La tactique de guerre d'Israël passée sous la loupe d'un expert
«Les victimes civiles font partie de la stratégie»

Israël a tué au moins 558 personnes lors d'attaques massives au sud du Liban. Les déclarations de l'armée montrent que derrière cette violence, l'Etat hébreu souhaite contraindre le Hezbollah à négocier. Un expert du Proche-Orient fait le point.
Publié: 24.09.2024 à 19:18 heures
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Dernière mise à jour: 24.09.2024 à 21:41 heures
Les frappes aériennes israéliennes au Liban ont durement touché les populations locales.
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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Janine Enderli
Des victimes cherchent leurs effets personnels après qu'une pharmacie a été frappée par les tirs.
Photo: AFP

Les tensions entre Israël et la milice du Hezbollah au Liban se sont intensifiées ces derniers jours. Au moins 558 personnes – dont 50 enfants – ont été tuées, après des attaques aériennes massives à Beyrouth et dans la plaine de la Bekaa, dont «1300 cibles du Hezbollah» selon les précisions de l'Etat hébreu. Selon ses propres déclarations, Israël prévoit ensuite des attaques de grande envergure dans l'est du Liban.

Derrière ces opérations sanglantes se cacherait apparemment une stratégie sophistiquée, comme le révèle un rapport du site d'information américain «Axios». Le plan: forcer le Hezbollah à s'asseoir à la table des négociations en augmentant le niveau d'escalade. Des fonctionnaires israéliens ont expliqué que la milice pro-iranienne devait être affaiblie, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'autre option que les négociations. Andreas Böhm, expert du Proche-Orient, fait le point sur cette tactique.

Augmenter sa position de force

«La "désescalade par l'escalade" est bien sûr de la rhétorique ou de la propagande», suppose Andreas Böhm, professeur à l'université de Saint-Gall spécialisé dans le Proche-Orient. «Il s'agit de détruire le plus grand nombre possible de dépôts d'armes et de munitions du Hezbollah. Le fait que l'action soit plus généralisée que ciblée, et que les victimes civiles soient "acceptées à bon compte" fait partie de la stratégie», souligne l'expert. 

Une partie de cette stratégie consiste à renforcer sa propre position vis-à-vis de l'adversaire lorsqu'il s'agit de négociations futures. Concrètement, cela signifie que le Hezbollah doit être repoussé au-delà du fleuve Litani. «Mais avant cela, il faut l'affaiblir autant que possible.»

Les Libanais exigent la fin du conflit

Une chose est sûre: de nombreux commandants de haut rang du Hezbollah ont été éliminés ces dernières semaines par des attaques israéliennes. Cela met une énorme pression sur la milice. Les observateurs parlent de «coups les plus durs» que le Hezbollah ait dû subir ces derniers temps.

Ces frappes ont déjà fait forte impression au Liban. Une partie de l'opinion publique critique les attaques à la roquette du Hezbollah et demande la fin du conflit. Le journal «An-Nahar» a été clair face au chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah: «90% des Libanais exigent avec insistance l'arrêt du conflit de votre part, Monsieur Nasrallah.»

«Une offensive terrestre est du domaine du possible»

Bien que les États-Unis continuent de réaffirmer leur soutien à Israël sur le principe, le principal allié de l'État hébreu semble perdre de son influence sur le commandement militaire. Andreas Böhm estime que «le gouvernement américain s'est retiré avec résignation et a abandonné toute tentative d'exercer une influence. Une attaque contre le Liban était l'une des nombreuses lignes rouges auxquelles Biden a renoncé.»

L'expert suppose que les attaques réciproques vont se poursuivre. Interrogé sur une potentielle offensive terrestre israélienne au Liban, l'expert déclare: «S'il est vrai qu'Israël a demandé à la force frontalière de l'ONU, UNIFIL, de se retirer, une offensive terrestre est au moins du domaine du possible.»

La mission d'observation de l'ONU a temporairement suspendu ses patrouilles dans la zone frontalière entre Israël et le Liban mardi matin, en raison du risque accru pour son personnel. Le risque dû aux tirs réciproques rend pour l'instant nécessaire que les soldats casques bleus restent dans leurs bases, a déclaré un porte-parole de l'ONU. Certains membres du personnel civil de la mission de paix ont été envoyés avec leurs proches en direction de Beyrouth, la capitale, située plus au nord, a-t-il ajouté.

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