La chronique de Nicolas Capt
Histoires d’œuvres: entre IA et piano vertical

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il revient sur la dernière grande décision de Microsoft liée à son assistant IA Copilot.
Publié: 15.09.2023 à 17:58 heures
Nicolas Capt

«Quand le sage ne trouve pas de solution à un problème, il se tait. Quand le fou est dans la même situation, il trouve une solution qui ne résout pas le problème.» Ce qui pourrait sonner comme un mauvais proverbe chinois – mais qui n’est issu que des modestes méninges du soussigné – décrit toutefois à merveille la dernière trouvaille de Microsoft.

Confrontée à une inquiétude croissante de ses utilisateurs professionnels pour ce qui est des risques de violation des droits de propriété intellectuelle par l’utilisation de l’IA générative, la société américaine a trouvé la panacée: elle garantit désormais aux utilisateurs que, si ces derniers devaient être poursuivis pour une violation du copyright (la version américaine du droit d’auteur) par des tiers à la suite de l’utilisation de son assistant IA Copilot, elle prendra en charge tant le dommage éventuel que les frais d’avocats y étant relatifs.

Pression sur les concurrents

Une telle prise en charge, assez inédite, démontre davantage le maelstrom juridique entrainé par les récents développements de la machine, et l’impossibilité d’assurer que ses outils n’entraineront pas des conséquences juridiques pour les utilisateurs, que la générosité de façade que d’aucuns ont identifiée. Evidemment, cette couverture ne vise que les utilisateurs professionnels, comprenez payants, et pour autant que ceux-ci n’aient pas court-circuité les filtres et autres protections mises en place.

Microsoft a annoncé que la firme prendrait en charge tant le dommage éventuel que les frais d’avocats relatifs à l'utilisation de son assistant IA Copilot.
Photo: KEYSTONE

Indéniable coup marketing, il est toutefois très probable qu’un tel engagement, dont la portée financière globale est difficile à estimer faute de précédents judiciaires permettant une vision claire des risques effectifs encours, aura aussi des effets sur les concurrents qui pourraient n’avoir d’autre choix que d’emboîter le pas à la firme de Redmond (Etats-Unis), au risque de se voir mis de côté par certains utilisateurs.

Sans trop entrer dans les détails, les rapports entre l’IA générative et la propriété intellectuelle sont aussi nombreux que divers: ils vont de la titularité éventuelle de droits sur l’output (ce qui sort de la machine) par les usagers à la possible violation de droits lorsque la machine est nourrie pour s’entraîner (input), en passant par l’imitation d’œuvres, non pas à l’identique comme le servile plagiat mais par inspiration forte (un roman écrit à la manière de Dan Brown, par exemple), laquelle est susceptible d’entraver la libre concurrence et la liberté économique de certains. Gageons que l’incertain régnera en maître pendant quelques lunes.

Et puisqu’il est question d’œuvre, j’en profite pour signaler une exceptionnelle performance, dans le monde réel cette fois, qui se tiendra du 15 au 17 septembre à la plage des Eaux-Vives (Genève) à 20 heures, soit à la fameuse heure bleue du crépuscule : le pianiste auteur-compositeur Alain Roche y interprétera une session de piano vertical (le pianiste joue à la verticale, suspendu dans le ciel à des filins d’acier).

Ces trois représentations s’inscrivent dans un projet ambitieux, intitulé SOLSTICE TO SOLSTICE, et qui verra Alain Roche se produire du solstice d’hiver 2023 au solstice d’été 2024. Au fil de 182 concerts consécutifs, il se produira tous les jours à l’aube à Munich (Allemagne). Un projet décoiffant et poétique à ne pas manquer.

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