Philo, poésie, romans, chroniques judiciaires...
Voici les 5 livres qu'il faut avoir lus en 2022 (et pourquoi)

Qui dit fin d'année dit retrospectives à volonté. Aujourd'hui, une fois n'est pas coutume: Blick vous parle de littérature. Voici notre sélection des cinq livres qu'il faut avoir lus en 2022, pour ne pas passer pour inculte aux apéros. Et il y en a pour tous les goûts.
Publié: 31.12.2022 à 15:11 heures
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Dernière mise à jour: 31.12.2022 à 15:56 heures
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Parmi les dizaines de milliers de livres sortis dans la francophonie cette année, on vous propose une sélection tout à fait subjective mais panoramique et généraliste de ce qu'il faut absolument avoir lu en 2022 (ou du moins faire semblant d'avoir lu, pour briller en société. De rien).

De l'essai philosophique au roman et de la poésie aux chroniques judiciaires. De la France à la Suisse, en passant par la Côte d'Ivoire: ceci n'est pas un classement qualitatif par ordre décroissant, mais plutôt une liste des grandes sorties coup de cœur en vrac. On vous dit de quoi ça parle, et surtout pourquoi il faut l'avoir lu.

1

Pour comprendre pourquoi vous ne comprenez plus rien

«Remarques sur la désorientation du monde», Alain Badiou. Editions Gallimard Tracts, Paris, 2022, 6,60 francs.

Voici les cinq écrivaines et écrivains qui ont compté cette année, d'après notre sélection Blick. De gauche à droite: Tanella Boni, Emmanuel Carrère, Virginie Despentes, la Romande Fanny Desarzens, et le philosophe Alain Badiou.
Photo: Blick_Suisse romande

De quoi ça parle? Ce petit essai d'une cinquantaine de pages a tous les ingrédients d'un bon pamphlet ultra-contemporain, universellement concernant: monde post-covid, capitalisme tardif, féminismes et écologismes... Vous ne comprenez plus rien? C'est normal, vous dit le philosophe marxiste. Avant de se proposer d'éclaircir, à la lumière de son idéologie, bien sûr, les causes et les symptômes de notre incompréhension et de notre égarement à tous.

Pourquoi il faut le lire? Parce que vous allez tout comprendre (et Dieu sait que ce n'est pas toujours le cas, en philo). Et que ça va beaucoup vous énerver. Car, sans (trop) verser dans le réactionnaire, ni à l'inverse dans la défense des courants «woke» – tout en dégommant tout le monde –, celui qu'on a parfois surnommé «le dernier des maoïstes» pose à plat, d'une façon aussi profonde qu'accessible, les plus grandes dérives et contradictions de nos sociétés occidentales post-Covid... en y apportant des réponses de (vieux mais vigoureux) communiste, tout à fait subjectives, qui vont en faire sauter plus d'un ou une au plafond.

2

Pour bien rigoler, et se souvenir que l'amitié homme-femme existe

«Cher connard», Virginie Despentes. Editions Grasset & Fasquelle, Paris, 2022, 36,80 francs.

De quoi ça parle? Comédienne à la retraite, feu muse splendide et séductrice, Oscar connait Rebecca depuis l'adolescence. Elle était amie avec sa sœur. Ecrivain raté, il l'allume sur les réseaux sociaux pour attirer l'attention de «cette femme sublime (...) devenue aujourd'hui ce crapaud. Pas seulement vieille, mais épaisse, négligée (...).» Leur correspondance par mail – d'abord vénéneuse, puis de plus en plus emphatique et amicale – commence par un «Cher connard». Avant d'être le point de départ d'une cocasse mais (très) profonde amitié. Le genre qui sauve la vie, face à la violence du monde, face à la faiblesse humaine.

