Commentaire de Richard Werly
Migrants: C'est l'Europe qui meurt aussi au large de la Grèce

Le drame qui s'est produit mercredi en mer Ionienne, au large du Péloponnèse, dit le choix que l'Europe n'assume pas: la fermeture de ses frontières entraînera toujours plus de douleur, de morts et de naufrages.
Publié: 16.06.2023 à 18:27 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

L’Europe est un peu morte ce mercredi au large du Péloponnèse. Employer un tel mot pose bien sûr question: ce sont d'abord 79 migrants naufragés qui ont perdu la vie en mer Ionienne, et le macabre décompte final sera sans doute encore plus lourd.

Ouvrons néanmoins les yeux et regardons en face les réalités: plus le continent se ferme aux vagues migratoires en provenance d’Afrique, sans capacités d’accueil organisées et sans opérations coordonnées de sauvetage en mer, plus ces tragédies deviendront récurrentes, sous les caméras embarquées dans les hélicoptères de l’agence Frontex. Et plus la mort de nos principes et de nos valeurs sera scellée. L’accord survenu ces jours-ci entre les ministres de l’Intérieur de l’espace Schengen, Suisse incluse, sur une réforme du droit d’asile ne doit en effet pas faire illusion. C’est un repoussoir gigantesque que les pays européens sont en train de mettre en œuvre. Sans, pour le moment, avoir les moyens ou la volonté d’en éviter les terribles dommages humains collatéraux qui s’annoncent…

La guerre en Ukraine, avec ses légions de morts sur le front, est présentée aujourd’hui comme le principal enjeu humanitaire d’un continent assiégé et agressé par la Russie. Logique. Normal. Incontournable. C’est bien là que se joue en partie l’avenir de l’Union européenne et de nos démocraties. Croire en revanche que la crise migratoire se réglera à coups de barrages, de naufrages, ou de renvois en masse est une redoutable illusion. En Afrique et dans l’ensemble des pays du sud, les images des naufragés entassés sur le bateau de pêche libyen, après y avoir été attirés par des passeurs sans scrupules, nourrissent les pires ressentiments.

79 migrants ont perdu la vie dans un naufrage au large de la Grèce ce mercredi 14 juin.

Une guerre entre blancs

D’un côté, une guerre entre blancs, pour lesquels l’occident et ses alliés puisent dans leurs réserves des milliards de dollars d’équipement militaires. De l’autre, le produit inévitable des guerres civiles sur le continent africain, de la crise climatique et des inégalités nord-sud de moins en moins contrôlées. Impossible d’éviter ce raccourci. Impossible de ne pas apparaître, dans toutes les capitales des pays émergents, comme des donneurs de leçons prêts à sacrifier leurs principes sur l’autel de leur cohésion sociale intérieure. Le choc n’est pas programmé. Il a lieu sous nos yeux.

Le naufrage survenu en mer Ionienne, avec sa litanie d’enfants noyés, n’est pas une tragédie qui aurait pu être évitée. Il fallait s’y attendre. Et d’autres auront malheureusement lieu si une véritable stratégie d’assistance maritime n’est pas mise en place, parallèlement à l’installation de «hots spots» aux frontières extérieures de l’espace Schengen. Les pays européens, dont la Suisse, ont de bonnes raisons de s’inquiéter sur les effets sociaux et politiques dévastateurs d’une immigration incontrôlée. Ils ont absolument tort de penser que les migrants disparaîtront de leur paysage en bâtissant des murs. Sur terre comme dans les mers.

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