Commentaire
Une nouvelle veste pour la garde-robe du proc' vaudois

En critiquant le bilan du Procureur général vaudois Éric Cottier, Jessica Jaccoud n'a fait que son devoir. Avec en prime l'ouverture de ce débat passionnant et légitime: quelle direction voulons-nous faire prendre à la justice demain?
Publié: 11.02.2022 à 17:51 heures
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Dernière mise à jour: 11.02.2022 à 19:50 heures
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Michel JeanneretRédacteur en chef

Un vieux renard des surfaces qui n’a pas compris ce qui lui arrivait et se retrouve coincé dans sa tanière. C’est l’image que l’on gardera du procureur général du canton de Vaud, le libéral-radical Éric Cottier, au terme de la passe d’armes qui l’a opposé à Jessica Jaccoud, la présidente du Parti socialiste vaudois.

Dans une chronique bien sentie comme le personnel politique du canton de Vaud - qui a tout d’une «petite Suisse molle» - en produit rarement, la boss du PS reprochait au proc’ de défendre une justice passéiste, faite de victoires faciles sur les petites frappes de l’espace public et d’une défaite humiliante infligée dans le cadre du procès des zadistes de la colline du Mormont, alors qu’il était venu en personne rouler des mécaniques.

Quelle justice voulons-nous?

En filigrane des propos de Madame Jaccoud, ces questions passionnantes et pertinentes: quelle direction voulons-nous faire prendre à la justice? Où devrions-nous porter l’action de l’État, lorsque le respectable Éric Cottier, bientôt retraité, se sera débarrassé de sa robe froufroutante pour aller cultiver son jardin?

Madame Jaccoud aurait voulu tendre un piège au Procureur général qu’elle ne s’y serait pas prise autrement. Ce dernier aurait voulu foncer dedans tête baissée qu’il n’aurait pas pu faire mieux. Le PG aurait en effet pu (dû!) superbement ignorer la chronique attaquant son bilan, mais l’égo, cet ennemi intime des hommes (comprenez les mâles), l’aura précipité dans le cul-de-sac évoqué plus haut.

Un proc' à côté de la plaque

Dans une réponse cinglante, et malheureusement à côté de la plaque, Monsieur Cottier rétorquait en substance après quelques jours de ruminations que 1) la parlementaire Jessica Jaccoud menaçait l'indépendance de la justice, et que 2) il appliquait le droit sans faire de politique.

Tout cela se démonte en deux coups de cuillères à pot. Éric Cottier n’est pas un juge. Il ne représente donc pas la justice, mais l’État dans les procédures judiciaires. Éric Cottier a été élu par le Grand Conseil. Or une règle éternelle stipule que «qui engage, dégage». Dans ce cadre, la critique de l’action du PG est plus que saine, elle est requise - même si ce dernier n’en a pas l’habitude. Car l’action de l’État (et donc celle du procureur) est bien évidemment politique. En atteste d’ailleurs la défense outrée du PG par les ténors du PLR…

Des politiciens qu'on prie de se «retenir»

Au final, le Bureau du Grand Conseil, alerté par Éric Cottier, aura rendu un avis tiède «à la Vaudoise», sous forme d’un appel surréaliste «à la retenue». Mesdames et messieurs, citoyennes et citoyens, vous saurez désormais que les politiciens de votre canton se retiennent. Ça promet.

Mais tout cela n’efface pas le plus important: le Bureau n'a pas estimé que Jessica Jaccoud avait outrepassé sa fonction d’élue. Il ne l'a pas sanctionnée. Voilà une bonne nouvelle. Pas parce qu’il s’agit d’une veste infligée à un procureur qui est en train de se faire une petite garde-robe, mais parce que cela signifie que même chez les Vaudois si contenus, il est encore permis de débattre à propos de la justice que nous voulons demain.

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