N'en déplaise à Javier Milei
L'économie a besoin des femmes, des réfugiés et de l'IA

La proportion de femmes au WEF n'a jamais été aussi élevée que cette année. Pourtant, elles restent en minorité. Le discours antiféministe de Javier Milei n'est pas le seul événement à mettre des bâtons dans les roues de l'égalité. L'IA pourrait aussi poser problème.
Publié: 20.01.2024 à 11:44 heures
Sarah Frattaroli, Christian Kolbe

Un murmure parcourt la salle plénière du centre de congrès de Davos. La faute à la dernière sortie du président argentin Javier Milei. «La lutte des sexes est ridicule!, claironne Javier Milei. L'agenda radical des féministes crée des obstacles au développement économique.»

Les réactions parmi les participantes féminines au forum sont sans équivoque. «Javier Milei se tire une balle dans le pied, estime l'entrepreneuse Anat Bar-Gera. Sans l'encouragement et le soutien des femmes, il se prive de la moitié des talents. Cela nuit énormément à l'économie.»

Les femmes, les réfugiés et les migrants

Face à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans de nombreux pays industrialisés, l'économie ne peut tout simplement pas se permettre de perdre cette main-d'œuvre, confirme Becky Frankiewicz, membre de la direction de Manpower Group, l'une des plus grandes agences de recrutement au monde. «Le potentiel inexploité sur le marché du travail se trouve chez les femmes, les réfugiés et les migrants», affirme-t-elle clairement.

Le président argentin Javier Milei s'en est pris au féminisme lors du WEF.
Photo: keystone-sda.ch
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Même ce potentiel ne suffira pas à combler la pénurie mondiale de main-d'œuvre. «Nous n'avons pas assez de personnes. L'intelligence artificielle va nous aider à compenser cela et à renforcer la croissance économique», prédit Becky Frankiewicz.

L'IA aussi est sexiste

Mais même l'IA n'est pas irréprochable en matière d'égalité des sexes. Car si l'on peut rejeter la sortie de Javier Milei comme une absurdité populiste, les outils informatiques peuvent également créer des problèmes.

«Si l'on demande à l'IA Midjourney de générer une image de CEO, on obtient dans 98% des cas un homme», explique Annabella Bassler, directrice administrative de Ringier et cofondatrice de l'initiative EqualVoice. Lors d'un panel en marge du WEF, elle poursuit: «Si on fait générer l'image d'une 'femme d'affaires' obtient dans plus de 50% des cas une image de femme avec un chemisier largement ouvert dans une pose sexy.»

Davantage de candidatures féminines grâce à l'IA

L'IA apprend à partir de contenus existants – et reprend donc aussi des stéréotypes de genre. A cela s'ajoute le fait que 78% des spécialistes de l'intelligence artificielle (IA) sont des hommes, selon une enquête du WEF. Contre 22% de femmes. Il y a un risque que les clichés ne soient pas seulement véhiculés par l'IA, mais qu'ils soient même renforcés.

Becky Frankiewicz préfère voir le verre à moitié plein. Chez Manpower, l'IA aide à rédiger des offres d'emploi. «Cela peut aider à réduire les préjugés inconscients», explique l'Américaine. Les hommes ont tendance à inscrire des exigences telles que «dix ans d'expérience professionnelle» dans les annonces d'emploi. Cela exclut de nombreuses femmes qui ont été moins longtemps sur le marché du travail, par exemple en raison d'une pause familiale.

En revanche, une IA programmée en conséquence se base sur les compétences requises au lieu d'exiger un nombre d'années d'expérience plus ou moins arbitraire. L'idéal est d'avoir une offre d'emploi qui ne décourage pas les femmes de postuler dès le départ.

Moins d'une personne sur trois au WEF est une femme

Le WEF a voulu se montrer positif en ce qui concerne la diversité des sexes: Parmi les 2800 participants au forum, on comptait cette année 800 femmes. Un nombre jamais atteint auparavant. Les organisateurs qualifient cela d'«étape importante». Néanmoins, avec 28%, les femmes restent nettement minoritaires au WEF. «Nous réaffirmons notre engagement institutionnel à améliorer continuellement l'équilibre entre les sexes lors de nos manifestations», écrivent les responsables du WEF, interrogés par la presse.

Ils n'ont d'ailleurs pas vraiment le choix. «Une société et une économie prospères ne peuvent pas se passer des femmes», résume Barbara Stäuble, membre du comité directeur de Women in Tech Switzerland.

Parmi les pavillons les plus visités de la Promenade de Davos, on trouve ceux qui traitent délibérément des questions de genre. Jeudi, de longues files d'attente se sont formées à plusieurs reprises devant le Hard Rock Hotel. La World Woman Foundation y a organisé une série de panels sur le thème «World Woman Davos Agenda». C'est une annonce faite aux organisateurs pour que ces thèmes soient encore plus présents sur la grande scène du centre de congrès dans les années à venir.

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