Commentaire de Michel Jeanneret
Une 13e rente? Merci, mais c’est un petit pansement…

Le peuple a dit oui à une 13e rente AVS. Une victoire politique, mais pas une solution au problème de pauvreté qui touche toutes les tranches d’âge et craquelle le ciment qui a longtemps soudé les très riches avec les moins favorisés, estime notre rédacteur en chef.
Publié: 03.03.2024 à 15:44 heures
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Dernière mise à jour: 03.03.2024 à 23:36 heures
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Michel JeanneretRédacteur en chef

Les Suisses ont mal à leur portemonnaie. Les représentants de la droite politique — qui l’ont généralement bien garni, c’est là le problème — viennent de prendre une leçon de réalisme qu’ils feraient bien d’intégrer dans leur futur agenda.

Comment expliquer une telle cécité, alors que toutes les statistiques sur la question sont à portée d’un clic. Implacables, les chiffres attestent que 15,4% des retraités sont touchés par la pauvreté, une proportion qui grimpe à 24,7% des personnes vivant seules dans cette tranche d’âge.

La population a passé outre le flou (tout de même dérangeant) à l'endroit du financement de cette rente additionnelle, car elle a bien compris que l’image d’Épinal d’une Suisse fortunée fait partie du passé.

Photo: keystone-sda.ch

De quoi jubiler, pour les moins bien lotis d'entre nous? Pas vraiment. L’acceptation de la 13ᵉ rente AVS est davantage une victoire d'un bord politique qu’une solution durable — et surtout suffisante — pour s’attaquer à la racine du problème. Raison pour laquelle la gauche exulte certainement plus que les Suissesses et les Suisses dans leur salon.

Ce ne sont pas les Suisses dans leur salon, mais la gauche suisse qui se réjouit de l'acceptation de la treizième rente AVS.
Photo: AFP

Le oui à «la treizième» est avant tout une victoire de Pierre-Yves Maillard, qui mérite largement la réputation de huitième conseiller fédéral qu’on prête traditionnellement au chef l’Union syndicale suisse (USS), en opposition vivifiante au septette de droite molle qui gouverne notre pays. Mais reste cette question lancinante qu'on pourrait poser aux vainqueurs: «Et maintenant?»

Comment financer ce geste envers les aînés sans paupériser les actifs, et notamment la classe moyenne qui serait plus durement touchée par un relèvement du taux de TVA que celles et ceux qui ont une certaine assise financière?

Encore du boulot pour les jeunes PLR

Comment remplir les caisses de nos futures pensions, sachant que la population ne veut pas travailler plus longtemps, comme en atteste clairement la claque mise aux jeunes PLR? Une jeunesse de droite qui n’a visiblement pas compris que pour repousser l’âge auquel on cesse le boulot, il faudrait qu’il y en ait encore pour les séniors, alors qu’on est aujourd’hui trop vieux… de plus en plus jeune.

PYM et la gauche ont triomphé, okay, mais tout reste à construire. Comment faire société, tandis que les inégalités se creusent et menacent la paix sociale, à l'heure où le ciment qui a longtemps soudé les très riches avec les moins favorisés se craquelle? Comment faire face à cette lame de fond que nous ne voulons pas voir: le remplacement des humains par l'intelligence artificielle dans le monde du travail?

Servir et disparaître, les papis et mamies…

Comment faire pour que le résultat de ce 3 mars ne soit pas qu'une victoire d'étape et que nous ne crevions (littéralement) pas toutes et tous sur la ligne d’arrivée? Ce qui est sûr, c’est que certains politiciens ont déjà allégrement franchi cette ligne — et leur Migros data: les anciens conseillers fédéraux, papis et mamies de la politique qui, eux, auraient mieux fait de tenir compte de l’âge de la retraite avant de l’ouvrir et de faire perdre leur camp.

Remarque gratuite et satisfaction malsaine? C’est certain, mais cette leçon d’humilité est quand même un peu jouissive, non? Servir et disparaître pour celles et ceux qui ont été. Se remonter les manches pour les autres. Penser et préparer demain: voilà (encore) un endroit où il y a du boulot. Et celui-ci ne sera pas fait par les robots.

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