Étape clé à Bruxelles pour Zelensky
Ces promesses européennes peuvent tout changer pour Kiev (si elles sont tenues)

Le président ukrainien l'a répété devant la presse, jeudi à Bruxelles: impossible pour lui de revenir à Kiev les mains vides. Résultat: les dirigeants européens ont redoublé de promesses. Si elles sont tenues, elles changeront le visage du conflit.
Publié: 09.02.2023 à 19:28 heures
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Dernière mise à jour: 14.02.2023 à 16:44 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Bruxelles, salle de presse du Conseil européen, jeudi 9 février vers 13h. Volodymyr Zelensky vient d’achever ses discussions plénières avec les dirigeants des 27 pays membres de l’Union européenne (UE). En trois heures, le président ukrainien s’est d’abord adressé aux 450 millions d’habitants de l’UE, via son discours prononcé devant les eurodéputés, puis à leurs gouvernements.

J’interroge dans les couloirs un proche conseiller de Charles Michel, le président belge du Conseil, à l’origine de cette visite à Bruxelles. Mission accomplie? «La force de conviction Zelensky se mesure lorsqu’on l’a devant soi, lorsqu’il répond aux questions, lorsqu’il explique le combat de l’Ukraine est celui de l’Europe, lâche mon interlocuteur. Alors, oui: mission accomplie. Il repart avec de solides promesses. Si elles sont tenues, elles feront la différence.»

Les mots de bienvenue de Charles Michel:

Le président du Conseil européen, Charles Michel, voulait que Volodymyr Zelensky se rende en personne à Bruxelles pour y rencontrer les dirigeants des 27 et s'exprimer devant le Parlement européen. C'est désormais chose faite.
Photo: Getty Images
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Quelles promesses? Je regarde mon carnet de notes. Charles Michel en a énoncé trois. Promesses sur les approvisionnements militaires. Promesses d’accompagnement de l’Ukraine dans son processus d’adhésion à l’UE. Promesses d’un soutien diplomatique pour défendre un plan de paix inspiré des 10 points du gouvernement ukrainien, dans le respect de la justice.

J’ai vu Volodymyr Zelensky interpeller la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui venait d’évoquer le prochain rapport sur les réformes en Ukraine, prévu au printemps. «Are we going to open a dialogue for Ukraine integration in 2023?» a insisté, en anglais, le président ukrainien. En clair: 2023 peut-elle être l’année charnière qui va tout changer pour l'intégration de l'Ukraine dans l'UE?

Voici ce que j’ai retenu de cette demi-journée historique à Bruxelles, où le chef de l’État d’un pays en guerre contre la Russie est venu demander une nouvelle fois des secours urgents.

La promesse militaire: Oui, les Européens vont livrer des armes lourdes

C’est oui. «Nous sommes convaincus de l’urgence qu’il y a à soutenir militairement» l'Ukraine, a répondu Charles Michel, dont l’entourage m’a redit qu’il a été, voici un an, celui qui a permis les premières livraisons d’armes européennes depuis la création de l’UE. Le 25 et 26 février 2022, c’est Charles Michel, affirment ses conseillers, qui fit le tour des capitales et parvint à convaincre les gouvernements de créer un «pot commun» d’armes et de munitions pour l’Ukraine, financé par l’Union.

Depuis, sept paquets d’aide militaire ont été approuvés dans le cadre, pour un montant de 3,6 milliards d’euros, à travers la facilité européenne pour la paix. Le principe est simple: les gouvernements fournissent les armes et se font rembourser par Bruxelles. L’UE a aussi approuvé en novembre 2022 un plan pour entraîner 15'000 soldats ukrainiens (dont 3000 opérateurs spécialisés dans le maniement d’armes lourdes et sophistiquées) dans différents pays membres.

Quels F16 pour l’Ukraine (si Washington franchit le pas)?

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Oui, ce soutien va donc continuer. Oui, les tanks lourds Léopard 2 (environ 200 exemplaires actuellement rassemblés par la Finlande, ex-pays neutre en voie d’adhésion à l’OTAN) vont arriver, de même que douze canons Caesar supplémentaires promis par la France et des batteries de missiles sol-air franco-italiens Mamba.

Les avions? On voit mal comment l’UE et ses principaux pays membres pourraient dire non. Le Royaume-Uni a annoncé la formation de pilotes. Les Français commencent à faire le décompte de leurs Mirage F1 et Mirage 2000 disponibles. L’OTAN compte ses F16 (l’avion de chasse le plus utilisé et vendu au monde) présents sur le sol européen. Et un nouveau pas a été franchi par les États-Unis début février avec la promesse de livraison de bombes guidées GLSDB, d’une portée maximale de 150 kilomètres.

