Karim Asad Ahmad Khan, procureur en chef de La Haye
Voici l'homme derrière le mandat d'arrêt de Poutine

Depuis les massacres de Boutcha, de plus en plus de personnes exigent que Vladimir Poutine réponde de ses actes devant les tribunaux. Un mandat d'arrêt a été prononcé ce vendredi pour enlèvement présumé d'enfants ukrainiens. Un Britannique est à l'origine du document.
Publié: 19.03.2023 à 12:30 heures
Thomas Müller

Depuis son élection au poste de procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, Karim Asad Ahmad Khan est resté dans l’ombre. Mais aujourd’hui, cet avocat des droits de l’homme est plus que jamais sous les feux de la rampe. Le Britannique est à l’origine du mandat d’arrêt émis vendredi contre Vladimir Poutine.

Karim Asad Ahmad Khan a demandé au tribunal d’émettre ce document pour contraindre le chef du Kremlin et la députée russe des droits de l’enfant Maria Alexeïevna Lvova-Belova à passer devant les tribunaux. Leur crime? L’enlèvement présumé d’enfants ukrainiens afin de les faire adopter ou de les éduquer dans des institutions russes.

La Cour a décidé que les preuves étaient suffisantes pour qu’ils soient jugés. «Nous n’hésiterons pas à demander d’autres mandats d’arrêt si les preuves l’exigent», a ajouté Karim Asad Ahmad Khan dans sa déclaration.

Karim Khan dans un foyer ukrainien vide. Les enfants qui y étaient auraient été enlevés.
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Une nomination controversée

Le Britannique semble être la bonne personne pour lutter contre le puissant autocrate. Il a la réputation d’être un bourreau de travail qui ne ménage pas ses efforts. Son entourage le considère comme intelligent et fin stratège.

Fils d’une infirmière britannique et d’un dermatologue d’origine pakistanaise, il est né à Édimbourg, en Écosse, et a étudié au prestigieux King’s College de Londres et à Oxford. Il a ensuite entamé une brillante carrière d’avocat des droits de l’homme. Qui l’a parfois également amené à passer de l’autre côté de la barrière et plaider pour la défense.

Sa nomination au poste de procureur en chef de la CPI n’avait ainsi pas fait l’unanimité. Il a notamment défendu le président du Kenya, William Ruto, dont l’affaire a été classée en 2016. Le dirigeant avait été inculpé en 2011 pour avoir prétendument incité au meurtre, à l’expulsion et à la persécution dans le cadre des troubles qui ont secoué le Kenya en 2007 et 2008. L’affaire s’était accompagnée d’accusations de subornation de témoins, raison pour laquelle plusieurs organisations de défense des droits de l’homme en Afrique s’étaient prononcées contre l’élection de Karim Asad Ahmad Khan.

Vladimir Poutine bientôt jugé?

L’avocat britannique a pris ses fonctions dans une phase difficile. Le tribunal de La Haye était politiquement sous pression de plusieurs côtés. La Russie voulait empêcher les enquêtes en Géorgie et en Crimée, la Chine s’opposait fermement aux enquêtes liées à la situation des Ouïghours. Même les États-Unis avaient retiré leur signature du Statut de Rome, qui est à la base de la CPI, et avaient sanctionné sa prédécesseure, Fatou Bensouda, afin d’empêcher une enquête sur d’éventuels crimes en Afghanistan.

Avec les États-Unis, les tensions semblent s’apaiser peu à peu. Le président américain Joe Biden a salué l’émission du mandat d’arrêt. Mais il en va autrement en Russie. «Le tribunal n’a rien à nous dire: nous n’en sommes pas membres, le mandat d’arrêt est donc nul et non avenu», a-t-on déclaré au Kremlin.

Il est toutefois peu probable que Vladimir Poutine soit jugé dans un avenir proche. La décision est surtout importante sur le plan symbolique, même si elle limite encore plus le président russe dans sa liberté de mouvement. Dans les 123 États membres, il pourrait désormais être arrêté lors d’une visite. Et même si les chances de le contraindre devant la justice sont très minces à l’heure actuelle, il faut rappeler que les crimes de guerre sont imprescriptibles.

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