpitaux. «Ils pourront témoigner plus tard contre les criminels», espère le maire.

Il y a peu d’espoir en revanche pour les enfants enlevés. Les agissements des militaires russes avec les mineurs ont été révélés très tôt au début de la guerre. Selon des données ukrainiennes, les troupes de Vladimir Poutine ont enlevé plus de 1000 enfants rien que dans la ville, complètement détruite depuis, de Marioupol. Ils auraient ainsi été adoptés en Sibérie.

Trois cents autres enfants seraient détenus dans un «camp spécial» dans la ville de Krasnodar, au sud de la Russie, a déclaré en août le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba. Moscou n’a pas réagi à un appel du gouvernement ukrainien demandant le retour immédiat des enfants en Ukraine.

De l’argent pour ceux qui acceptent le lavage de cerveau

Yevhen Semekjin, a trouvé lors de sa visite à Izioum libérée des documents montrant ce que les Russes avaient l’intention de faire avec la progéniture restée sur place: «Je suis allé à la mairie et j’y ai découvert un document qui énumère en détail comment les Russes voulaient laver le cerveau des élèves de première année à partir de la nouvelle année scolaire», raconte le maire. Selon le document que Blick s’est procuré, 23 écoles russes auraient dû ouvrir leurs portes à Izioum à la rentrée scolaire de cet automne. Une certaine somme d’argent devait être versée aux parents qui auraient volontairement envoyé leurs enfants dans les écoles de propagande russe.

Valeri Martchenko, déclare à ce sujet: «Les préparatifs allaient bon train. Ils ont retiré tous les livres ukrainiens de nos écoles et les ont remplacés par de la littérature russe. Désormais leur tentative ne pourra plus aboutir.»

De nombreux fugitifs se seraient déjà manifestés auprès de lui et de ses collaborateurs, désireux de retourner dans la ville libérée – malgré toutes les destructions. L’armée doit d’abord sécuriser correctement la zone, raconte Valeri Martchenko. «Le commandant des troupes ukrainiennes ici m’a toutefois dit que nous pourrions commencer à rentrer d’ici une semaine.» Le nombre de disparus ne pourra être connu qu’après le retour des habitants à Izioum

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