Commentaire de Reza Rafi
Daniel Jositsch, la figure tragique

Candidat à la succession de Simonetta Sommaruga contre l'avis de son parti, Daniel Jositsch pourrait bien être le grand perdant du «poker» bernois. Ce cas prouve que même les meilleurs stratèges peuvent se perdre sur le chemin menant au Conseil fédéral.
Publié: 08.11.2022 à 17:00 heures
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Dernière mise à jour: 17.11.2022 à 09:19 heures
Reza Rafi

Tous les journalistes qui ont couvert le procès Swissair, en 2007, s'en souviennent. Ils pouvaient compter sur une aide précieuse, un consultant qui était toujours disponible pour avoir l'analyse ou la formule qui fait mouche. «Ce n'est pas la tâche du Ministère public de retracer l'historique de la tragédie Swissair», fustigeait-il.

Le nom de ce jeune professeur en droit pénal, 42 ans à l'époque? Daniel Jositsch. Ses apparitions dans les médias ont entraîné une carrière politique aussi fulgurante que réussie. Dès l'automne 2007, il se fait élire au Conseil national sous la bannière socialiste. Puis passe au Conseil des États après deux législatures, en 2015.

Sous la Coupole, il est influent. Membre de plusieurs commissions, il fait autorité lorsqu'il s'agit de questions juridiques. Il devient une figure marquante de l'aile dite «réformatrice» du PS, dont il est un poids lourd. Il détonne, aussi, puisqu'il est officier à l'armée.

Apprécié à gauche comme à droite, ambitieux: Daniel Jositsch ne cache pas son ambition d'accéder au gouvernement.
Photo: KEYSTONE

Apprécié à gauche comme à droite

Rusé, il parvient à séduire dans tous les camps. D'abord, il publie dans la «Weltwoche», le journal très proche de l'UDC. Ce professeur de droit pénal dit son amour pour une politique stricte en matière de droit et d'ordre, ce qui lui assure un crédit dans le camp conservateur en même temps que certaines critiques à gauche.

Mais il renverse les choses lorsqu'il s'élève contre Frontex, l'agence de protection des frontières de l'ONU. Il critique le «dissident» socialiste Mario Fehr et séduit cette fois son propre groupe parlementaire.

Apprécié à gauche comme à droite, ambitieux: Daniel Jositsch ne cache pas son ambition d'accéder au gouvernement. Lorsque Simonetta Sommaruga annonce sa démission, il a les yeux qui brillent — l'objectif se rapproche.

Si proche... ou si loin

Ou plutôt: il n'en a jamais été aussi loin. Car depuis que la direction de son parti a annoncé que le ticket socialiste serait 100% féminin, Daniel Jositsch se retrouve dans la pire des positions qui soient.

En une semaine, il s'est mis à dos beaucoup de ses «camarades» et a brandi la menace d'une candidature de combat, pas plus tard que ce mardi après-midi. Un candidat de choix contraint de s'abaisser à cela: voilà qui montre que même le plus fin des stratèges peut se retrouver chocolat. Ou «pomme avec le bour», comme on dit au chibre.

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