Jamais mieux servi que par soi-même #4
Validisme [n.m.]: infirmité cognitive fréquente qui ne touche que les personnes considérées comme valides par la Société

Pour Blick, le journaliste Malick Reinhard déconstruit les clichés et pointe du doigt (au figuré) la maladresse des «valides» face au handicap. L’extrême bienveillance, tout comme le rejet, à l’égard des personnes en situation de handicap n'est pas une bonne nouvelle.
Publié: 27.06.2021 à 14:38 heures
|
Dernière mise à jour: 06.08.2021 à 16:42 heures
Malick Reinhard

J’ai une question. Être en situation de handicap, ça veut dire quoi? Malheureusement, je n’ai pas quatre heures pour vous l’expliquer, mais à peine 3500 signes pour l’effleurer. Il faudrait une thèse, une antithèse et peut-être un bon nombre de foutaises (dont la mienne), pour tenter de commencer à comprendre «c’est quoi être handicapé».

C'est un secret de polichinelle, en opposition au terme de «handicapé», on aime utiliser celui de «valide». Un ou une valide, selon le Larousse 2021, c’est une personne «qui est en bonne santé, capable de travail». Son antonyme? Invalide. «Se dit de quelqu’un qu’une infirmité rend incapable d’activité». Tout à fait charmant. Et progressiste.

Êtes-vous atteint de validisme?

Je sais, ça fait beaucoup d’interrogations. Mais, est-ce qu’un ou une invalide est une personne nécessairement «en mauvaise santé»? On aurait tendance à penser que, oui, une personne en situation de handicap est malade. Pire: elle souffre. Ce qui, relation de cause à effet, laisse penser qu’une personne en situation de handicap qui réussit est une personne courageuse. «Une véritable leçon de vie». Bigre.

Ce genre de croyances, ça s'appelle le «validisme». Une sorte de handicap mental de personnes valides. Même si, la plupart du temps, ce comportement part d'un bon sentiment, il se caractérise, inconsciemment et avant tout, par la conviction des valides (encore eux) que l’absence de handicap leur confère une position plus enviable, parfois même supérieure, à celle des personnes en situation de handicap. Il est aussi possible, certes dans de plus rares situations, que ce comportement soit hostile. Il peut prendre la forme d'un rejet plus ou moins direct de la personne qui vit – en ne souffrant pas nécessairement – avec son handicap. On parle dans ces cas là d’«handiphobie». Alors, c'est qui l’infirme, là?

Autrement dit, le validisme, appelé également «capacitisme», fait de la personne valide, ou capable, «la norme sociale», précise la française Céline Extenso, co-fondatrice du collectif féministe Les Dévalideuses. «C'est un comportement social typique qui va placer l'absence de handicap comme la norme», explique-t-elle. «Si l'on a un handicap, on sera toujours considéré comme moins enviables, inférieurs: cela se traduira par des discriminations structurelles, et l'association du handicap à des choses négatives.»

De bonnes intentions et une attitude bienveillante

On commence à se connaître, et je vous vois déjà venir : voilà encore un néologisme inventé spécialement pour permettre à une énième minorité de se victimiser. Or, pour Céline Extenso et son collectif: «La vérité, c'est que le validisme existe depuis toujours, mais vous ne le connaissez pas, ou peu.» Avant d'ajouter: «La particularité d'une oppression, c'est qu’elle est subie par un groupe de personnes, et si on est en dehors de ce groupe, on peine à voir la réalité de la chose.»

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

On serait presque tenté de clarifier le fait qu’avoir de bonnes intentions et une attitude bienveillante n'empêchent en rien le développement d'un comportement infantilisant à l’égard de la personne handicapée. En tant que personne vivant avec un handicap, on est parfois tenté de vouloir devenir invisible. La militante féministe développe d'ailleurs: «Les gens qui nous disent ça le font avec plein de bonnes intentions, mais pour nous, c'est pénible, parce que c'est disproportionné, poursuit-elle, revendiquant le droit pour une personne handicapée de passer inaperçue lorsqu'elle poursuit des études ou conduit une voiture. C'est presque humiliant, parce qu'en soulignant ces choses, on nous met en marge du monde.»

#CœurAvecDesPaillettes

Une mise en marge du monde que de nombreuses personnes en situation de handicap tentent désormais, à l’image des Dévalideuses, de redessiner. Car, comme le revendique le collectif: «On ne doit pas changer le regard, on doit le déconstruire».

Reste à ce que les validistes acceptent de suivre leur traitement adapté : une bonne dose de décentration et un brin d’écoute active, au quotidien. De belles et inspirantes leçons de vie, ces personnes en situation de validisme. Vous pouvez être fiers de votre parcours. Merci pour cette richesse que vous apportez à nos vies. #CœurAvecDesPaillettes.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la