De Tina Turner à Paléo
Les mémoires vives du rock'n'roll et de la soul

«Rock my Soul» est signé par Patrice Blanc-Francard, vétéran des radios françaises. «Rockambolesque» est le récit, par Sacha Reins, de sa vie passée à fréquenter tous ceux qui nous ont fait vibrer sur scène. Un coin d'ombre après Paléo? Emportez ces deux livres rock!
Publié: 23.07.2022 à 12:11 heures
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Dernière mise à jour: 23.07.2022 à 12:51 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ces deux livres finiront à coup sûr en playlist sur votre téléphone. Parce qu’ils sont une ode à la musique. Une ode au rock et à la soul, ces deux tsunamis de liberté qui prirent d’assaut presque la planète entière, à partir du milieu des années 1950 en provenance des Etats-Unis.

Patrice Blanc-Francard, l’auteur de «Rock my Soul» (Ed. Calmann Levy) a longtemps officié derrière le micro d’émissions cultes de la radio française. Auteur de «Rockambolesque» (Ed. Les Equateurs), Sacha Reins, coureur d’interviews et de portraits, égrainait ses récits dans les magazines «Best», «Rolling Stones» ou «Rock & Folk». Tous deux ont pénétré, au cours de leur carrière, dans l’intimité de géants musicaux nommés Ray Charles, Michael Jackson, Roger Daltrey des Who, David Bowie ou la diva Aretha Franklin. Lire leurs mémoires, c’est brosser le portrait d’un séisme qui révolutionna tout sur son passage: les mœurs, la manière de penser, les références culturelles, les habitudes vestimentaires... Même l’ex URSS rêvait de rock et de soul music derrière ce rideau de fer que Vladimir Poutine, en 2022, semble s'employer à reconstruire à force de bombes et de missiles envoyés sur l’Ukraine.

James Brown, Otis Redding, Tina Turner, Marvin Gaye, Michael Jackson…

«Rock my Soul» est un voyage historique, culturel, musical, sur les pas de cette soul music venue du sud des Etats-Unis, portée au sommet par les voix de James Brown, Otis Redding, Tina Turner ou Marvin Gaye. Chaque chapitre du récit de Patrice Blanc-Francard nous transporte dans un univers que les vétérans de Paléo ou du Montreux Jazz ont côtoyé sur les bords du Léman, par concerts interposés.

Ici vit encore Tina Turner, née Anna Mae Bullock le 26 novembre 1939 à Brownsville, Tennessee et aujourd’hui… octogénaire réfugiée en Suisse, sur les bords du lac de Zurich. Un ouragan. Un refus obstiné de céder à tout – violences conjugales, pressions familiales, soucis d’argent, drogues – ce qui aurait pu la faire chavirer. «Vous l’avez peut-être remarqué: dans le monde de la musique noire, le happy end hollywoodien est plutôt rare, dans la cité des anges comme ailleurs, écrit l’auteur. Pourtant, l’histoire de Tina fait partie de ces rares exceptions.»

A Paleo, le slam de Grand Corps Malade a rassemblé la foule vendredi 22 juillet. Dans leurs mémoires rock et soul, Patrice Blanc-Francard et Sacha Reins retracent la folie créative des artistes qui ont fait vibrer des générations.
Photo: keystone-sda.ch

L’incroyable château d’Hérouville

«Rockambolesque» prend le parti pris de la rencontre et de l’intime. Sacha Reins ne s’est pas contenté d’interviewer ces monuments très rock'n'roll. Il les a suivis, accompagnés, confessés. Le lire, c’est replonger dans les années de créativité musicale incroyable du château d’Hérouville, en Normandie, transformé en studio et réservé à l’année par les groupes les plus déjantés et mythiques de la planète. Le LSD bombarde les neurones de flamboyances artificielles. L’héroïne coule dans les veines. La cocaïne permet les nuits sans fin. Mort en 1995, Jerry Garcia était l’âme de Grateful Dead. Comme pour beaucoup d’autres de cette génération, la drogue est son instrument. Sous l’effet des stupéfiants, la campagne normande des alentours d’Hérouville devient jungle tropicale et musicale: «Pour le moment, c’est comme si on avait inventé le marteau sans avoir les clous: on ne sait pas trop à quoi ça peut servir», lâche-t-il devant Sacha Reins. C’est comme si j’ouvrais des portes sans cesse, sans vraiment savoir où je vais.»

L’assurance folle de Stevie Wonder

Tous défilent comme sur scène. Aretha Franklin est «Notre Dame de l’incommensurable peine». Solomon Burke est «le révérend, avec sceptre et couronne, dirigeant d’une église sont il clamera haut et fort qu’elle comprenait en l’an 2000 170 missions et 40'000 fidèles». Stevie Wonder est ce gamin aveugle et surdoué de douze ans qui, en entrant chez Motown, annonce à Smokey Robinson que son premier album à lui serait bien meilleur que celui de son aîné… Patrice Blanc-Francard a sans doute été, dans le passé, dans les coulisses du Montreux Jazz. L’histoire qu’il nous raconte est celle dont nous avons, un peu, été témoins.

Sacha Reins offre la version déjantée du même périple. Moins d’histoire avec un grand H. Plus d’anecdotes, de vies déchirées et pulvérisées. Avec lui, nous voici sur les pas de George Michael et de Wham pour leur premier concert en Chine, au début des années 1980. Mais son rock à lui est mâtiné de cinéma et de stars. Ses rendez-vous avec Brad Pitt et Tom Cruise valent leur pesant de riffs et de solos de batterie. «Brad Pitt était grand, admirablement bien foutu, balancé façon nageur olympique, le regard bleu, les traits fins et le sourire sympathique. Ce mec avait tout.» C’est peut-être cela aussi, qu’a produit le rock'n'roll. Cette dégaine qui transforme un cow-boy façon Gary Cooper ou John Wayne, en pistolero lumineux et blessé, des accords déjantés pleins la tête.

«La seule responsabilité que j’ai, c’est sur scène»

Dommage que Mick Jagger et les Stones aient annulé leur concert suisse qui devait avoir lieu à Berne à la fin juin. L’occasion aurait été parfaite pour lui demander si, à 78 ans, sa devise confiée à Sacha Reins tient toujours: «Je n’ai aucune responsabilité vis-à-vis de quiconque. Je n’ai jamais parlé pour une génération, mais seulement en mon nom. Je ne suis pas un homme politique, je n’ai pas été élu pour remplir une fonction ou travailler dans l’intérêt collectif. Les rockers n’ont pas de responsabilité. La seule responsabilité que j’ai, c’est sur scène, vis-à-vis du public […]. Si les Stones ont jamais eu une importance politique, c’est à cause du sexe. Faire campagne pour la liberté sexuelle, dans les années 1960, était un acte politique et c’est quand même lourd à porter.»

Le sexe, un autre en connaissait un rayon sur la question: le barde folk canadien Leonard Cohen. «Il ne pensait qu'à baiser. Comme Prince, Clapton, Bowie ou Jagger, comme toutes les stars du rock qui, à la question «pourquoi avez-vous commencé à faire de la musique?», répondaient: «Pour pouvoir coucher avec plein de filles.» C'était une autre époque. Pour le reste? Ouvrez vos play-lists. Et let’s rock'n'roll!

A lire cet été, avec de la musique plein la tête:

«Rock my Soul» de Patrice Blanc-Francard (Ed. Calmann Levy)
«Rockambolesque» de Sacha Reins (Ed. Equateurs)

Et ici la playlist de Patrice Blanc-Francard sur Deezer

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