Pourquoi il faut le lire? Ce roman épistolaire est le premier du genre pour la figure punk de la littérature française. Selon les critiques, le livre est bien parti pour devenir l'un des plus gros succès de l'autrice féministe. Selon nous, il est surtout la quintessence de son travail au niveau du style: le langage de Despentes y est toujours cru, brut, non-réconcilié avec le monde – qu'il peint à traits de banalités lourdes de sens. Mais en l'épousant, en l'enveloppant avec moins de hâte, plus de fluidité cette fois. Si bien que ces quelque 350 pages d'ode à l'amitié se lisent (presque) d'une traite. En plus, ça fait rire, et ça (re)donne franchement un peu d'espoir: comme dans tous les romans de Despentes, tout le monde est dans la merde. Et ce n'est pas si grave, en fait. Tant qu'on arrive à trouver les mots pour ne pas y rester seul(e). Tant qu'on arrive à trouver les mots, tout court.

3

Pour vivre et comprendre l'historique procès des attentats du Bataclan

«V13», Emmanuel Carrère. Edition P.O.L, Paris, 2022, 34,10 francs.

De quoi ça parle? Vous vous souvenez certainement où vous étiez et ce que vous faisiez le 13 novembre 2015, date du drame du Bataclan. «V13» est le nom de code de l'énorme procès des attentats terroristes qui ont enlevé la vie de 130 personnes. Envoyé sur les bancs du palais de l'île de la Cité comme chroniqueur pour le média français «L'Obs» durant toute l'année 2021, Emmanuel Carrère y relatait hebdomadairement les faits marquants du procès. Ce livre rassemble l'ensemble de ces chroniques. Entouré d'avocats et de journalistes, de faits et de procès-verbaux, son récit parvient cependant à rester celui d'un écrivain.

Pourquoi il faut le lire? Parce que ce procès a – et va encore – durablement marquer l'histoire. Mais surtout parce que ce sont peut-être les chroniques judiciaires les mieux écrites et les plus digestes de l'histoire des chroniques judiciaires. La plume de Carrère parvient à donner un souffle de vie, une aura de suspens et même un intérêt littéraire même aux procédures administratives les plus ennuyeuses (et il y en a, y compris dans le procès le plus palpitant de l'histoire contemporaine hexagonale). Haut-le-cœur garantis.

4

Pour voir au-delà de ses propres frontières (intérieures)

«Insoutenable frontière», Tanella Boni. Editions Bruno Doucey, Paris, 2022, 25,50 francs.

De quoi ça parle? Ce recueil de poésie en sept mouvements va vous faire voir la beauté là où vous ne l'attendiez pas: à la croisée des chemins entre les frontières géographiques et celles du corps, entre l'exil, les injustices et les guerres. L'écrivaine et philosophe ivoirienne Tanella Boni ne reconnait, elle, comme frontières que les pages d'un livre qui se tournent. Et elle nous fait voyager à travers notre époque à bord de son bateau ivre de mots aussi simples que puissants.

Pourquoi il faut le lire? Pour aller faire un tour en dehors de son propre corps, de son propre pays, de sa propre couleur de peau, de sa propre normalité. Et ce sans grand effort intellectuel conscient: les vers libres, les chutes abruptes et toujours ouvertes de l'autrice vous enlacent tout naturellement, emmenant votre esprit au-delà de ses propres limites au fil des pages.

5

Pour soutenir notre littérature suisse

«Galel», Fanny Desarzens. Editions Slatkine, Paris, 2022, 22,00 francs.

De quoi ça parle? C'est l'histoire d'un trio au creux des cimes. Paul, Jonas et Galel se retrouvent chaque été à «la Baïta», refuge de montagne tenu par Paul. On sait, on sent que quelque chose va se passer. Dans cette triangulation, le personnage de Galel, dont le livre porte le nom, apparaît comme une sorte de connecteur, de rassembleur, d'une façon presque surnaturelle. Enrobé d'une écriture souvent sèche et coupante, c'est autour de ce personnage et de son agentivité que se cristallisent les plus belles envolées du texte.

Pourquoi il faut le lire? Dans un autre monde, celui de nos rêves, ce listicle serait composé d'auteurs et autrices suisses uniquement. Mais on ne va pas se mentir: notre pays est plus réputé pour ses fromages et ses banques que pour sa production littéraire. Ce qui ne l'empêche pas d'accoucher périodiquement de vrais prodigues, et des jeunes espoirs scintillants. C'est le cas de Fanny Desarzens, qui a sorti ce premier roman vertigineux cette année.

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