Les élites russes craignent pour leur vie
«Vladimir Poutine peut rester au pouvoir même sans victoire en Ukraine»

De plus en plus de Russes ne soutiennent pas la guerre en Ukraine. Elle coûte cher aux élites fortunées. Mais par craintes de représailles, les critiques se font rares en public. Beaucoup en sont convaincus: Vladimir Poutine restera au pouvoir quoi qu'il arrive.
Publié: 21.02.2023 à 09:40 heures
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Dernière mise à jour: 21.02.2023 à 10:59 heures
Jenny Wagner

Dans la plupart de ses discours, il reste calme et laisse de côté le registre de l'émotion. Le président russe Vladimir Poutine n'a, certes, atteint aucun objectif militaire en un an de guerre, mais il semble toujours aussi impassible lorsqu'il s'exprime en public. Car même si de nombreux hauts responsables russes sont mécontents, les critiques sont encore relativement timides. «Les élites ont peur de passer à l'action», explique l'ancien diplomate Boris Bondarev au «Washington Post».

Pour les riches oligarques russes, la guerre en Ukraine signifie avant tout une énorme perte de revenus. Au cours des 30 dernières années, la Russie s'est renforcée économiquement et a pu, en grande partie sous l'impulsion de Vladimir Poutine, effectuer des progrès notoire en matière de croissance. Le chef de guerre a su créer une sorte de prospérité que la population n'avait jamais connue auparavant. Tout cela parait bien loin.

Désormais, de plus en plus de fonctionnaires et d'hommes d'affaires doutent des capacités du président russe à mener cette guerre. «Les élites savent certes que la guerre est une erreur, mais elles ont toujours peur de prendre les choses en main», poursuit Boris Bondarev. Après tout, elles se sont habituées à ce que Vladimir Poutine prenne seul toutes les décisions. L'opposition n'existe pratiquement plus en Russie et celui ou celle qui ne joue pas selon les règles du maître du Kremlin vit dangereusement. Ceux-ci risquent la prison.

Ce sont surtout les élites russes qui paient pour la guerre en Ukraine.
Photo: AFP
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Un soutien financier indispensable

Mais ce sont malgré tout les élites russes qui paient la guerre et ses conséquences. En supposant que Vladimir Poutine atteigne ses objectifs, en parvenant à convaincre l'Ukraine de céder des parties du Donbass, la guerre leur coûtera cher. Les plus riches du pays devraient investir de l'argent pour reconstruire les zones de guerre, alors que les affaires continueraient de s'effondrer dans le même temps en raison des sanctions des Occidentaux.

De plus, une défaite du Kremlin ne signifierait pas nécessairement un changement de gouvernement. «Certains estiment que Poutine pourra maintenir son pouvoir même en cas de défaite, assure Boris Bondarev. Tant qu'il continuera la guerre et que l'Occident s'en tiendra à ses livraisons d'armes, rien ne se passera.» Pour que les élites expriment des critiques, l'homme en est sûr: «Il faut qu'il y ait une perte militaire totale. Ce n'est qu'alors que les élites comprendront qu'elles doivent agir.»

Les élites craignent pour leur vie

Quoi qu'il en soit, les personnes fortunées sont sous pression. Alors que la situation stagne sur le front, le pessimisme grandit dans le pays. Cela n'empêche pas le président russe de poursuivre sa volonté impérialiste. Sa plus grande arme est la peur. Au cours des 20 dernières années, il a réussi à contraindre les élites à céder leur fortune, faute de quoi elles étaient jetées en prison, selon le «Washington Post».

Cette méthode reste particulièrement efficace alors que la guerre bat son plein et qu'elle coûte toujours plus. Refuser de la financer est synonyme de danger pour les élites. Parmi elles, tous craignent d'être le prochain nom à la liste de mystérieux de décès. La mort de Marina Yankina la semaine dernière a fait grand bruit. Elle était un personnage clé dans le financement de la guerre de Poutine en Ukraine.

Ces derniers mois, plusieurs fonctionnaires russes sont décédés dans des circonstances pour le moins étranges. Le 26 décembre 2022, par exemple, Pavel Antonov, le député le plus riche du parlement russe et critique de Poutine, est mort en Inde, en étant soi-disant tombé d'une fenêtre d'hôtel. Son compagnon, Vladimir Bidenov, avait été retrouvé mort dans le même hôtel quelques jours auparavant.

«Tous les membres de l'élite russe sont inquiets», affirme Alexandra Prokopenko, ancienne fonctionnaire à la Banque centrale russe. Ses collègues restés en Russie ne voient pas d'issue claire au conflit. Elle en est convaincue: «C'est une question de survie pour les hauts fonctionnaires qui sont restés en Russie.»


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