La chronique de Jacqueline de Quattro
Sous-estimer le risque terroriste peut être lourd de conséquences

Notre chroniqueuse Jacqueline de Quattro, conseillère nationale libérale-radicale, revient cette semaine sur le risque terroriste en Suisse. Ce dernier est en augmentation, mais la Vaudoise n'entend pas rester les bras croisés.
Publié: 05.09.2024 à 17:37 heures
Jacqueline de Quattro, conseillère nationale

Partout dans le monde, l’alerte est maximale. Même la Suisse a été mise par le groupe État islamique (EI) sur la liste des pays «hostiles à l’Islam». Aussi, la naïveté du Conseil fédéral face à la menace est aussi déconcertante qu’inquiétante. 

Dans notre pays aussi des jeunes sont ciblés et radicalisés par la propagande sur les réseaux. Les récents attentats de Solingen, en Allemagne et de La Grande-Motte en France, démontrent que le risque de passage à l’acte d’individus dits «loups solitaires», souvent en colère voire en rupture, est de plus en plus aigu. 

D’où mon incrédulité et mon incompréhension devant le refus du Conseil fédéral de renforcer la lutte contre la radicalisation par la création d’un parquet fédéral antiterroriste. Dans le contexte géopolitique actuel, c’est irresponsable.

Le risque terroriste est élevé en Suisse, selon le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC) Christian Dussey.
Photo: KEYSTONE

Un risque accru

Le risque d'attentats s'est encore accentué en Suisse depuis le début de l'année. C’est l’avertissement très clair lancé par le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC) Christian Dussey. Il pointe du doigt une campagne menée sur les réseaux sociaux par le groupe État islamique (EI), appelant à commettre des actions terroristes en Europe. 

Les djihadistes visent particulièrement les jeunes, plus facilement influençables. Une propagande qui marche. La preuve? Nous avons chez nous un nombre de jeunes radicalisés supérieur à la moyenne par rapport à d'autres pays européens!

L’État islamique instrumentalise de manière délibérée nos jeunes pour qu’ils commettent des actes de violence et déstabilisent aussi bien notre sécurité publique que nos démocraties. C’est ce qui s’est notamment passé en mars à Zurich avec l'attaque antisémite commise avec un couteau par un mineur de 15 ans contre un juif orthodoxe. Et trois adolescents ont été interpellés en avril à Schaffhouse et en Thurgovie pour des soupçons d'activités terroristes. Nous ne pouvons pas laisser cette situation se dégrader davantage. D’autant que les auteurs deviennent de plus en plus jeunes. 

Réunir nos forces

Pour lutter contre ce nouveau fléau, il est indispensable de réunir nos forces. Certes, la coordination et la coopération entre les différentes polices cantonales, les ministères publics cantonaux et les instances fédérales - Ministère public de la Confédération, Fedpol et le Service de renseignement - est bien rodée. Mais le fédéralisme a ses limites.

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«À l'image de la France, notre pays doit pouvoir disposer d'une force de frappe judiciaire antiterroriste»
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Ce «mille-feuilles» complique en effet sérieusement la lutte contre les menaces transfrontalières comme le terrorisme. Des individus passent entre les mailles du filet, à l’image du jeune terroriste qui a poignardé à mort un jeune homme à Morges (VD). Et il est extrêmement difficile de prévoir où des attaques vont se produire. 

Par ailleurs, dans le cas de la radicalisation des jeunes, la compétence judiciaire revient aux tribunaux cantonaux des mineurs. Or ces derniers ne sont pas spécialisés dans les délits terroristes et manquent souvent de moyens pour affronter la complexité et la lourdeur de ces dossiers. Le canton de Berne a déjà tiré la sonnette d’alarme.

Un «mille-feuilles» obsolète?

Un des moyens mis en place par les pays voisins pour lutter contre ce phénomène est la création d'un parquet fédéral antiterroriste. À l'image de la France, notre pays doit pouvoir disposer d'une force de frappe judiciaire antiterroriste. Elle contribuera à fédérer les compétences, à mieux maîtriser la complexité des enquêtes et à améliorer la connaissance des mécanismes de la coopération et de l’entraide pénale internationale. 

Une telle mesure a été d’ailleurs réclamée par le Procureur général de la Confédération et par plusieurs commandants de polices cantonales. Et ils savent de quoi ils parlent. Le Conseil fédéral, lui, n’en voit pas le besoin. Il estime que le «mille-feuilles» actuel fonctionne. Vraiment? Jusqu’à quand?

Je ne lâcherai pas et continuerai à me battre pour que le Conseil National accepte de mettre en œuvre un parquet antiterroriste. Nous avons tout à y gagner. La sécurité de la population, mais aussi la protection de nos jeunes sont une priorité absolue. Nous devons afficher une détermination sans faille contre tous ceux qui défient nos valeurs et mettent en péril tant notre sécurité que nos jeunes.

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