Poussée de l'extrême droite ou Europe plus affirmée?
Le «scénario Trump» pourrait avoir d'énormes conséquences sur le projet européen

Dans trois mois, 370 millions d'Européens sont appelés aux urnes pour renouveler leur Parlement, à l'approche d'un autre scrutin, de l'autre côté de l'Atlantique, qui pourrait propulser une nouvelle fois Donald Trump à la Maison Blanche.
Publié: 10.03.2024 à 11:33 heures

Dans trois mois, 370 millions d'Européens sont appelés aux urnes pour renouveler leur Parlement, à l'approche d'un autre scrutin, de l'autre côté de l'Atlantique, qui pourrait propulser une nouvelle fois Donald Trump à la Maison Blanche.

Le spectre d'un retour au pouvoir du tempétueux milliardaire, qui ne cache pas son dédain pour l'UE et ses priorités – du soutien à l'Ukraine face à l'agression russe à la lutte contre le changement climatique – pèsera-t-il dans les isoloirs des 27 pays du bloc?

«Un énorme point d'exclamation et d'interrogation»

Cette perspective renforcera-t-elle la poussée annoncée de l'extrême droite? Ou, à l'inverse, encouragera-t-elle les électeurs de l'Union à serrer les rangs, à voter pour une Europe plus affirmée? «Pour l'Europe, Trump 2, c'est à la fois un énorme point d'exclamation et un énorme point d'interrogation», résume Sébastien Maillard, de l'Institut Jacques Delors.

Reste à voir dans quelle mesure Donald Trump, qui brandit sur les estrades de campagne son impopularité en Europe comme une distinction, tentera de peser sur le débat européen.
Photo: keystone-sda.ch

Le «scénario Trump» aurait d'énormes conséquences sur le projet européen pour les années à venir, souligne en écho Susi Dennison, analyste au European Council on Foreign Relations (ECFR). Nombre de priorités européennes seraient «beaucoup, beaucoup plus dures à atteindre». Pour autant, regrette-t-elle, cette question ne sera pas nécessairement au coeur des débats de la campagne.

L'issue du scrutin, qui aura lieu du 6 au 9 juin afin d'élire 720 députés, sera observée avec attention car les équilibres entre les familles politiques déterminent ensuite la course aux «top jobs»: les présidences des principales institutions européennes (Parlement, Commission, Conseil européen).

Montée de la droite nationaliste

A moins de 100 jours des élections, les sondages pointent tous, clairement, vers une montée en puissance de la droite nationaliste et eurosceptique, avec, au sein de cette dernière, une vaste palette de nuances et de positionnements suivant les pays.

Si le Parti populaire européen (PPE, droite) semble bien placé pour rester la principale force politique, et les Socialistes et démocrates (S&D) la deuxième, la troisième place est plus incertaine. Renew Europe (centristes et libéraux), qui l'occupe actuellement, pourrait en effet se faire doubler par le groupe Identité et démocratie (ID, extrême droite).

L'ECFR estime que les «populistes anti-européens» arriveront en tête dans 9 Etats membres, dont la France et la Hongrie, l'Italie et les Pays-Bas. «Il y a un langage commun, centré sur la menace de l'immigration», souligne Rachel Rizzo, de la branche européenne du Atlantic Council. «Mais il est difficile de dire quel est l'impact réel au niveau européen.»

La morosité économique actuelle devrait constituer un terreau fertile pour les forces eurosceptiques. Si le recul de l'inflation commence à être palpable pour les consommateurs, aucune embellie économique n'est attendue avant le scrutin. La Banque centrale européenne vient d'abaisser sa prévision de croissance pour la zone euro en 2024 à 0,6% contre 0,8% précédemment.

L'économie est centrale

Et près de trois Européens sur quatre estiment que leur niveau de vie baissera cette année, et près d'un sur deux assure qu'il a déjà diminué, selon un sondage Eurobaromètre publié en décembre. «Il y a des facteurs différents qui préoccupent les électeurs suivant les pays européens. Mais il y a un élément qui est central partout: la situation économique», résume Susi Dennison.

Reste à voir dans quelle mesure Donald Trump, qui brandit sur les estrades de campagne son impopularité en Europe comme une distinction, tentera de peser sur le débat européen. Sa rencontre vendredi, à Mar-a-Lago en Floride, avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban, trublion des sommets européens qui continue, seul parmi les 27, à entretenir des liens étroits avec le Kremlin, démontre en tout cas qu'il entend demeurer le grand pourfendeur du multilatéralisme en général, et de l'UE en particulier.

Pour Sébastien Maillard, la perspective d'un comeback de Trump «désarçonne» au sein de l'Europe et cela joue «plutôt» en faveur des partis de gouvernement. «Plus Trump devient menaçant et plus la Russie est agressive, moins cela se prête à un saut dans l'inconnu», estime-t-il. «Sur les questions comme la Politique agricole commune, l'extrême droite est sur son terrain de prédilection: bureaucratie bruxelloise, normes excessives... Mais quand il s'agit de l'Europe face au reste du monde, c'est très différent.»

(AFP)

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