Zelensky reçu à Paris
Jusqu'où Emmanuel Macron est-il prêt à aller face à Vladimir Poutine?

«L'Europe n'est plus un continent de paix» a asséné le président Ukrainien devant l'Assemblée nationale française. Un écho direct au signal d'alarme tiré par Emmanuel Macron sur le fait que «L'Europe est mortelle».
Publié: 07.06.2024 à 16:13 heures
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Dernière mise à jour: 07.06.2024 à 20:55 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

L’Élysée est désormais le quartier général du soutien militaire allié à l’Ukraine. C’est en tout cas l’impression que veut donner Emmanuel Macron, alors que les portes du palais présidentiel français vont s’ouvrir devant Volodymyr Zelensky (ce vendredi 7 juin à 17h30) et Joe Biden (samedi 8 juin à la mi-journée).

Oubliés, les conciliabules téléphoniques interminables et infructueux du printemps 2022 avec Vladimir Poutine. Macron a avancé ses pions militaires un cran plus loin lors de son intervention télévisée du 6 juin, à l’issue des cérémonies de commémoration du 80e anniversaire du débarquement allié de 1944 en Normandie. La France livrera bientôt des avions Mirage 2000 à l’Ukraine, après avoir formé ses pilotes. Et elle est prête à prendre le commandement d’une coalition d’instructeurs qui seraient prochainement déployée dans la partie ouest du pays, en vue de former une brigade de 4 500 soldats.

Le bilan des annonces du président français, qui a conclu la journée par une conférence de presse aux côtés de Volodymyr Zelensky, est le suivant: poursuite des cessions de matériel (missiles et bombes) qui ont «fait la différence», livraison de Mirage 2 000 après la formation de et de mécaniciens ukrainiens qui commencera «dès maintenant», participation à l’entrainement, la formation et l’équipement d’une brigade ukrainienne de 4 500 soldats, développement de coopérations d’industries de défense et mise en place de nouveaux outils pour accompagner la transformation économique de l’Ukraine avec un fonds de 200 millions d’euros pour les entreprises souhaitant investir dans le secteur de la santé ou du déminage…

Élections européennes ce dimanche

Emmanuel Macron joue en quelque sorte son va-tout ces jours-ci. Ce dimanche 9 juin, les électeurs français sont conviés à élire leurs députés européens. Le président sait que la liste de sa formation, Renaissance, court le risque d’être doublée sur le fil par celle de Raphaël Glucksmann, chef de file d’une alliance de gauche dominée par le parti socialiste.

Emmanuel Macron a profité de la commémoration du D-Day, le 6 juin, pour se mettre en avant comme l'un des alliés le plus fiable de l'Ukraine.
Photo: DUKAS
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Il sait aussi que le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella est irrattrapable, avec près de 33% des intentions de vote selon les sondages, soit deux fois plus que la liste de la majorité présidentielle.

Macron va foncer

Résultat? Macron a décidé de foncer. Vendredi, Volodymyr Zelensky a calé son discours sur celui du président français en déclarant devant l’Assemblée nationale que «l’Europe n’est plus le continent de la paix». Macron, lui, a plusieurs fois mis en garde contre «l’Europe mortelle». Pourquoi ce sprint militaire? Parce que le locataire de l’Élysée a le calendrier bien en tête. Il sait que le mois à venir, jusqu’au sommet de l’OTAN du 9 au 11 juillet à Washington, sera décisif pour trois raisons.

  1. Joe Biden aura besoin d’apparaître comme un président fort et résolu, après son débat télévisé avec Trump sur CNN le 27 juin.
  2. Les gouvernements européens disposeront encore d’une «fenêtre de tir» avant que le nouveau Parlement européen se réunisse pour sa première session le 16 juillet, avec en son sein un fort contingent de nationalistes plutôt pro-russes.
  3. L’Allemagne d’Olaf Scholz, si réticente à monter en puissance face à la Russie, est le dos au mur alors que les défenses ukrainiennes faiblissent.

L’avantage ne pas être rééligible

Emmanuel Macron a aussi, paradoxalement, un avantage sur ses pairs européens. Il n’est pas rééligible en 2027. Cela fait un peu de lui, sur le plan politique français, un président «démonétisé». Il se retrouvera d’ailleurs en difficulté sur ce plan si le RN engrange ce 9 juin une victoire incontestable. Mais attention: en France, avec le régime présidentiel, le chef de l’État reste jusqu’au bout le chef des armées incontesté. Il peut donc agir sur le plan militaire. C’est cette carte institutionnelle que Macron veut et va utiliser.

Le discours de Zelensky devant les députés

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Et maintenant? Macron a besoin de trois feux verts pour devenir le chef de la coalition alliée à L’Ukraine, lui qui est si critiqué à Kiev (à juste titre) pour son attentisme passé et le niveau plus faible de l’aide française, comparé côté européen au soutien financier allemand, ou à l’appui militaire britannique.

Les trois feux verts indispensables

Le premier feu vert est celui des pays européens d’accord pour envoyer des instructeurs. Les Etats-Unis, sauf surprise, ne se joindront pas à la coalition. Une première décision pourrait être prise lors de la réunion informelle des dirigeants de l’UE le 17 juin à Bruxelles.

Le second feu vert est celui de l’armée de l’air française qui doit organiser le transfert désormais promis des Mirages 2000 à l’Ukraine. Cela interviendra a priori en fin d’année 2024. Le troisième feu vert est celui de l’OTAN. Il faut impérativement que la coalition d’instructeurs soit soutenue par l’Alliance, ce qui enverra un message à Vladimir Poutine.

Pas que des mots

La course contre-la-montre stratégique est bien comprise par la Russie, qui multiplie ces jours-ci ses attaques contre la France, menaçant de s’en prendre à ses soldats. Plusieurs arrestations semblent aussi démontrer que des réseaux pro-russes sont à l’œuvre en France pour semer le désordre, voire la panique, avant les Jeux Olympiques. Ces jeux, célébration du sport mondial, sont aussi une date que Macron a en tête. Il revendique toujours une «trêve olympique» que la Russie pourrait accepter (sans le dire) par égard pour la Chine et ses athlètes. Or la cérémonie d’ouverture des JO aura lieu le 26 juillet à Paris. D’ici là, l’Élysée a donc l’obligation de démontrer que les discours du président ne sont pas que des mots.

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