Pas habituée à être bousculée
Si Trump la traite de communiste, Kamala Harris peut perdre pied

La vice-présidente des États-Unis, procureure, est une excellente accusatrice. Elle sait monter un dossier et démontrer une culpabilité. Mais saura-t-elle répondre sur ABC News aux insultes de Trump, surtout s'il la traite de communiste et enfonce le clou ?
Publié: 10.09.2024 à 16:32 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Kamala Harris est comme nous tous. Elle peut être sa pire ennemie. La vice-présidente des États-Unis, 59 ans, devra en effet surmonter certains de ses handicaps lors de sa confrontation télévisée tant attendue avec Donald Trump ce mardi 10 septembre, sur la chaîne ABC News. Des handicaps? Oui. Car débattre avec Trump n’a rien à voir avec un réquisitoire dans un tribunal, devant un jury, comme l’ex-procureure générale de Californie l’a si souvent fait au cours de sa carrière judiciaire. Lorsqu’elle accuse, Kamala Harris est en position de force. Mais saura-t-elle se défendre? Et quelles sont ses principales faiblesses avant ce duel devant les caméras?

Elle sait convaincre, pas riposter

Ce débat télévisé aura lieu sans public, micros coupés hors des interventions des deux protagonistes, et sans notes. Un format a priori idéal pour Donald Trump, qui pourra décocher ses «punchlines» (souvent mensongères et caricaturales) sans avoir à payer le prix de ses écarts verbaux hors de son temps de parole. L’ex-président américain tenait d’ailleurs, contrairement à Kamala Harris, à ce que les micros soient «off» lorsqu’il ne prend pas la parole.

Il se souvient aussi que l’ex-colistière de Joe Biden avait su sèchement couper son adversaire Mike Pence, vice-président sortant, en octobre 2020 lors de leur débat. Le problème de ce format est en revanche qu’il oblige les deux candidats à riposter et à marquer des points à chacune de leurs interventions. En clair: il faut cogner plutôt qu’esquiver.

La vice-présidente et candidate démocrate a sans doute plus à perdre que Donald Trump dans leur débat télévisé de ce 10 septembre sur ABC News.
Photo: keystone-sda.ch
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Elle n’est pas communiste, mais…

Et oui: nous sommes aux États-Unis d’Amérique, un pays où être traité de communiste pouvait, jadis, vous conduire en prison comme sous l’époque terrible du Maccarthysme, dans les années 50, lorsque le sénateur du Wisconsin (un des États clés pour cette élection présidentielle de 2024) Joseph Mc Carthy traquait les «sorcières rouges» au sein de l’establishment intellectuel et artistique.

Communiste: ce mot fait mal et Donald Trump le sait, donc il pourrait bien en abuser. L’ancien locataire de la Maison-Blanche a aussi accusé son adversaire d’être une fasciste, une tarée, une raclure… Des insultes? Bien sûr. Mais il ne faut jamais oublier le contexte: Kamala Harris a grandi à Berkeley, la ville universitaire située en face de San Francisco, en Californie. Sa mère et son père étaient des universitaires. Bref, Trump peut la mettre dans les cordes.

Il est un capitaliste, pas elle

Donald Trump n’aime pas l’économie des chiffres, des statistiques, des courbes de croissance. Il ne connaît, lui le milliardaire de l’immobilier qui frôla plusieurs fois la faillite, qu’une seule formule gagnante: son savoir-faire pour gagner plus. Pour mettre plus de dollars dans la poche des électeurs américains. Trump aime parler d’argent. C’est son meilleur créneau. Il se voit, littéralement, comme un fabricant de richesses contre l'État prédateur. 

Vrai? Faux? Les «Trumponomics» ont en tout cas échoué à le faire réélire en 2020. Mais il y a autre chose: le capitalisme. Le profit. L’appât du gain. Ce sujet-là, l’ex magnat de l’immobilier le maîtrise. Or aux États-Unis, pays où la loi du plus fort règne en maître, gagner plus d’argent est l’obsession numéro un de… presque tout le monde.

Elle est une femme, un atout?

Oui, c’est un atout. L’élection du 5 novembre 2024 dépendra en effet très largement, comme celle de 2020, du vote des électrices américaines. Kamala Harris défend en plus le droit à l’avortement. La vice-présidente, avec sa longue carrière judiciaire, est l’incarnation d’une société où les femmes prennent plus de place, et où les abus qu’elles subissent de la part des hommes ne sont plus tolérés. Sauf que Trump a une autre arme: celle des valeurs chrétiennes, qu’il manipule sans scrupule, car il en est lui-même tout, sauf l’illustration. C’est le paradoxe de ce débat télévisé: Trump pourra faire du Trump à gogo. Kamala ne peut pas faire que du Kamala. Elle doit être plus qu’une femme de tête. Elle doit se comporter en chef.

Son parti démocrate est un piège

Kamala Harris doit oublier la liesse de la convention démocrate de Chicago, du 19 au 22 août dernier. Elle ne sera pas devant les caméras, cette nuit, pour convaincre son camp qui, d’ailleurs, ne l’a pas nommé à l’issue d’une primaire en bonne et due forme. Elle ne peut pas, de ce fait, se retrancher, comme le faisait Joe Biden, derrière le rempart de la démocratie, en citant l'assaut contre le Congrès du 6 janvier 2021, à Washington. Il lui faut au contraire s’émanciper de son parti. Lequel est, pour beaucoup d’Américains conservateurs, dominé par les minorités, par le wokisme et par les élites urbaines dévoyées. 

Kamala Harris a pour elle la force de son discours, centré sur l’avenir alors qu’elle accuse Trump d’incarner le passé. Elle est légitime comme héritière de Joe Biden pour «finir le travail». Mais son adversaire a réussi, lui, à faire un miracle politique: revenir dans la course à la candidature après avoir été battu.

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