Comment l'Ukrainien Slava Banik veut faire tomber Poutine
«Ce sera la première cyberguerre de la planète»

Slava Banik est le patron officieux de l'armée ukrainienne de l'informatique. Il veut que la vie en Russie devienne «vraiment désagréable». Il nous explique comment travaillent ses troupes de volontaires - et comment fonctionne le «service secret civil».
Publié: 22.01.2023 à 09:02 heures
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Dernière mise à jour: 22.01.2023 à 09:23 heures
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Samuel Schumacher

Les attaques de son armée touchent la Russie loin derrière la ligne de front. Sa grande offensive vise directement le peuple de l'empire de Vladimir Poutine: Slava Banik, 32 ans, développeur en chef au Ministère de la transformation numérique, est le patron officieux des hackers de l'Ukraine. Les plus de 300'000 volontaires de l'IT Army of Ukraine n'écoutent certes pas directement ses ordres. Mais les conseils et les outils du bureau du hacker rendent leur combat possible.

Dans la guerre en Ukraine, les combats ne se déroulent pas seulement à Bakhmout et autour de Kherson, mais aussi dans l'espace informatique. «C'est la première cyberguerre de l'histoire de cette planète», dit Slava Banik. Depuis une cafétéria de Davos (GR), il nous parle de sa mission: «La vie en Russie doit devenir vraiment désagréable. Le peuple russe doit ressentir la guerre et ne pas penser qu'il s'en sortira indemne», explique le jeune homme au sweat-shirt noir.

En 2019, l'ancien entrepreneur en marketing numérique a rejoint le nouveau Ministère de la transformation numérique. Son objectif: supprimer la bureaucratie en Ukraine et rendre accessibles en quelques clics toutes les obligations et tous les services de l'État - du dépôt de la déclaration d'impôts à la création d'entreprise en passant par les mariages.

Slava Banik et son équipe ont créé l'IT Army of Ukraine.
Photo: Samuel Schumacher
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La moitié du monde participe au piratage

Mais la guerre est arrivée et a tout chamboulé. «Il n'y a guère de pays où l'on trouve autant de spécialistes en informatique qu'en Ukraine», explique Slava Banik. Son équipe a reconnu leur potentiel et a lancé l'IT Army of Ukraine. Depuis, des centaines de milliers de volontaires anonymes ont rejoint la cyberarmée et combattent 24 heures sur 24 Vladimir Poutine et ses sbires depuis leurs salons froids et leurs abris antiatomiques. Des groupes similaires existent bien sûr aussi du côté russe. Mais leurs attaques sont jusqu'à présent moins violentes que ce que Kiev craignait encore au début de la guerre.

Les attaques par déni de service distribué (DDoS) se sont révélées particulièrement efficaces pour la cyberarmée. Les utilisateurs d'ordinateurs inondent massivement un site Web donné avec des demandes d'accès jusqu'à ce que le système soit surchargé et tombe en panne. Les Ukrainiens ne sont pas les seuls à participer à ces attaques. Le compte Telegram anglophone de l'armée, par lequel s'organisent tous ceux qui ne parlent pas ukrainien, a presque autant de followers que le compte original.

Ils ont même piraté le site de Poutine

Les soldats du web ont notamment pris pour cible des entreprises et des institutions russes. Cette semaine, ils ont par exemple paralysé une partie de la Banque régionale de développement russe et empêché ses clients de payer avec leurs cartes bancaires. Trois jours après le début de la guerre, ils ont même réussi à pirater brièvement le site officiel de Vladimir Poutine. «Tout est sous attaque.» Lorsque Slava Banik sourit, son appareil dentaire argenté brille dans la lumière crue de la cafétéria. Et pour lui, les raisons de sourire ne manquent pas.

Ce n'est que récemment que les pirates de l'armée de l'information ont réussi à faire tomber le Youtube russe, «Rutube». Ils attaquent régulièrement avec succès des portails d'information et des chaînes de télévision pour y diffuser des informations pro-ukrainiennes. «Beaucoup trop de Russes soutiennent cette guerre. Ils doivent donc aussi la ressentir», dit l'homme. La réflexion est la suivante: si le peuple bouillonne de colère, Vladimir Poutine ne pourra pas se maintenir. Il y a alors des chances de paix.

Comment fonctionne le «service secret civil»?

Mais les attaques de hackers ne sont qu'un côté de la guerre numérique par laquelle l'Ukraine veut faire céder la Russie. Ce qui pourrait être le premier «service secret civil» de l'histoire de l'humanité prend forme, explique Slava Banik. Grâce à l'application «eBopor» (ennemi numérique), chacun peut signaler des observations suspectes en Ukraine: s'il voit des positions russes quelque part, s'il aperçoit un avion de chasse de Vladimir Poutine ou s'il observe quelque chose d'étrange.

«C'est le jackpot», dit-il. 450'000 messages seraient déjà arrivés depuis le début de la guerre - de manière anonyme et à la vitesse de l'éclair. «Chaque message est examiné par une équipe de spécialistes, puis transmis directement à l'armée, explique le hacker en chef. Un tel outil aurait sans doute pu décider plus tôt de bien des guerres.»

Et que se passera-t-il lorsque la guerre sera terminée? Les combattantes et les combattants de l'armée informatique respecteront-ils un éventuel accord de paix? «Nous verrons à ce moment-là, lance Slava Banik. Il faut d'abord que nous gagnions, sinon tous nos jolis outils numériques n'auront servi à rien.»


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