Boycott... seulement en théorie
La plupart des entreprises continuent de faire des affaires en Russie

L'économie russe n'est pas si isolée. Neuf entreprises sur dix de l'Union européenne et du G7 continuent d'être actives en Russie et d'y investir. C'est ce que montre une étude de l'Université de Saint-Gall.
Publié: 19.01.2023 à 17:21 heures
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Dernière mise à jour: 19.01.2023 à 17:23 heures
Jean-Claude Raemy

En réaction à l'invasion de l'Ukraine en février 2022, les pays du G7 et de l'Union européenne (UE) ont rapidement imposé des sanctions sévères à la Russie. Les gouvernements, les ONGs et de nombreux médias ont mis les entreprises sous pression pour qu'elles quittent la Russie et y cessent leurs activités.

Un an après le début de la guerre, quelle est la situation dans ce domaine? Du point de vue des partisans des sanctions, c'est décevant. Une étude de l'Université de Saint-Gall montre que les entreprises occidentales ne se retirent que très peu de Russie. Neuf entreprises sur dix parmi celles étudiées continuent à y faire des affaires.

Peu de retraits malgré les sanctions

Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, 2405 filiales de 1404 entreprises de l'UE et du G7 étaient actives en Russie. Fin novembre 2022, à peine 8,5% de ces entreprises avaient fermé au moins une filiale en Russie. Ces taux n'ont guère évolué depuis.

De vastes données montrent qu'un grand nombre d'entreprises ayant leur siège social dans l'Union européenne (UE) et dans les pays du G7 continuent d'opérer et d'investir en Russie.
Photo: keystone-sda.ch
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Interrogé par Blick, le coauteur de l'étude, Simon Evenett, confirme que ce chiffre inclut tous les retraits, qu'ils aient été imposés par des sanctions ou non. «Le fait que le pourcentage de retraits effectués soit si bas est remarquable», dit le chercheur.

C'est encore plus marquant si l'on y regarde de plus près: sur un total de 114 entreprises du G7 et de l'UE ayant des filiales russes et actives dans les secteurs des matières premières et de l'agriculture, seules 9 ont quitté la Russie. Cela signifie que le taux de sorties conclues dans les secteurs sensibles des matières premières est de 7,9%, ce qui est même inférieur à la moyenne de 8,5%. Les matières premières sont pourtant au cœur des sanctions contre la Russie.

Les entreprises avec plus d'employés partent davantage

Les cessations d'activité confirmées par des entreprises de l'UE et du G7 ayant des participations en Russie représentent 6,5% du bénéfice total avant impôts de toutes les entreprises étudiées. Pour son étude, Simon Evenett s'est appuyé sur des informations provenant de la célèbre base de données Orbis.

Les résultats de l'étude indiquent que les entreprises qui se sont retirées avaient en moyenne une rentabilité plus faible, mais un effectif plus important. Selon Simon Evenett, cela pourrait avoir contribué à ce qu'elles soient davantage soumises à la pression du public.

L'Europe fait moins bien que les États-Unis

Or, ce sont justement les entreprises européennes qui ne se sont guère retirées de Russie. Les entreprises basées aux États-Unis ou au Japon ont mis plus rapidement terme à leurs business avec le pays. Les résultats indiquent cependant que moins de 18% des filiales étasuniennes ont été effectivement vendues. C'est le cas pour 15% des entreprises japonaises et seulement 8,3% des entreprises de l'UE.

Parmi les entreprises occidentales restées en Russie, 19,5% sont des multinationales allemandes, 12,4% sont basées aux États-Unis et 7% au Japon. «Ces résultats remettent en question la volonté des entreprises occidentales de se détacher d'économies que les gouvernements de leurs pays d'origine considèrent désormais comme des rivaux géopolitiques», conclut Simon Evenett. Selon lui, les résultats de l'étude constituent une «mise à l'épreuve de la réalité» pour l'hypothèse selon laquelle les préoccupations de sécurité nationale et les considérations géopolitiques conduisent à un recul fondamental de la mondialisation.

Qu'en est-il de la Suisse?

Les entreprises helvétiques n'apparaissent pas dans l'étude, comme celles d'Australie, de Nouvelle-Zélande, de Norvège ou de Singapour - toutes des nations industrielles importantes, mais qui ne font pas partie du G7 ou de l'UE. Selon Simon Evenett, l'étude s'est concentrée sur les entreprises du G7 et de l'UE «parce que les gouvernements concernés ont pris les devants en imposant des sanctions à la Russie.»

Ces pays représentent en outre une très grande partie de toutes les entreprises occidentales actives en Russie. «Nous pensons donc avoir saisi les événements de manière adéquate», conclut le chercheur. Une analyse identique est d'ailleurs actuellement menée pour les entreprises suisses.


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