Et l'Ukraine? Et les femmes?
Le plus intéressant, c’est ce que Harris n’a pas dit

Dans la nuit de jeudi à vendredi, Kamala Harris a enfin accordé une interview à la journaliste de CNN Dana Bash. Plus que les mots, c'est le silence de la candidate démocrate sur certains sujets qui est éloquent. Voici ce que nous a appris cet entretien en cinq points.
Publié: 30.08.2024 à 09:16 heures
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Dernière mise à jour: 30.08.2024 à 16:40 heures
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Samuel Schumacher

Pendant des mois, Kamala Harris s'est cachée des journalistes, en n'acceptant ni conférences de presse, ni interviews. Dans la nuit de jeudi à vendredi, elle a rompu le silence pendant 27 minutes exactement. Dana Bash, journaliste vedette de CNN, lui a donné toute la place pour parler de son programme.

Si Kamala Harris a su réagir intelligemment aux insultes de Donald Trump (spoiler: il n'a pas du tout trouvé cela drôle), elle a cependant soigneusement évité d'aborder plusieurs sujets sensibles. Voici les cinq conclusions à tirer de cet entretien.

1

Un changement d'opinion inexpliqué sur le fracking

Le fracking, l'extraction de pétrole et de gaz des couches rocheuses profondes, est actuellement un sujet des plus brûlant en Pennsylvanie, le principal «swingstate» de ces élections présidentielles. Le problème pour Kamala Harris, c'est qu'elle a longtemps été contre cette méthode d'extraction controversée, dont dépendent des dizaines de milliers d'emplois en Pennsylvanie. Mais surprise, elle est soudainement pour.

Le silence de Kamala Harris sur certains objets politiques lors de son entretien pour CNN est éloquent. Voici cinq conclusions à tirer de cette interview.
Photo: CNN

Pourquoi ce revirement d'opinion confus, a voulu savoir la journaliste Dana Bash. Réponse insatisfaisante de la candidate démocrate: «Mes valeurs n'ont pas changé.» Elle explique qu'en tant que vice-présidente, elle a appris à faire des compromis. Cela ne fera cependant pas taire les voix critiques en Pennsylvanie. Le sujet risque de continuer à faire couler de l'encre.

2

La migration? Ce n'est pas sa faute!

Trump la qualifie de «tsarine des frontières», Joe Biden la félicite pour ses efforts diplomatiques dans les lieux migratoires importants d'Amérique latine. Kamala Harris adopte pourtant une position très distancée sur le sujet le plus brûlant de la campagne électorale: les problèmes migratoires sont de la faute de Trump!

Kamala Harris, qui a autrefois combattu les cartels de la drogue mexicains en tant que procureure de Californie, a de nouveau fait référence à l'accord migratoire présenté par Biden et elle-même, qui aurait entre autres augmenté le nombre de gardes-frontières et mis à disposition de nouveaux moyens pour la recherche de drogues.

Sur ordre de Trump, les républicains se sont opposés au Parlement. «Trump a empêché le deal parce qu'il savait qu'il lui serait politiquement préjudiciable», a souligné la démocrate. En tant que présidente, elle promet de relancer l'accord qui a échoué.

3

Sa recette contre les insultes de Trump

Trump avait dernièrement remis en question le fait que Kamala Harris soit réellement noire. Selon lui, Kamala Harris s'est toujours présentée comme une Indienne et n'est devenue «que récemment une femme noire», a-t-il raillé.

Interrogée sur ce point, la candidate – fille d'un Jamaïcain et d'une Indienne – a esquissé un sourire et s'est contentée de dire que c'était «la même vieille rengaine. Question suivante, s'il vous plaît.» «C'est tout?», a voulu savoir la présentatrice Dana Bash. «C'est tout.», a conclu Harris.

L'ignorance semble être une stratégie efficace pour énerver Trump! Ce dernier a d'ailleurs réagi avec brusquerie à l'interview sur sa plateforme Truth Social.

4

Silence sur sa féminité, ainsi que la guerre en Ukraine

Ce qui était passionnant lors de cette interview, c'était surtout d'écouter tout ce que Kamala Harris n'a pas dit.

Pas un mot par exemple sur le fait qu'elle serait la première femme à occuper le poste le plus puissant du monde. Tout le contraire d'Hillary Clinton qui, lors de sa campagne électorale de 2016, ne se lassait pas d'évoquer la chance historique que l'Amérique puisse enfin avoir une présidente – avant d'échouer.

Le silence de Kamala Harris à ce propos est sage. Si elle veut accéder à la Maison Blanche en 2024, elle ferait malheureusement bien de ne pas trop rappeler sa féminité ou sa peau noire aux électeurs hésitants.

Le silence de la démocrate sur la guerre en Ukraine a par contre été douloureux. Kamala Harris n'a pas dit un mot sur l'Ukraine, qui ne pourrait survivre que quelques jours sans l'aide américaine. Contrairement à son chef actuel Joe Biden, ce sujet ne semble pas être une priorité pour elle. C'est une mauvaise nouvelle pour Volodymyr Zelensky et pour toute l'Europe, qui ne peut guère se défendre contre la folie de Poutine sans l'aide des Américains.

5

Le message émouvant de Tim Walz à son fils

Le vice-candidat de Kamala Harris, Tim Walz, est resté la plupart du temps assis en silence à côté d'elle en hochant la tête. Mais le chef du gouvernement de l'État du Minnesota a fait mouche. Interrogé sur la vidéo virale de son fils Gus acclamant son père en larmes lors de la convention du parti à Chicago, il a déclaré: «C'était peut-être mon plus beau moment depuis que j'ai été nommé candidat à la vice-présidence.»

La vidéo de Gus a été utilisée par les milieux républicains pour lancer de violentes campagnes de harcèlement contre le jeune homme vu comme prétendument faible. Tim Walz a fait ce qu'aurait fait tout bon père: il a soutenu son garçon de manière inconditionnelle. «Je suis tellement reconnaissant d'avoir pu vivre ce moment. Je suis tellement fier de Gus.» Un message fort à l'attention des moqueries.

Conclusion: Harris devrait se presser

Kamala Harris peut donc bel et bien donner des interviews. Elle devra alors le faire encore de nombreuses fois pour fournir des réponses à toutes les questions en suspens.

Il est peu probable qu'elle gagne de nouveaux électeurs avec ce seul entretien à CNN. Elle en a pourtant bien besoin. Selon les sondages, ses chances de triompher le 5 novembre ne sont plus que de 47 %, soit cinq points de moins que les chances de victoire de Trump.

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