En clair: la promesse d’armer l’Ukraine a été réitérée à Bruxelles. J’ai entendu que les avions, s’ils sont livrés, n’arriveront pas avant la fin 2023. Mais l’urgence peut tout accélérer.

Mon pronostic: 7/10 pour la livraison rapide d’armement lourd. Et 5/10 pour la livraison d’avions, ce qui est déjà énorme.

Le discours de Zelensky devant le parlement européen:

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La promesse politique: une adhésion ukrainienne de facto accélérée

Les dirigeants européens se sont refusés, à Bruxelles, à employer ces termes. Depuis l’octroi express du statut de candidat à l’Ukraine et à la Moldavie en juin 2022, l’UE s’abrite derrière les sept chapitres de réformes indispensables pour qu’une décision soit prise sur l’intégration du pays à l’Union.

Alors, 2026? 2030? Le président ukrainien a demandé si des clarifications auront lieu fin 2023. Officiellement, la réponse est non. L’UE examinera le rapport produit par ses services, puis donnera un premier avis dans son rapport sur l’élargissement en octobre 2023.

Mais ça va vite. Très vite. «Ils adoptent des lois, ils ont procédé à des arrestations de corrompus, ils sont impressionnants», juge un haut fonctionnaire européen. Je l’accompagne dans l’ascenseur pour la salle du Conseil européen, où les journalistes ne sont pas autorités. Il me montre une liste de nouveaux textes législatifs ukrainiens. «Dès le retour d’une paix crédible, ils enfonceront la porte de l’Union», prédit mon interlocuteur.

«Slava Ukraini» par Ursula von der Leyen:

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La vérité? Zelensky repart de Bruxelles avec les mots qu’il faut pour signifier à son opinion publique que l’adhésion à l’UE sera accélérée. «Nous sommes une famille. Nous avons une vision commune. Nous ponctuons tous nos discours désormais par 'Slava Ukraini' (ndlr: gloire à l’Ukraine), a dit Ursula von der Leyen. «L’Union européenne, c’est l’Ukraine. L’Ukraine, c’est l’Union européenne», a renchéri Charles Michel. «Nous comprenons que vous vous battez non seulement pour vos valeurs, mais aussi pour les nôtres. Pour ces idéaux qui nous lient en tant que sœurs et frères. Qui font de nous, tous, des Européens», avait asséné, le matin, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola. On peut donc parier sur un processus TGV. Si le train ne déraille pas pour d’autres raisons.

Mon pronostic: 8/10 pour une intégration accélérée, d’ici dix ans au maximum.

La promesse diplomatique: sanctions, paix et justice

Volodymyr Zelensky repart de Bruxelles avec trois engagements. Le premier est la confirmation d’un dixième paquet de sanctions contre la Russie, dont le but prioritaire sera d’empêcher le plus possible le pays d’exporter et d’importer tout ce qui peut servir son appareil militaire. Il sera en place pour le 24 février, un an pile après le début de la guerre.

Le président ukrainien a aussi demandé des sanctions contre Rosatom, le géant nucléaire russe dont les personnels contrôlent la centrale ukrainienne de Zaporijia. Autre priorité évoquée par Charles Michel: l’utilisation des biens et fonds russes gelés pour alimenter le budget ukrainien. On s’avance donc bel et bien vers un processus de confiscation.

Une possible paix a-t-elle été sabotée en 2022?

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Deuxième engagement: le soutien au processus de paix ukrainien en dix points présenté en novembre 2022. «Nous n’allons ménager aucun effort. Nous allons livrer la bataille politique et diplomatique. Un sommet pour la paix est notre objectif», a déclaré Charles Michel. Avec un objectif, selon les mots d'Ursula von der Leyen: «La Russie doit payer pour les destructions et les crimes.»

Troisième engagement: la justice. Les dirigeants européens ont confirmé leur soutien à la création d’un tribunal international, même si tout reste flou à ce sujet. Ursula von der Leyen a confirmé qu’un centre est en place à La Haye (PB) pour récolter les preuves des crimes de guerre commis par l’armée russe. «La paix ne se fera pas sans rendre des comptes», a-t-elle déclaré.

Mon pronostic: 10/10 sur le prochain train de sanctions et le début d’un processus de confiscation, 2/10 sur le rôle de médiateur ou de faiseur de paix de l’Union européenne, et 7/10 sur la création rapide d’un tribunal spécial pour les crimes de guerre et le crime d’agression.

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