«Nous devons prendre Poutine au sérieux»
À peine réélu, Poutine menace de nouveau l'Occident – certains experts s'attendent au pire

C'est fait! Vladimir Poutine est relancé pour six nouvelles années au sommet de l'Etat russe. Ce triomphe aux élections présidentielles le renforce dans ses aspirations politiques et militaires. Les experts tentent aujourd'hui de prédire ce à quoi il faut s'attendre.
Publié: 18.03.2024 à 16:58 heures
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Guido Felder

Vladimir Poutine est sur une pente ascendante. Après avoir remporté plusieurs succès sur le front de la guerre en Ukraine, il vient de remporter les élections présidentielles ce week-end. Le scrutin ne laissant que peu de doute sur sa victoire, la seule question était de savoir avec combien de voix il allait l'emporter. Les résultats définitifs sont tombés lundi et selon la commission électorale, il aurait obtenu 87% des voix. Un résultat record!

Conforté par ce résultat, le président devrait redoubler son offensive. Ce qu'il aurait déjà commencé à faire à l'oral, en déclarant qu'un conflit généralisé avec l'OTAN n'était pas à exclure, ce qui entraînerait le monde «à un pas d'une troisième guerre mondiale». Menace réelle ou simple bluff? Des experts répondent.

Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'université de Saint-Gall, part du principe que les dernières déclarations du président russe relèvent de la rhétorique et d'une guerre de l'information. Ulrich Schmid déclare à Blick: «À court et moyen terme, un conflit ouvert est peu probable» car les forces militaires russes seront encore engagées en Ukraine pendant un certain temps.

Conforté par sa victoire aux élections présidentielles, Vladimir Poutine devrait renforcer ses aspirations politiques et militaires. Les experts tentent aujourd'hui de prédire ce à quoi il faut s'attendre.
Photo: keystone-sda.ch
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Pour Ulrich Schmid, cette menace est simplement une «arme politique» utilisée par Poutine: «Poutine suit de très près les débats en Occident et compte sur une lassitude généralisée du soutien à l'Ukraine.»

Mise en garde contre une guerre hybride

Ralph Thiele, président de la société politico-militaire allemande et président d'Eurodefense Deutschland, ne s'attend pas non plus à une «grande guerre conventionnelle intentionnelle. Pas même à une guerre nucléaire.»

Il s'attend toutefois à un autre scénario, tout aussi dangereux: «Il est beaucoup plus probable qu'on se dirige vers une guerre hybride à grande échelle.» Or ce genre de confit se déroule principalement dans des zones dites «grises», lesquelles sont difficilement reconnaissables pour les non-initiés et où les lignes de défense sont anéanties.

Ralph Thiele invite donc à ne pas prendre les déclarations de Poutine à la légère. En particulier l'OTAN: «L'insouciance de l'Occident est dangereuse.»

Selon l'expert, il faut de manière générale s'attendre à de nouvelles offensives et à un durcissement de la situation politique en Russie après la victoire électorale de Poutine. Ce dernier «interprétera le résultat des élections comme un mandat pour poursuivre sa politique étrangère et la répression de politique intérieure», estime de son côté Ulrich Schmid.

Selon Ralph Thiele, Vladimir Poutine cherche à user l'Ukraine et à démoraliser le soutien occidental. «Poutine met en place ses troupes, pour enclencher une guerre hybride. Il choisira des stratégies et des approches dont les démocraties occidentales ne se sont jusqu'à présent que peu accommodées.»

Grâce à son économie de guerre et au soutien de la Corée du Nord et de l'Iran, les stocks de munitions de la Russie sont bien remplis: «L'arsenal tactique de Poutine en matière de reconnaissance, de drones, de défense aérienne et de guerre électronique est de classe mondiale», alerte Ralph Thiele, qui estime que stratégiquement, la Russie est plus que jamais un acteur mondial important disposant d'armes hypersoniques et de capacités nucléaires.

Vers une nouvelle mobilisation?

Mais il y a toutefois un problème: les soldats russes, dont on estime que 70'000 ont été tués et 250'000 blessés, selon le ministère britannique de la Défense. De nombreux Russes craignent donc une nouvelle mobilisation: «Poutine est certes conscient qu'une telle mesure sera très impopulaire, mais une nouvelle mobilisation partielle est néanmoins probable dans les prochains mois», estime Ulrich Schmid. Alors, des centaines de milliers de réservistes pourraient être appelés et envoyés sur le front en Ukraine.

Et Ralph Thiele d'envoyer une ultime mise en garde: «Nous devons prendre Poutine au sérieux. Il faut travailler la capacité de résilience occidentale, renforcer les politiques de défense mais, dans le même temps, chercher en même temps des voies de désescalade.»

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