Plus question de dépenser
Les finances publiques de la France sont à bout de souffle

Aux Rencontres économiques annuelles d'Aix en Provence, un refrain est revenu en boucle: pas question de dépenser plus. L'épisode du «Quoi qu'il en coûte» durant la pandémie de Covid 19 est définitivement refermé. Au moins en paroles.
Publié: 10.07.2022 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 10.07.2022 à 08:49 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le moment de vérité approche. Et les Français, qui ont voté en masse aux législatives pour la nouvelle union de la gauche de gauche de Jean-Luc Mélenchon et le Rassemblement national de Marine Le Pen, ne le savent pas encore.

Aux Rencontres économiques annuelles d’Aix en Provence, rendez-vous incontournable sur la santé financière, entrepreneuriale et sociale du pays, le même refrain a été entonné par tous ceux qui ont le regard rivé sur les dépenses publiques, malgré la croissance de 7% en 2021: plus question de creuser encore le déficit, après le déblocage de vingt milliards d’euros pour donner un coup de pouce au pouvoir d’achat, annoncé jeudi 7 juillet par le ministre des finances Bruno Le Maire. Les caisses de la France, vidées par le «Quoi qu’il en coûte», sont maintenant essorées par l’inflation et l’explosion des prix de l’énergie.

La boussole économique des Français est affolée

«C’est l’économie stupide! Vous vous souvenez de cette phrase prononcée par Bill Clinton aux Etats-Unis dans les années 90. Et bien nous y sommes. L’économie française va décider. Les politiques devront suivre» a asséné Valérie Pécresse, l’ex candidate à la présidentielle de la droite et toujours présidente de la région Ile de France.

Humiliée par son score de 4,8% des voix, inférieur aux 5% requis pour obtenir le remboursement public de ses dépenses de campagne, l’intéressée a tiré le signal d’alarme: «Le quoi qu’il en coûte déployé durant la pandémie a affolé la boussole des Français. Ils croient que les règles de l’économie ne sont plus en vigueur. Or c’est faux. Il faut des réformes et des efforts. Sinon…»

La nouvelle Première ministre Française Elisabeth Borne a fait une rapide escale samedi 9 juillet aux Rencontres économiques annuelles d'Aix en Provence. Pour y parler d'éducation. En évitant d'aborder la douloureuse question des dépenses publiques
Photo: AFP

Moment de vérité

Ce moment de vérité, près de la moitié de l’électorat français n’a pas voulu l’entendre lors des récentes législatives. La preuve? L’absence d’une majorité absolue de député pour Emmanuel Macron, et la percée très significative de la gauche radicale et de la droite nationale populiste de Marine Le Pen.

La première propose de bloquer d’urgence les prix des denrées essentielles, et d’augmenter le salaire minimum à 1500 euros (contre 1230 euros aujourd’hui). La seconde exige une réduction immédiate des taxes sur les produits pétroliers.

Problème: la France a grandement besoin de recettes fiscales, les entreprises font face à une importante pénurie de main-d’œuvre, et la dette souveraine (2 900 milliards d’euros soit près de 115% du Produit intérieur brut contre 70% du PIB en Allemagne 40% en Suisse) risque de devenir intenable si l’inflation continue avec une envolée des taux d’intérêt. 10% de la dette française est en effet indexée sur l’inflation. «La cote d’alerte sur nos finances publiques est atteinte. C’est évident» a reconnu Bruno Le Maire à Aix-en-Provence, devant un groupe de journalistes, dont l’envoyé spécial de Blick.

Un discours d’austérité intenable

Français, vous allez devoir vous serrer la ceinture! Au vu des récentes convulsions politiques du pays, ce discours semble intenable. La preuve, le premier acte du second mandat d’Emmanuel Macron a été de présenter un projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui sera discuté dans les jours prochains, torpillant les traditionnelles vacances parlementaires.

Et après? Rien. Les poches sont vides. La charge de la dette française approche les 17 milliards d’euros par an, soit la moitié de l’enveloppe accordée pour revaloriser le pouvoir d’achat. A partir du 1er septembre, une prime sera accordée pour les ménages «qui en ont besoin» afin de compenser l’augmentation des prix de l’énergie.

Plus question d’assister massivement la population et les entreprises dont certaines, face aux pénuries d’énergie, devront peut-être couper certaines activités. «Nos fondamentaux sont solides, mais tous les signaux sont à la baisse. On approche du rouge» reconnaît-on au ministère des finances.

Un chiffre ressort d’ailleurs: celui du déficit public. En 2022, il atteint en France 6,5% du produit intérieur brut. Le gouvernement promet de le ramener à 3% en 2027 (l’année finale du quinquennat), pour se conformer aux fameux critères européens. Sacré défi: «On ne peut plus faire n’importe quoi avec les dépenses publiques. Le temps du «Wake up call» est venu. Le plus dur, nous y sommes» confirme l’entourage de Bruno Le Maire.

Sérieuses, ces menaces?

Sérieuses, ces menaces alors, que Marine Le Pen et ses 89 députés jurent qu’ils vont faire délier les cordons de la bourse? Sérieux, cet avertissement alors que Jean-Luc Mélenchon estime que la France devrait au contraire confronter ses partenaires européens et les convaincre des vertus du «dépenser plus»? A voir.

La présentation du projet de loi de finances 2023 au parlement, cet automne, sera décisive. A Aix-en-Provence samedi, la nouvelle Première ministre française Elisabeth Borne a prononcé un discours sans saveur d’une quinzaine de minutes sur… l’éducation.

Pas un mot sur la discipline budgétaire. La cheffe du gouvernement sait qu’elle devra faire des concessions pour séduire, parmi les 164 députés hors France Insoumise (Mélenchon) et Rassemblement national (Le Pen), la cinquantaine d’élus indispensables pour atteindre la majorité en plus des 245 députés de la majorité présidentielle (sur 577 sièges).

Telle est la France de 2022

Telle est la France de 2022. A bout de souffle coté réserves budgétaires. Inquiète des risques énergétiques car son parc de centrales nucléaires (70% de la production nationale d’électricité) est mal en point, avec une vingtaine de réacteurs à l’arrêt pour maintenance sur 56, et une production à un bas niveau historique.

Attention, danger? Pas encore, car la demande reste forte, et le chômage est au plus bas (même s’il frappe 7,3% de la population active, contre 2,4% en Suisse). Sauf que tout le monde le sait: l’hiver sera redoutable si Vladimir Poutine coupe le robinet du gaz. Non seulement les Français vont devoir se serrer la ceinture. Mais en plus, il leur faudra sans doute mettre des pulls supplémentaires!

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