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Irène Kälin
«Je me sens souvent mauvaise dans mon rôle de mère»

Future présidente du Conseil national, Irène Kälin (Verts/AG) est notre nouvelle chroniqueuse. Retrouvez-la un mercredi sur deux sur le thème du «Röstigraben». Mais aujourd’hui, on commence par faire connaissance. Sans langue de bois.
Publié: 02.06.2021 à 14:32 heures
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Dernière mise à jour: 04.06.2021 à 08:18 heures
Irène Kälin

Ich heisse Irène. Ich wohne in Oberflachs. Je tutoie les gens. Parfois aussi ceux que je n’apprécie pas. Mon nom est écrit en français, avec un accent grave sur le «e». De là où je viens, tout le monde s’en fiche, de cet accent grave; et à peu près autant de la prononciation de mon nom. Quant à Oberflachs, c’est une petite localité de campagne, très typique. En Argovie. Un village viticole. Où le vin coule à flots. Le paysage que l’on aperçoit depuis ma fenêtre, directement sur le Rebberg, a des airs de Lavaux, en version miniature.

Je suis politicienne. Verte. Sur le point de devenir la première citoyenne du pays. Mon entrée dans la politique tient plus du hasard et de la chance qu’autre chose. Le fait que j’y suis restée, par contre, tient de la passion. Je ne peux m’empêcher de ressentir de la gratitude, mais aussi de l’humilité, à l’approche de mon entrée à la plus haute et honorable fonction du Parlement. J’ai l’une des plus belles places de travail du monde. Et une place qui me rappelle ce pourquoi je me bats: pour un pays où la force de sa communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres.

Mon fils est mon coach de fitness

Je suis mère. D’un garçon un peu taquin. C’est mon grand amour, et aussi mon coach de fitness, malgré lui. Et pourtant, je n’aime pas les places de jeu. Je n’aime pas le bricolage. Je n’irai jamais faire de la gymnastique parents-enfants. Parfois, la liberté que j’avais autrefois me fait défaut. À cause de tout cela, je suis bien souvent une mauvaise mère. Et pourtant: je suis mère. Et j’aime être mère. Je fais de mon mieux.

Mon fils et mon poste actuel au Conseil national sont pourtant liés, d’une manière un peu étrange. Le jour où j’ai appris que j’étais enceinte était aussi le jour où j’ai appris que j’allais entrer au Parlement. Le même samedi matin. Cela n’a pas toujours été facile. Les mêmes «rôles» ne collent pas toujours bien ensemble. C’est la faute de la politique. Faite par les hommes, pour les hommes. Les femmes sont l’exception. Les mères ne sont pas prises en compte. J’ai dû demander moi-même une table à langer pour y avoir accès. C’était en 2018.

On m'a jugée au lieu de débattre

Cela a fait jaser, outre-Sarine. La jeune parlementaire qui amène son enfant au Parlement. Elle allaite. Elle change les couches. Et fait de la politique. Chacun et chacune avait ouvertement son avis sur le sujet. Et pourtant, je n’avais fait que ce que font toutes les jeunes mères. On m’a donné des bons et mauvais points, sur ce que je faisais faux et ce que les autres devraient faire, au lieu d’en profiter pour entamer des discussion sur l’incompatibilité de la vie politique et familiale. Ce qui aurait été urgemment utile. Une chose est sûre: je referais exactement pareil aujourd’hui.

Et me voici chroniqueuse. Ici. Merci Blick. Cela m’honore. Parce que j’aime écrire. Et parce que j’ai un prénom francophone et que j’habite dans un petit Lavaux, avec un oeil de chaque côté du «Röstigraben». Dans les deux directions. Mais je dois dire, plutôt vers l’Ouest, car c’est là qu’est géographiquement Oberflachs. Et vers la politique. Avec les yeux d’une mère. Les yeux d’une jeune femme. Avec un verre de vin oberflachsois dans la main. Ich heisse Irène. Ich wohne in Oberflachs.

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