La chronique de Nicolas Capt
Censure des médias en Europe: Honi soit qui mal y pense!

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un post juridique pour les lecteurs de Blick. Cette semaine, au plus fort du conflit en Ukraine, il questionne la légitimité de l'interdiction des médias RT et Sputnik dans les pays de l'UE.
Publié: 08.03.2022 à 11:47 heures
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Dernière mise à jour: 08.03.2022 à 13:32 heures
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Rarement un conflit naissant aura-t-il donné à ce point lieu à une mêlée informationnelle, chaque protagoniste prenant, dans un contexte de ▬▬▬▬▬, des mesures à fort impact sur la liberté d’informer.

D’un côté, la Russie a adopté, il y a quelques jours, un texte de loi qui promet de lourdes peines, allant jusqu’à 15 ans de prison, à ceux qui publieraient des «informations mensongères» sur l’armée, ce par quoi il faut comprendre toute assertion s’écartant de la doxa officielle sur le sujet de «l’opération militaire spéciale» en Ukraine.

En parallèle, il semble que les accès aux éditions russophones de certains médias internationaux aient été limités, ce par quoi il faut comprendre que certains articles portant sur la situation actuelle ne sont désormais plus accessibles depuis le territoire russe.

La diffusion de RT (Russia Today) n'est plus la bienvenue dans les pays de l'UE.
Photo: AFP

RT et Sputnik bannis en Europe

De l’autre, l’Union européenne, par le biais de son Conseil, a pris une décision insolite d’interdiction de fait de l’activité en Europe de RT (Russia Today) dans ses diverses déclinaisons linguistiques et de l’agence de presse Sputnik, estimant que «la Fédération de Russie a entrepris une campagne internationale systématique de manipulation des médias et de distorsion des faits afin de renforcer sa stratégie de déstabilisation des pays voisins et de l’Union et de ses États membres».

«En particulier, explique le texte, la propagande a pris pour cible de manière répétée et constante les partis politiques européens, notamment en période électorale, ainsi que la société civile, les demandeurs d’asile, les minorités ethniques russes, les minorités de genre et le fonctionnement des institutions démocratiques dans l’Union et dans ses États membres.» Dont acte.

Un raccourci dangereux

Reste que cette décision européenne, pour le moins radicale, a déclenché l’ire de nombreux syndicats et associations de journalistes, lesquels y voient «un acte de censure qui réduit le pluralisme de l’information» et un raccourci dangereux entre le travail d’une rédaction et la politique d’un pays.

De là à estimer, qu’en matière d’information, on fait exactement ce que l’on reproche à l’autre, il n’y a qu’un pas, et il est tentant. Il faut bien sûr se méfier des pensées prêtes à l’emploi mais force est de constater que le manichéisme ambiant est bien mauvais conseiller s’agissant de la liberté de la presse qui, rappelons-le, vaut également pour les «idées qui heurtent, choquent ou inquiètent» comme l’a rappelé, en 1975, la Cour européenne des droits de l’Homme dans une affaire Handyside c. Royaume Uni.

Mais, au fond, et comme Coluche le suggérait, l’avenir n’appartiendrait-il pas à ceux qui ont le veto? Bon, je vous laisse, je vais regarder CNews.

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